L'Ecrin des illusions

Chapitre 25 : Hurle-au-Vent (première partie)

4798 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 21/04/2024 23:07

Les semaines s'écoulèrent, suivant leur rythme inaltérable. Au bout de quelques jours, l'agitation autour des quatre Gryffondor décrut, remplacée par la dernière facétie de Peeves qui avait littéralement dévasté le bureau du pauvre Rusard et avait suspendu la pauvre Miss Teigne à un lustre. Violet était sortie de l'infirmerie, avait offert un paquet de Chocogrenouilles au quatuor et avait repris sa vie d'élève de Serdaigle.


Hazel quant à elle, souffrait d'insomnies et ses nuits, de plus en plus courtes, étaient peuplées de songes confus, parfois effrayants. La jeune fille porta les mains à ses paupières et les frotta avec force. Même le cours de métamorphose ne parvenait plus à capter son attention et la nuit passée avait été encore plus agitée que les précédentes : elle avait vu l'ignoble Voldemort pointant sa baguette vers l'avant-bras d'un tout jeune Severus Rogue. Le jeune homme avait tenté de garder un masque impassible, mais elle avait pu lire, sans pouvoir intervenir, la douleur intense brillant dans ses yeux sombres.


Sofia lui donna un coup de coude, Hazel se redressa avec vivacité. Mis à part Seren, nul n'était au courant du secret qu'elle partageait avec Rogue, et ses amis pensaient qu'elle était hantée par sa rencontre avec Hyde. La jeune sorcière adressa un sourire se voulant rassurant à son amie et griffonna quelques notes sur son parchemin vierge. Elle rendit sa copie à la fin de l'heure et s'échappa de la salle de cours, avant que McGonagall ne puisse la questionner sur son état de fatigue.


Charlie fut le premier à la rattraper. Il la saisit par l'épaule et la força à lui faire face.

- Hazel ! Tu as une mine de déterrée ! Tu devrais peut-être aller à l'infirmerie.


La jeune fille secoua la tête : Certes, elle pourrait demander une potion de sommeil à Pomfresh, mais connaissant cette dernière, elle essaierait d'en savoir davantage au sujet de ses insomnies et Hazel n'avait nullement envie que sa directrice soit au courant de quoi que ce soit. Elle balbutia quelques excuses sonnant faux et reprit sa marche peu assurée vers la salle de Défense contre les forces du Mal. Les cours de Jekyll étaient une torture accentuant sa fatigue et son irritabilité. Elle ne supportait plus les minauderies de la belle rousse. Son désir de la découper en petits morceaux ou de la balancer dans un chaudron bouillant se faisait de plus en plus fort. Ses cours étaient de plus en plus ardus et suscitaient bien des malaises chez les jeunes élèves ! Pas plus tard que la veille, Jekyll s'était « amusée » à leur montrer des photographies de sorciers soumis au sortilège de l'Imperium. À croire qu'elle se délectait de la souffrance d'autrui.


Hazel redressa la tête. Jekyll se tenait sur le seuil de sa salle et bavardait avec un Peeves lévitant à ses côtés. L'esprit frappeur avait dessiné un petit cœur à l'encre baveuse sur sa joue droite. La jeune sorcière n'avait qu'une envie : prendre les jambes à son cou. Le regard de l'esprit frappeur se posa sur elle, un sourire déplaisant s'étira sur ses dents proéminentes et il disparut dans un nuage de puanteur. Jekyll l'accueillit par un sourire de fausse sollicitude.


- Par Merlin, Hazel ! Vous avez des cernes jusqu'aux genoux ! Vous devriez dormir, sous peine de ressembler à votre cher Rogue...

Elle ponctua sa réplique d'un clin d'œil provocateur. Hazel lui décocha un regard meurtrier et passa devant elle en marmonnant un « bonjour » poli mais dénué de cordialité. Jekyll l'attrapa par l'écharpe, la forçant à s'arrêter. Hazel sentit son pouls s'accélérer tandis que la pression du vêtement autour de son cou se faisait de plus en plus forte.

- Miss Evans, vous devriez retirer ce répugnant vêtement, beaucoup trop long pour vous ! Vous n'avez malheureusement pas hérité de la taille impériale des Black. Vous risquez de vous blesser.

Les élèves de première année assistaient à cette scène, bouche bée. Hazel porta la main à son écharpe pour tenter de s'en libérer, Jekyll resserra son emprise.

- Confiez-la-moi, je vous la rendrai à la fin de l'heure.


Hazel savait qu'elle ne devait pas lui donner son écharpe mais à cet instant, elle ne savait pas comment outrepasser l'ordre de sa professeure. Sans compter que Jekyll cherchait le moindre prétexte, la moindre faille pour tenter de lui faire franchir les limites et avoir une bonne raison de la mettre en retenue. Hazel avait, pour le moment, résisté à toutes les attaques de sa professeure afin de ne pas se retrouver seule avec elle. Elle hocha la tête, la main de Jekyll se retira de son vêtement et la jeune fille défit son écharpe qu'elle lui tendit à regret. Jekyll garda quelques instants l'écharpe au creux de sa main droite avant de la ranger dans l'un des innombrables tiroirs de son bureau. Hazel massa son cou endolori, posa son sac et s'assit au milieu de la pièce. Ses camarades ne tardèrent pas à la rejoindre.


- Tu devrais en parler à McGonagall, souffla Sofia avec inquiétude en se glissant à ses côtés. Elle devient de plus en plus folle, cette bonne femme !

- Ou alors, demande à Rogue, suggéra Charlie. Il se fera un plaisir de lui éclater la tronche à coups de furoncles !


Hazel esquissa un bien piètre sourire. Sa relation avec Rogue était devenue des plus glaciales : le maître des potions l'ignorait et ne prêtait plus attention à elle. Il refusait même de s'approcher d'elle ou de l'interroger en cours. Il ne lui accordait pas même un regard et ne l'abreuvait pas davantage de remarques désagréables. Elle était devenue à ses yeux, aussi insignifiante qu'une tache gênante ornant un habit immaculé. Jonathan quant à lui, conseilla de prévenir Dumbledore. Hazel secoua la tête : le directeur ne lui avait-il pas ordonné de s'en tenir à son rôle d'élève ? Elle se débrouillerait toute seule, sans l'aide des adultes qui refusaient de l'écouter.


- Mirwani, Weasley, Harker et Evans, pourrais-je savoir ce qui rend votre discussion aussi intéressante ? s'enquit Jekyll d'un ton mielleux.

Sofia lui répondit avec une pointe d'irrespect, ce qui lui valut un devoir supplémentaire et dix points en moins pour Gryffondor. Jekyll annonça sa sentence avec gourmandise, pourléchant ses lèvres vermeilles d'un coup de langue satisfait. Les premières années se turent, un brin terrifiés par cette femme dont la noirceur transpirait davantage chaque jour un peu plus...


- Voyons, voyons, déclara Jekyll en tapotant sa joue gauche à l'aide de sa baguette. Que pourrions-nous voir aujourd'hui ? Nous avons déjà abordé les sortilèges impardonnables, la lycanthropie, les dragons, sans oublier Azkaban. Je compte bien aborder le règne du Seigneur des Ténèbres dans quelques semaines... Qu'est-ce qui pourrait nous être utile ? Les serments et autres pactes magiques ?

Hazel sentit un mauvais pressentiment l'étreindre. En un geste machinal, avide de protection, elle replia sa main contre son cœur. Le petit fil se déplia et se faufila entre ses doigts, lui procurant un semblant de chaleur. Jekyll lui coula un coup d'œil moqueur avant d'abaisser sa baguette jusqu'à sa poitrine, vers sa parue rougeoyante.

- Qui pourrait me donner quelques informations sur le Serment inviolable ?


Quelques mains se levèrent : celle de Jonathan et des élèves issus de familles de sorciers. Les réponses se firent entendre, un peu incertaines, un peu troublées. Hazel, sans le laisser paraître, prêtait attention à tout ce qui se disait autour d'elle, pour tenter de comprendre un peu mieux, le lien l'unissant au maître des potions. Jekyll apporta quelques données supplémentaires, invita ses élèves à user de prudence avec ce genre de serment magique. Elle se tut quelques secondes, maintenant un semblant de suspens afin de captiver son auditoire.

- Il existe un autre serment, encore plus mystérieux et dangereux qu'un Serment inviolable.

Les élèves échangèrent des regards surpris. Hazel resserra ses doigts autour du fil. La cadence de son cœur s'accéléra. Elle avala sa salive avec difficulté. Jekyll frôla sa parure du bout des doigts avant de pointer sa baguette vers sa victime toute désignée.

- Evans, pourriez-vous vous concentrer ?

La jeune sorcière acquiesça en tremblant. Elle replia ses mains autour de ses épaules transies de froid

- Les représentations du Pacte sont rares, reprit Jekyll en dévoilant une image au tableau. Le sort aurait été inventé, semble-t-il, au Moyen Âge.


Hazel fixait la gravure avec un intérêt non feint : celle-ci représentait deux jeunes gens sous un verger. Tous deux étaient unis par un lien rouge relié à leurs auriculaires. Jekyll reprit ses explications, indiquant que la littérature sorcière de cette époque regorgeait de ces personnages de sorciers usant de ce lien que seule la mort venait briser. Un lien non dépourvu de souffrance et de tristesse. Jekyll passa à une autre peinture. Au fil du temps, le Pacte avait été interdit car trop dangereux, trop intense. Seuls quelques sorciers, des fous selon Jekyll, s'étaient livrés à ce petit sort et tous avaient regretté amèrement leur acte. Elle leur conta l'histoire de ces deux sorciers unis par le Pacte et qui avaient fini par se haïr. Liés par le sang, ils avaient fini par s'entre-tuer, scellant leur destin de manière tragique.


- Professeur, demanda Johanne, qu'est-ce que ce Pacte a de plus que le Serment inviolable ?

- Tout, Miss March. Les deux sorciers sont liés de manière inéluctable. Ils partagent tout.

Jekyll se pencha vers Hazel et lui chuchota d'une petite voix moqueuse :

- Même leurs souvenirs les plus précieux et leur puissance magique.


Hazel tenta de garder un masque impassible, imitant l'indifférence du maître des potions. Ce dernier était beaucoup plus doué qu'elle en la matière ! Le lien se déplia le long de ses doigts et se déploya en pétale contre sa paume. La jeune sorcière était fascinée par l'image des deux duellistes rendant leur dernier souffle, agonisant sur la neige, leurs robes maculées de sang. Elle sentit son propre sang se geler dans ses veines face à cette peinture. Elle avait beau lutter, une vision la saisit à nouveau. La salle de classe disparut, la silhouette de Jekyll et de ses camarades s'évanouirent et elle se retrouva dans le parc de Poudlard enneigé. Elle courait vers le Lac noir, sa main amputée de deux doigts, serrant sa baguette magique. Sa robe noire était couverte de poussière et ses cheveux tombaient devant ses yeux. Un bruit de pas se fit entendre derrière elle. Elle se retourna. Une silhouette se détacha de l'obscurité et s'avança avec lenteur, sa baguette pointée vers elle. Hazel adulte se mit en position de défense, un rictus se dessina sur les lèvres du maître des potions vieillissant. Elle brandit sa baguette et...


La porte de la salle de classe s'ouvrit avec fracas. Peeves surgit en poussant des cris terrifiés, les mains plaquées contre son visage déformé par la peur.

- Baron Sanglant ! hurla-t-il dans un long cri d'effroi. Baron Sanglant !


Les élèves se levèrent, ébahis par une telle apparition ! Hazel en profita pour reprendre ses esprits. L'esprit frappeur se dirigea droit vers sa bien-aimée et s'accrocha à elle avec désespoir, ses mains enserrant le beau visage de Jekyll. Il se mit à la secouer tout en repliant ses jambes autour de sa taille, s'accrochant à elle tel un singe agrippé à sa branche. Jekyll poussait des cris furieux et essaya de se débarrasser de l'esprit frappeur en proie à une terreur indicible. La salle de classe se retrouva plongée dans le noir. L'hystérie de l'esprit frappeur redoubla d'intensité et une lueur argentée se dessina sur le seuil de la pièce. Les élèves se rassemblèrent, frissonnants et apeurés : le terrible Baron Sanglant les fixait de son regard impénétrable. Il fit quelques pas dans la pièce. Jekyll poussa un cri rageur et d'un Depulso bien exécuté, envoya son sbire sur les roses. Peeves, choqué par une telle attitude, disparut en répandant des sanglots perçants. Le Baron Sanglant jeta un regard à la peinture représentée au tableau et s'évanouit à son tour, dans un long sanglot. Hazel, sentant le fil palpiter, baissa les yeux vers sa poitrine. Le lien avait regagné en force et étincelait d'une faible lueur rouge. Elle redressa la tête. Jekyll sourit avec malice et Hazel sut que son secret venait d'être découvert...


Le cours se termina sur cette note étrange. Jekyll lui lança son écharpe en lui conseillant d'éviter de s'étrangler, Hazel récupéra ses affaires et sans attendre ses amis, se précipita jusqu'aux cachots. Son prochain cours était celui de potions et elle devait tout mettre en œuvre pour prévenir Rogue. Elle pénétra dans la salle de cours, le souffle court et le visage rendu rouge par sa course éperdue dans les couloirs. Rogue se tourna vers elle, le sourcil arqué en une pointe inquisitrice. Jekyll n'avait pas menti : il avait une mine épouvantable !


Son arrivée tonitruante lui attira une remarque acerbe de la part de Rain :

- Tu avais peur d'arriver en retard, Evans ?

- La ferme, Rain ! répliqua Misty.


L'insulte de Misty lui valut une punition ainsi que deux points en moins pour sa maison ; Rain en fut quitte pour une sévère remontrance ; quant à Hazel, il ne la regarda même pas. La jeune sorcière se glissa près de Seren. Les autres Gyrffondor arrivèrent, se firent réprimander pour leur retard et se virent retirer une dizaine de points. Les lionceaux n'avaient qu'une discussion au bord des lèvres et se mirent à discuter de leur cours précédent avec leurs voisins de Serpentard. Jonathan raconta à Misty, à voix basse, les événements survenus à l'heure précédente. Hazel déballa ses affaires en faisant du bruit, espérant ainsi attirer l'ire du maître des potions. Celui-ci était d'une humeur massacrante et après avoir donné des consignes sur la potion du jour - une potion à base de fromage -, il passa dans les rangs afin de surveiller son auditoire. Sa colère tomba sur deux Gryffondor échangeant sur le cours de Défense contre les forces du Mal.


- Twist, retenue samedi à 10h10 ; March, retenue dimanche à 10h15 et vous amènerez votre voisine trop bavarde avec vous !


Sa fureur s'abattit également sur des élèves de sa propre maison qui avaient fait tomber un morceau de camembert bien coulant au sol. Un petit Serpentard terrorisé fut même contraint de nettoyer leur maladresse à l'aide de la manche de son uniforme.


Seren jeta un regard par-dessus de son épaule et voyant que Rogue était occupé à critiquer le début de préparation de deux élèves au bord des larmes, il en profita pour retirer une lettre de sa poche et la tendit à son amie.

- Ma' Althea m'a répondu...


Hazel le remercia avec chaleur et déplia la lettre sur ses genoux, tout en surveillant son chaudron exhalant des odeurs fromagères insupportables. Elle se mit à parcourir la missive avec avidité, fut un peu déçue en y retrouvant des détails qu'elle connaissait déjà, alors qu'elle désirait plus que tout, apprendre comment se débarrasser de ce lien. Une petite voix aigrelette suspendit sa lecture.


- Professeur Rogue ! s'écria Rain Stoker en tendant un index accusateur vers Hazel. Evans est en train d'échanger des petits mots avec Wilde !


Hazel voulut dissimuler la lettre mais vif comme l'éclair, Rogue fondit sur elle et lui arracha la lettre des mains. Elle n'offrit aucune résistance, se contenant de soutenir son regard. Il parcourut la lettre, blêmit, avant de la faire disparaître d'un coup de baguette. La lettre se dispersa devant Hazel en petits confettis brûlés. Hazel comptait sur cette mésaventure pour attirer ne serait-ce qu'une remarque de sa part. Il se contenta de bougonner et de tourner les talons. Rain parut stupéfaite par le manque de réaction de son directeur.


- Mais professeur, reprit-elle d'un ton perçant. Evans a lu une lettre pendant votre cours ! Vous devriez...

- Vous devriez vous taire, Stoker, sinon je vous arrache la langue à la petite cuillère, conclut Rogue d'un ton n' admettant aucune réplique.


Il se détourna de la table de Hazel et se mit à arpenter les allées, critiquant chaque chaudron bouillant croisant son chemin. Rain lança un regard meurtrier à Hazel avant d'échanger quelques mots avec son voisin de Serpentard. Hazel eut un haussement d'épaules et se mit à verser, n'importe comment, sans les mesurer, les différents morceaux de fromage composant sa potion « à la française ». Jonathan tenta de l'avertir et la mit en garde contre sa préparation douteuse. La jeune fille ne tint pas compte de ses conseils et mélangea une part de brie avec quelques grammes de Roquefort avant de vider toute une fiole de parmesan dans sa composition. Une odeur pestilentielle s'éleva bientôt de son chaudron et un nuage gras flotta dans les airs, provoquant toux et nausées chez certaines camarades. La potion avait une affreuse couleur de fromage pourri et des petits vers grouillaient à sa surface. Hazel touillait avec rage, bien décidée à susciter ne serait-ce qu'un regard de la part du maître des potions. Peine perdue ! Le cours s'acheva dans une atmosphère nauséabonde et sans aucune remontrance à l'encontre de l'entêtée Gryffondor.


- Doyle, aboya Rogue à la fin de l'heure, apportez-moi les fioles de vos camarades !


Misty tendit une main hésitante vers la potion préparée par Hazel, mais celle-ci l'empêcha de prendre sa décoction. Sous les regards effrayés de ses amis, la jeune sorcière se leva, ôta le bouchon fermant sa fiole et s'approcha avec lenteur d'un Rogue lui tournant le dos, trop occupé à répandre son fiel sur une table de Gryffondor terrifiés. La table de Rain Stoker n'était plus qu'à quelques pas. Hazel laissa tomber le petit bouchon en liège qui roula jusqu'aux pieds du maître des potions. Il se retourna avec vivacité, prêt à houspiller l'audacieux, lorsque son regard tomba sur une Hazel lui faisant face, son maudit sourire Black accroché aux lèvres et la main enserrant sa fiole exhalant une odeur putride. Rain se mit à ricaner, ricanements qui se changèrent en cris apeurés quand Hazel lui versa le contenu de sa potion sur les cheveux.


- Vous êtes complètement folle, Evans ! s'écria Rogue en lui arrachant ce qui restait de la potion des mains.


Hazel replia son bras vers elle, tout en prenant soin de lui montrer le petit fil brillant qui venait de regagner en intensité. Elle leva les yeux vers lui, échangeant quelques paroles muettes qu'il parut enfin comprendre. Il invita, à sa façon toujours aussi cordiale, ses élèves à sortir de sa salle, réprimanda une Rain sanglotant, fit disparaître le liquide graisseux de sa tête, sans toutefois lui en retirer l'odeur, et la convia elle aussi à quitter son cours et à cesser ses couinements de porcelet. Charlie, parvenu sur le seuil de la salle, parut hésiter et Rogue lui cria d'un ton mordant de se dépêcher s'il ne désirait pas vider les entrailles d'un Niffleur en guise de punition ! Choqué, le pauvre Weasley déguerpit sans demander son reste.


Rogue resserra ses doigts autour de la fiole qui se fissura sous l'effet de sa colère mal contenue. Un coup de poing invisible frappa la poitrine de Hazel. Elle n'avait jamais ressenti les sentiments animant le maître des potions avec autant de force !

- Professeur, commença Hazel d'une voix mal assurée, je dois...

- N'avez-vous donc pas encore compris, petite sotte ! Je ne veux plus rien à voir avec vous et votre cervelle imbécile !


Il tourna les talons, bien décidé à lui échapper à nouveau. Hazel, surmontant la crainte qu'il lui inspirait à cet instant, l'attrapa par la manche, le forçant à s'arrêter, à l'écouter. Il eut un hoquet de surprise, outré par un tel manque de respect, et en laissa tomber la pauvre fiole ! Hazel resserra son emprise, agrippant son avant-bras avec une force dont elle se croyait pourtant dépourvue !


- J'ai parfaitement compris le message, répliqua-t-elle avec colère. Je sais que je suis un fardeau pour vous et que vous comptez vous débarrasser de moi quand Hyde sera neutralisé, mais pour le moment, ce n'est pas le cas. Professeur, il s'agit de Jekyll ...

Contrairement à Dumbledore, il ne releva pas le manque de respect qu'elle avait eu à l'encontre de sa collègue. Il esquissa un petit mouvement du menton, l'invitant à poursuivre, sans chercher à se défaire de son empoigne.

- Elle sait, confessa Hazel d'un ton étouffé, elle a vu le lien et elle a parlé du Pacte en cours. Vous devez me croire ! Professeur !

Il baissa la tête, examinant le bout de ses souliers, comme s'il ignorait, pour une fois, quelle attitude adopter face à une pareille accusation. Hazel se rapprocha, ses doigts se mirent à trembler.

- Professeur, répéta-t-elle, croyez-moi.


Elle s'apprêtait à rompre leur contact, quand elle vit avec stupeur, le lien se mettre à briller, étincelant de toute sa belle couleur rouge. Ce fil s'étirant de son cœur et la reliant à celui du sinistre sorcier. Sa force était la sienne et elle sentit que si Hyde était apparu à cet instant dans la salle, ils auraient pu l'éliminer en unissant leurs pouvoirs. Rogue secoua la tête et s'arracha à son emprise, rompant le lien magique.


- Tenez-vous à l'écart de Jekyll, je m'en occupe.

Elle voulut ouvrir la bouche, mais il ne lui en laissa pas le temps :

- Si vous bougez ne serait-ce qu'une oreille, je vous jure de vous faire renvoyer de cette école. Maintenant, ordonna-t-il en pointant un index tremblant vers la porte, hors de ma vue !


Elle récupéra son sac et sortit des cachots, abandonnant un maître des potions confus. Hazel eut quant à elle, la surprise de tomber nez à nez avec Seren. Son ami l'attendait devant le tableau représentant Hurle-au-vent. Il poussa un soupir soulagé en la voyant et se précipita vers elle, s'excusant pour sa bêtise : il n'aurait jamais dû lui donner cette maudite lettre en cours ! Hazel s'empressa de le rassurer et s'apprêtait à lui parler de Jekyll quand une Rain exhalant une odeur écœurante, écourta leur discussion :

- Tiens, tiens, qu'est-ce que nous avons là ? Les deux demeurés !

Seren se plaça devant Hazel et croisa les bras sur sa poitrine, prenant l'air patibulaire qu'il arborait en début d'année lorsqu'il jouait les petites terreurs. Hazel s'écarta de quelques pas afin de faire également face à la Serpentarde, bien décidée à ne pas laisser Stoker passer sa colère sur son bon gros géant.

Un rictus sardonique s'étira sur les lèvres de Rain :

- C'est marrant de te voir copiner avec cet abruti, déclara-t-elle d'un ton moqueur. Si je ne me trompe pas, tu es grande copine avec une certaine Morgan Prewett ?

- Rain, commença Seren d'un ton mauvais.

- Quoi ? Tu ne lui as pas dit, Seren ! Moi qui croyais que tu n'avais aucun secret pour ta copine de Gryffondor !

Hazel leva un regard interrogateur vers son ami, celui-ci détourna les yeux, les poings serrés en un geste tremblant. Rain se rapprocha de Hazel, la toisant avec ce mépris dont elle faisait preuve avec tous ceux qu'elle estimait indignes de son intérêt.

- Tu n'as pas raconté à Evans, les chouettes petites réunions organisées dans ton grand manoir pourri ? Réunions auxquelles participaient tes parents et mon demi-frère.

- Jervis ? murmura Hazel avec curiosité.

Elle avait du mal à croire que le charmant jeune homme, un brin timide, rencontré chez Fleury & Bott puisse être un Mangemort !

- Jervis ?! cracha Rain avec fureur. Jervis a toujours été un lâche de Poufsouffle, sans ambition. Un minable toujours à geindre et à abreuver les œuvres de charité de son fric ! Non, je te parle du jumeau de cet idiot, mon cher Branwell.


Un éclat de fierté traversa les yeux de la jolie Rain lorsqu'elle prononça le prénom de ce demi-frère tant aimé et admiré. Son grand frère adoré qui n'avait pas supporté d'être emprisonné à Azkaban et qui avait fini par sombrer dans la folie ... Branwell était son modèle depuis sa naissance et elle se reconnaissait dans cet aîné fier de son sang et fasciné par la magie noire. Alors qu'elle n'était encore qu'une fillette, Branwell lui avait confié son rêve de voir le Seigneur des Ténèbres triompher et c'était avec un orgueil non dissimulé qu'il avait montré sa marque à sa petite sœur fascinée. C'était également à cette petite fille qu'il avait confié son excitation lorsqu'il revint, une nuit, couvert de sang. Afin de s'attirer les faveurs de son maître, il avait éliminé sans nul remord, les Abbott, un couple d'Aurors dont l'épouse était une Sang-de-Bourbe, ce qu'il exécrait le plus ! Il lui avait raconté, comme on récite un conte pour enfants, sa plaisante aventure nocturne, s'attardant avec délice sur les effets de son Imperium sur la pauvre jeune femme qu'il avait pris grand plaisir à torturer. Rain esquissa un sourire en souvenir de cette nuit complice. Son cher Branwell lui avait enseigné quelques tours de magie noire et un jour, l'avait même emmenée à Hurle-au-vent, où elle avait pu faire la connaissance d'un petit groupe de Mangemorts fort intéressants.


- Le couple Wilde, énuméra la jeune Serpentarde en se rappelant avec joie, cette soirée malfaisante, Hyde et Dahlia Black et Danvers Carew. Ils étaient tous là et ils parlaient d'éliminer un vieux sorcier, un certain Prewett, ainsi que le fiancé moldu de sa fille, une imbécile nommée Morgan Prewett.

Hazel blêmit, elle vit la mâchoire de son ami se contracter sous l'effet d'une rage mal contenue. Rain, ravie de l'effet produit par sa révélation, se mit à ricaner avec mépris, rappelant à Hazel, les rires idiots du petit groupe de Serpentard croisé lors de son songe se déroulant dans le Poudlard du futur.


Elle vit la main de Seren se déployer et comprenant ce que son camarade s'apprêtait à faire, elle essaya de le retenir :

- Non, Seren ! Non !

Elle tenta de le raisonner, lui rappelant que Dumbledore l'avait menacé de renvoi s'il s'avisait à porter de nouveau la main sur un élève de l'école. Ivre de rage, Seren avait fait voler en éclats ses belles promesses et ne semblait animé que d'un seul désir : écrabouiller la tête de Rain contre le mur afin de lui faire perdre son petit rictus. Sentant le danger venir, Rain eut l'instinct de se reculer et de protéger son visage de ses mains. Hazel se mit à crier, espérant attirer l'attention de Rogue, mais la porte des cachots demeurait obstinément close.

- Seren, arrête !


Elle se figea et se mit à suffoquer. Son écharpe venait de s'enrouler autour de son cou et l'étreignait avec force. Elle abandonna la lutte contre son ami et tenta de se libérer de l'emprise de son vêtement à présent animé d'une volonté propre et malfaisante. Seren, en entendant ses gémissements, s'arrêta net et se désintéressa de Rain qui, profitant de cet intermède, s'éclipsa sans demander son reste. Seren, joignant ses forces à celles de son amie, tirait avec rage sur l'écharpe meurtrière. D'un coup, l'écharpe s'immobilisa et se déplia, retombant aux pieds des deux amis, tel un serpent mouvant son corps gracile. Ils se penchèrent vers le vêtement, intrigués ; ils poussèrent un même cri quand celui-ci s'enroula autour de leurs chevilles droites et les entraîna dans le tableau.


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