Ses yeux verts

Chapitre 30 : Chapitre trentième - Opposition

2702 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 02:34

« - ASSEZ ! » hurle le professeur au bout d'une demi-heure de cours, un retrait incalculable de points à ses maisons et de nombreux cris. « Sortez tous ! » lance-t-il encore d'un air furibond.

Debout au milieu de la salle, alors que tout le monde sort, Ingrid Potter reste là, figée, les bras ballants, surprise. Voilà presque une semaine que rien ne va plus. Une semaine que le professeur Rogue est plus exécrable que d'ordinaire, sans qu'elle ne sache pourquoi. Une semaine qu'il refuse de lui parler, de la voir, sans qu'elle ne comprenne pourquoi un tel comportement. Bien sûr, Severus Rogue a toujours eu son petit caractère mais là, la sorcière se doute qu'il y a autre chose. Elle veut le voir, lui parler, peut-être l'aider. N'est-ce pas son rôle désormais ? Mais comme trop souvent en ce moment, Rogue lui somme de quitter les lieux et elle n'ose pas protester devant l'air courroucé qu'il aborde.

Déboussolée, Ingrid quitte la pièce pour rejoindre la bibliothèque, mal à l'aise et se sentant totalement impuissante. Une impuissance qui la met en rage quand elle aimerait tant pouvoir comprendre et aider le professeur de défense contre les forces du mal. Quand elle aimerait simplement retrouver la relation qu'ils avaient avant et qui lui donne l'impression de se dégrader. Dans un même temps, sachant qu'elle n'est qu'une gamine, l'aînée Potter sent la peur l'étreindre à l'idée que peut-être, l'homme ne veut tout simplement plus d'elle. A moins qu'elle ne l'ait blessé. Mais elle ne voit pas vraiment comment.

Déambulant dans les couloirs en direction de la bibliothèque, la jeune femme croise finalement son ami Max de la maison Serpentard qui, devant son air étrange et pâle, l'entraîne contre son gré prendre un peu l'air dehors, prétendant que cela lui ferait le plus grand bien. Et si l'atmosphère extérieure ne déride pas la jolie Serdaigle, les blagues de son ami se montrent, pour leur part, redoutablement efficaces si bien que ce n'est qu'à la nuit tombée, en ce jeudi, que la demoiselle regagne le château pour le souper.

***

Le sorcier se redresse prestement dans son lit, de la sueur perlant sur son front et son torse nu, signe d'une grande fièvre. Il est malade depuis plusieurs jours maintenant, privé de repos, rendu fou par la fatigue. Soumis à une grande anxiété et une torture de privation, l'homme n'en est que plus redoutable envers ses élèves qui, de fait, sont plus calmes que d'ordinaire. Il ne le remarque pas, tant il a besoin de se défouler. Chaque nuit, le même rêve revient, il en devient exécrable et, alors même que ce rêve lui montre une triste destinée, le comportement qu'il adopte le fait courir dans cette voie. Chaque nuit, depuis une semaine, voilà que Rogue songe au jour où, apprenant ce qu'il aura dû faire à Dumbledore, Ingrid Potter le quittera. Et il ne veut pas la perdre. Mais ne sait comment la retenir, comment la séduire suffisamment pour que malgré cela, elle reste auprès de lui. Ses songes, tous plus pessimistes les uns que les autres ne lui laissent guère espérer de réconciliation et, quand il voudrait la prendre dans ses bras, la presser contre lui pour se rassurer, il se souvient qu'il est seul dans sa chambre, par sa propre faute puisque lui-même éloigne la jeune femme ces derniers temps.

Se levant pour rejoindre le salon, le sorcier se sert un verre de whisky et s'installe, le regard perdu dans la cheminée qu'il allume. Il sait qu'il doit parler à Ingrid. Déjà, l'avoir auprès de lui, la rassurer. Elle ne doit rien y comprendre, alors que tout allait jusque là si bien. Et puis, quand il sera sûr qu'elle ne lui en veux pas pour la distance qu'il a mise entre eux, l'homme pourra lui expliquer les plans de Dumbledore. Sauf qu'il n'en a pas l'envie, craignant de donner à sa compagne un trop lourd fardeau. Et puis, il ne tient pas à la voir si vite le regarder comme un monstre. Jusque là, il n'a jamais craqué et a toujours gardé ses missions secrètes, ce n'est pas difficile pour lui, d'ordinaire. Mais il n'avait personne dans sa vie. C'est différent aujourd'hui, avec Ingrid. L'homme réalise à quel point il dépend d'elle, du regard qu'elle porte sur lui. Il réalise à quel point la Serdaigle a changé la donne, à quel point elle a réorganisé ses priorités, ses pensées. Cette nuit, plus que jamais, confronté à ses démons, ses peurs, sa charge, aux dangers de l'existence qu'il mène, l'homme prend conscience de l'importance de sa compagne dans sa vie. Il a perdu Lily, hors de question de perdre Ingrid aussi. Un sourire se dessine sur ses lèvres. Mais songer à cela ne l'aide guère à se décider pour savoir comment procéder, comment faire pour chasser ces mauvaises nuits, la voir le rassurer, sans la briser par quelques trop sombres révélations. Poussant un soupir, l'homme fini son verre d'une traite et se lève, pour s'en servir un second, qu'il pose sur la table basse une fois assis et ne touche plus. Perdu dans ses pensées, l'homme quitte finalement le confort de son canapé pour s'asseoir à son bureau. Puisqu'il ne peut dormir, peut-être que corriger quelques copies lui permettra de se vider l'esprit, en attendant de trouver quelque chose pour venir à bout de ses problèmes.

***

Dans la noirceur du dortoir, alors que toutes sont endormies, une Serdaigle ne dort pas : Ingrid Potter. Après un sommeil agité, la demoiselle s'est réveillée avec une effroyable sensation, un profond sentiment de solitude, alors même que théoriquement, elle a tout ce dont une jeune adulte peut rêver, c'est-à-dire de solides amitiés, un bon bagage scolaire et, pour ne rien gâcher, un amoureux intelligent qui compte parmi les meilleurs potionnistes de ce siècle. Et pourtant oui, cette nuit, la jolie rouquine se sent malheureuse, triste à en pleurer, alors que Severus Rogue lui manque. Même si elle le voit à chaque cours, ils ne partagent plus grand chose, comme ce fut le cas avant. Et il a même annulé la dernière heure de cours particulier, sans donner d'explications.

Finalement, Ingrid quitte son lit et, n'y tenant plus, elle change de tenue, quittant sa robe de nuit pour enfiler une robe simple, avant de quitter le dortoir pour rejoindre la salle commune. De là, la jeune femme quitte les quartiers des Serdaigle à pas de loup, espérant ne pas se faire repérer par Rusard pendant sa longue marche jusqu'aux cachots. Arrivée au troisième étage, l'idée que peut-être Severus dort lui effleure l'esprit mais il est trop tard pour faire marche arrière. Entendant des pas et se sachant fichue car le couvre-feu est tombé depuis un moment, Ingrid emprunte un couloir à droite, faisant le moins de bruit possible en essayant d'échapper à Rusard. Pressant le pas, elle tourne à gauche, tourne encore à droite et... tombe nez-à-nez avec Miss Teigne, la chatte du concierge. Le cœur battant, l'étudiante se met à courir, dévalant l'escalier pour rejoindre le premier étage puis le hall. Elle passe enfin les portes menant aux cachots. Mais une main se referme sur son poignet, celle de Rusard.

« - Eh bien eh bien... Où comptiez-vous aller ? Je vous y prends ! »

« - Je euh... je... je suis somnambule monsieur. » ment la demoiselle, espérant ne pas avoir trop d'ennuis, tout en sachant que le mensonge n'est jamais une vraie bonne solution pour amoindrir une peine.

« - Merlin... Ah, vous ferez moins la fière, devant le professeur Rogue, je vous le dis ! » la menace Rusard, sans savoir qu'il va finalement escorter l'étudiante, et la mener exactement là où elle voulait se rendre.

Le poignet toujours maintenu par la main rugueuse du concierge, Ingrid le suit, essayant de paraître effrayée – tout en l'étant un peu, sachant que Rogue n'est pas vraiment dans ses bons jours et qu'il pourrait tout aussi bien se montrer franchement rude dans la punition – et repentante, comme quelqu'un qui ne voudrait surtout pas avoir à rencontrer de ces heures la chauve-souris des cachots.

« - Professeur ! » tambourine le cracmol aux appartements de Severus Rogue. Et le cœur de la jeune femme accélère sa course.

« - Rusard... J'espère que vous avez une... excellente raison à tout ceci... » menace l'homme d'une voix doucereuse, n'appréciant pas particulièrement d'être dérangé de la sorte, au milieu de la nuit.

« - Oh croyez-moi... J'ai surpris cette jeune personne dans les couloirs. Il est plus de minuit... » fait remarquer Rusard.

Se rendant soudainement compte de la présence d'Ingrid, le regard du professeur Rogue croise celui de la jeune femme.

« - Je vais m'en occuper. » déclare l'homme. « Vous pouvez disposer, Monsieur Rusard. » lance-t-il.

Aussitôt le cracmol quitte les lieux et les deux amoureux se dévisagent, l'une gênée tout à coup, l'autre assez surpris. Aucun d'eux n'ose parler, dans un premier temps. Puis le professeur semble réaliser qu'ils sont au milieu d'un couloir et que, si quelqu'un venait, ce serait assez suspect. Même s'il y a peu de chances que Rusard revienne, le sorcier ne souhaite pas prendre de risques.

« - Entrez. » lance l'homme et la demoiselle s'empresse d'obéir. « Je suis surpris miss Potter, d'apprendre qu'à l'image de votre frère, vous aimez vous promener dans les couloirs la nuit... » commence Rogue.

« - Tiens, ce n'est plus Ingrid, professeur ? » demande la jeune femme d'un ton légèrement sec, insistant sur la condition de l'homme vis-à-vis d'elle, espérant lui faire le même effet que celui qu'elle a reçus en étant qualifiée, dans l'intimité, par son nom.

« - Ingrid je... » commence l'homme, réalisant soudainement que la demoiselle semble lui en vouloir, comme il l'aurait cru. Probablement à cause de son comportement des jours précédents. « Je ne sais que te dire. »

« - Ce n'est rien. C'est... moi. J'aurais dû me douter que je ne vous amuserais pas longtemps. Je ne suis qu'une élève après tout. Un autre cornichon incapable, très peu digne de votre intérêt... » lance-t-elle acerbe, vexée et peinée. Déjà, elle est prête à faire demi-tour, les larmes aux yeux, la colère la gagnant.

« - Ingrid ! Comment oses-tu... d'où sors-tu de telles bêtises ? » lance-t-il d'un air furieux, plus agacé contre lui-même en réalité que contre la Serdaigle.

« - Vous ne me parliez plus vous... vous étiez si distant... » explique la jeune femme la voix tremblante.

« - J'ai eu quelques ennuis ces derniers temps" marmonne-t-il en se rapprochant d'elle, la prenant bientôt entre ses bras, en faisant de gros efforts sur lui-même pour ravaler sa trop grande fierté qui lui a déjà par le passé joué des tours. "Mais... cela ne remet pas en question l'amour que je te porte, d'accord ? » interroge l'homme, prenant le menton de la belle pour relever doucement son visage.

« - Quels ennuis ? »

« - Je n'ai pas le droit d'en parler. »

« - Comme c'est facile ! » siffle la demoiselle entre ses dents.

« - Ingrid, je ne te permets pas ! »

« - Oh oui, comme d'habitude, le professeur Rogue VEUT ! » gronde la Serdaigle.

« - Attention à ne pas dépasser les limites ! Tu es bien aussi entêtée que ton père ! » rugit le sorcier, la foudroyant du regard.

« - Je veux juste comprendre. Comprendre pourquoi depuis des jours tu es différent, pourquoi depuis des jours tu es tant à cran. Je veux comprendre cette distance que tu as mis entre nous. » s'exclame la demoiselle, d'un air furieux.

« - Je ne peux pas Ingrid... comprends-moi... je ne peux partager mes missions avec qui que ce soit et... je refuse de t'imposer un tel fardeau à porter... » explique l'homme radoucis, baissant les armes le premier, pris soudain d'une peur que cette dispute engendre, au souvenir d'une autre dispute, il y a des années, qui lui avait fait perdre Lily. Hors de question de perdre Ingrid maintenant. Pas deux fois la même erreur de fierté mal placée.

« - Mais je veux la partager Severus... » murmure la demoiselle et l'homme tressaille à l'entente de son nom dans cette bouche.

« - Ingrid ne... me force pas la main... » souffle-t-il comme la sorcière s'est approchée et presque collée à lui, plongeant un regard vert implorant dans les iris noirs du maître des potions qui, déjà, se sent vaciller aux désirs de la Serdaigle. Fichu pouvoir que ces yeux ont sur lui, le voilà qui balbutie.

« - Severus... s'il te plaît... »

« - Non je... je ne peut pas. Je refuse de te mêler à tout ça je...»

« - Severus... s'il te plaît... » murmure une fois de plus la demoiselle. Et son souffle chaud caresse les lèvres du professeur, provoquant chez lui un frisson parcourant son échine.

« - D'... d'accord mais pas ici... » souffle l'homme, étouffé par une chaleur soudaine. Aussitôt, il met un peu de distance physique entre sa compagne et lui, échappant au regard et l'emprise de cette dernière.

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