Ses yeux verts

Chapitre 31 : Chapitre trente-et-unième - Contrariante révélation

3065 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 06:50

Maintenant, il ne peut plus faire marche arrière, même s'il le souhaite Il se sent un peu comme prit au piège. D'ici quelques instants il devra lui dire. Il peut bien essayer de repousser le moment de parler, celui-ci finira bien par venir. Poussant un soupir, l'homme indique à son interlocutrice de la suivre, sans trop savoir où aller. Une seconde, il pense à se diriger vers le parc du château, pour s'installer aux abords du lac. Mais c'est finalement en direction des escaliers qu'il se dirige, une fois le hall rejoint. Sans un mot, Ingrid le suit en se faisant le plus discrète possible, craignant de tomber une fois de plus sur Rusard. Ce dernier ne doit pas avoir l'habitude de voir le professeur Rogue escorter un étudiant jusqu'aux appartements de sa maison. C'est pourtant sans encombres qu'ils atteignent le septième étage. Tournant le dos à la tapisserie de Barnabas le Follet apprenant la danse classique aux trolls, la sorcière observe le Serpentard passer trois fois devant le mur, visiblement plongé dans une profonde réflexion. Sachant très bien où ils sont, la jeune femme le laisse faire, sans poser de questions. Enfin, l'homme ouvre la porte, invitant la demoiselle à entrer. Cette dernière, avançant d'un pas, est bien surprise de découvrir une chambre qui ressemble fortement à celle de son professeur, si ce n'est la présence d'un peu de bleu et bronze. Pénétrant à l'intérieur, la jeune femme prend place sur une chaise, le regard interrogateur.

 

"- Le grand Severus Rogue aurait-il cherché un moyen de... gagner du temps ?" lance-t-elle d'un air rieur, visiblement amusée par ce que sa perspicacité lui fait comprendre et qui lui vaut un regard maussade de la part du professeur, peu fier de se sentir si faible face à cette étudiante, lui qui se joue pourtant si bien du plus grand mage noir de ce siècle. Comme l'amour rend bête ! "Alors ?" questionne-t-elle en s'approchant de lui. Doucement, la rouquine pose sa tête sur l'épaule de l'enseignant, provoquant un sursaut chez ce dernier qui, finalement, glisse un bras dans le dos de la sorcière pour l'approcher davantage de lui.

"- Alors miss Potter vous êtes beaucoup trop curieuse pour votre propre bien..." la taquine le professeur avant de poursuivre. "Bien trop comme votre père..." et il la toise sur ces mots, un sourire narquois aux lèvres comme il reprend un peu de sa contenance.

 

Au lieu de s'agacer de cela, Ingrid hausse les épaules en poussant un soupir, patientant sans demander davantage, persuadée qu'elle finira par avoir gain de cause, quitte à employer pour cela les techniques les moins recommandables, les plus Serpentard. Avec son maître des potions, elle a été à bonne école il faut dire. Levant le regard vers lui, la jeune femme croise les iris noirs du professeur et son cœur fait un bond dans sa poitrine. Doucement, mais spontanément, la jeune femme rapproche son visage délicat de celui, moins gracieux, de l'homme qu'elle a pourtant choisi et qui, en dépit d'un physique assez peu avantageux aux yeux du commun des mortels, a su s'attirer son affection. Avec tendresse, leurs lèvres se rencontrent, pour ne se séparer que quelques instants plus tard, les deux sorciers à bout de souffle.

 

Comment lui dire ? Le regard plongé dans les émeraudes de sa compagne, l'espion de Dumbledore cherche ses mots. Déjà, il ne lui dira pas qu'Harry doit mourir. Et encore moins que le seigneur des ténèbres devra le faire de ses propres mains. Ce qu'il a à révéler maintenant est déjà suffisamment désagréable sans en ajouter une insupportable couche. Comment dire à la Serdaigle, si heureuse de vivre, qu'elle est amoureuse d'un meurtrier ? Elle le sait déjà certes, comme le susurre une voix dans la tête du serpentard. Mais elle doit penser qu'il est un homme bien maintenant. Qu'il a laissé tomber la magie noire. Sait-elle seulement que pour servir Dumbledore, il continue de servir le Lord noir ? Décidant de commencer par le début, l'homme remonte sa manche, avec une grimace, exposant sa marque au regard de la Serdaigle qui, surprise, l'observe en détail. Même si elle l'a déjà vue dans des livres, c'est la première fois pour elle qu'une vraie marque est sous son nez. Généralement toutefois, il vaut mieux éviter d'en rencontrer une.

 

"- Que dis-tu de cela ?"

"- Je sais Severus. Je sais déjà pour ça. Je sais déjà parce que... je l'ai lu tu sais." fait remarquer la demoiselle, faisant référence au journal de sa mère. "Mais je sais aussi que tu es dans le camp de Dumbledore, que tu fais parti de l'ordre et... J'ai confiance en toi je sais que tu es devenu... redevenu, devrais-je dire, quelqu'un de bien... Cette marque... ne fait pas de toi un homme mauvais. Le monde n'est pas tout gris ou tout noir !" assure la demoiselle.

"- N'essaies-tu pas plutôt de te convaincre que je suis quelqu'un de bien, Ingrid ?" interroge l'homme d'un air sceptique.

"- Non. Tu l'es. Tu l'étais avant le mage noir, tu l'es redevenu après... après le décès de ma mère j'imagine. Et c'est parce que Voldemort l'a tuée... que j'ai confiance. Je veux dire... tu l'aimais, je le sais. Et peut-être même que... - tu l'as aimé plus que tu ne m'aimes, se retient-elle de dire - enfin bref. Ce que je veux dire c'est que je ne te pense pas capable d'être encore au service de l'ordure qui a tué Lily Evans !" assure la jeune femme avec véhémence.

"- Tout n'es pas si simple."

"- Si. Certaines choses le sont !" affirme Ingrid, d'un air résolu.

"- Je ne l'ai pas aimée plus que toi." assène-t-il d'un coup, déstabilisant la demoiselle qui ne s'y attendait pas. "Je n'ai pas l'habitude de violer tes pensées non. Encore que tu serais surprise de l'effet... bénéfique que peut avoir la légilimancie en certaines occasions... Enfin, tu as juste... pensé tellement fort que ce n'était pas difficile à entendre, même sans formule." la nargue-t-il d'un sourire en coin. "Ingrid... Elle est morte. Elle est mon passé et... toi tu es mon présent. Ne te sens pas concurrencée par un fantôme, c'est ridicule." assène-t-il sur le même ton qu'il réserve habituellement à Neville et qui ne manque pas, pour le coup, de moucher son interlocutrice. "Toutefois, tu as raison de dire que je ne veux pas le servir. Mais comme je te l'ai dit, tout n'est pas toujours si simple. Je DOIS le servir. Jusqu'à ce que Potter le tue. C'est... la mission que Dumbledore m'a confié. Ce qu'il faut que tu comprennes... C'est que ma couverture m'oblige à certains... crimes. Je DOIS tuer en son nom, je n'ai pas le choix. Sauf celui de mourir."

 

La jeune femme tressaille. Effectivement dans son esprit, c'est idiot, les choses étaient moins sombres, même si elle n'imaginait pas spécialement que ce soit une partie de plaisir de jouer les espions. Mais de là à devoir choisir entre tuer ou être tué... Égoïstement, Ingrid préfère toutefois qu'il obéisse, tant que cela est nécessaire. Une larme roule sur sa joue. Tristesse et compassion mêlées. Le sorcier reprend, cherchant encore ses mots pour choquer la demoiselle le moins possible.

 

"- Il est même arrivé... les femmes... de devoir les..." commence-t-il, sans trop savoir comment dire les choses. Le souvenir de ce qu'il a dit un jour à Lily le hante en cet instant si bien que le sorcier craint de perdre la Serdaigle, s'il a un mot malheureux. "Mais pas depuis toi !" la rassure-t-il en se reprenant tout à coup, devant l'air soudainement choqué et abattue de la demoiselle. "Depuis avant, à vrai dire. J'ai toujours plus ou moins essayé de me défiler. Parfois ça passe..." Parfois pas. Il ne le dit pas, mais la jeune femme le comprend. "Tout ça pour te dire Ingrid..." il la presse un peu plus contre lui. "Connais-tu la légende des frères Peverell ?" demande-t-il, changeant d'approche et sa douce hoche légèrement la tête. "Tu te souviens de la baguette ?"

"- Oui."

"- Dumbledore la possède." assène le sorcier. "Tu sais comment se transmet la baguette ?".

"- Oui..." répond-elle en déglutissant.

"- Voldemort ne le sait pas. Enfin, il ne sait pas qu'il doit tuer Dumbledore de ses propres mains."

"- Ne me dis pas que..." questionne-t-elle paniquée, se relevant tout à coup, pour faire face à son compagnon qu'elle dévisage.

"- Non, il ne m'en a pas chargé." A ces mots, un soupir de soulagement échappe d'entre les lèvres de la demoiselle. "C'est Drago Malefoy, qui a hérité de cette mission." lâche-t-il d'un air amer, sous le regard de la serdaigle qui s'est figée. Comment un si jeune garçon peut-il déjà être promis ainsi au Lord ? Se reprenant, la rouquine songe que c'est à cet âge là que Severus lui-même a été recruté. "J'ai fais un serment inviolable avec Narcissa Malefoy. Je dois protéger mon filleul. S'il venait à échouer je..."

"- Tu devras le faire, c'est ça ?" questionne la demoiselle qui le coupe, le teint livide tout à coup.

"- Oui. Et Dumbledore veut que ce soit moi, pour ne pas pervertir l'âme de Drago."

 

C'est dit. Ingrid s'est décomposée, laissée tomber au sol, dévastée par la nouvelle, anéantie par ses pensées, par tout ce que sous-entendent les mots de l'homme qui lui fait face.

 

"- Dumbledore est déjà condamné. Sa main noire... c'est incurable. Il sait qu'il n'en a plus pour longtemps. Il a choisi sa manière de mourir. Plus ou moins. Il doit avoir un plan..." énonce le professeur, sans paraître bien sûr de ce qu'il avance.

"- Je refuse de te perdre..." souffle douloureusement la demoiselle, posant sur l'homme son regard vert plein de larmes, dont la plupart ont déjà maculé ses joues de traces humides. "Si Voldemort apprend que Drago ne l'a pas tué, mais que tu l'as fais... Il ne réfléchira pas à deux fois avant de te tuer, tu sais très bien qu'il le fera !" annonce la demoiselle comme son interlocuteur affiche un air étonné de ses premiers propos.

 

Severus rejoint la Serdaigle au sol, qu'il prend dans ses bras la berçant tout en caressant sa chevelure pour la réconforter. Il ne sait guère que dire de plus. C'est trop de nouvelles, il savait bien qu'il ne devait pas le dire mais il savait aussi qu'il devait le faire, pour qu'elle ne le déteste pas après, sans jamais savoir la vérité. C'est égoïste, très égoïste. Mais quitte à ne plus en avoir pour longtemps, autant vivre ce qu'il lui reste auprès d'elle et non dans la solitude, comme il a toujours vécu.

 

"- Je suis déjà mort, Ingrid... Je ne devrais même pas te garder pour moi. Je ne pense qu'à ma personne en agissant ainsi. Je devrais... Je devrais te laisser libre de fréquenter quelqu'un de ton âge, quelqu'un que tu ne risques pas de perdre chaque fois qu'un vieux fou l'appelle à lui. Quelqu'un avec qui tu peux penser à ton avenir et avoir des projets... Quelqu'un comme Mr Willow."

"- Je ne veux pas être avec Adrien !" proteste la demoiselle en coupant court aux propos de l'homme.

"- Mais je suis égoïste, Serpentard et... pour le temps qu'il me reste à vivre, je veux que tu sois mienne." achève-t-il, rassurant celle qui l'espace d'une seconde a imaginé le terme de leur histoire, les propos de l'homme le lui faisant présager.

 

La demoiselle se presse un peu plus contre le sorcier, pleurant contre son épaule. Elle imagine alors maints scénarios, pour sauver la vie de son cher et tendre, mais tous sont, elle le sait, tout à fait impossibles. Dans une guerre il y a des sacrifices. Il y a des morts. Ainsi va la vie. Elle ne peut pas lutter contre cela et voir le monde magique s'effondrer de son seul désir de rester auprès de celui qu'elle aime. Alors, le moment venu, si elle survit jusque là, toute de noir vêtue, aux côtés de ceux qui voudront rendre hommage à ce héros de guerre, c'est comme une veuve qu'elle assistera à la mise en terre. C'est l'image qui vient à son esprit. Une image que rageusement elle chasse, avant de se lever prestement, dévisageant l'homme.

 

"- Dumbledore doit mourir. Tu dois potentiellement mourir. Et peut-être même qu'Harry va mourir. Et qu'est-ce qu'on fait ? On est comme deux imbéciles à pleurer ? A nous apitoyer sur notre sort ? Non ! Tu sais ce que nous allons faire ? Nous allons vivre. Et nous aimer. Peut-être en attendant la fin... Qu'importe. Et on va faire dans le temps qui nous est impartie ce que l'on peut pour déjouer cet avenir foireux. On va faire ce que l'on fait de mieux : des potions. On va essayer de créer quelque chose, un philtre, un truc, qui peut ramener les morts à la vie. Les morts de guerres, ceux qui sont morts depuis quelques instants, quelques minutes, ceux qui sont encore chauds !" lance-t-elle avec détermination.

 

Severus la dévisage, comme si la jeune femme était devenue complètement folle et au fond, peut-être bien qu'elle l'est, par la fougue de sa jeunesse. Peut-être bien que oui, Ingrid est folle. Folle de son désir de vivre et d'aimer. Quel contraste avec l'air maussade de celui qui marche déjà aux côtés de sa mort, sans trop d'espoir. Il faut dire que jusque là, mourir ne lui faisait pas peur, il n'avait personne pour qui vivre. Maintenant... Maintenant il y a ces deux iris verts qui valent la peine de se battre. Pourtant, le sorcier reste sceptique.

 

"- Tu n'y arriveras jamais, d'autres ont déjà essayé.

"- Tu as raison. Je n'y arriverais jamais. Pas sans toi." lance-t-elle d'un air de défi.

"- Je te dis que d'autres ont déjà essayé, Ingrid."

"- Ils n'étaient pas toi !"

"- Cela ne marchera jamais."

"- Et bien ça, c'est ce que nous verrons ! Je vais essayer de vous sauver Severus Rogue. Que vous le vouliez ou non !"

 

Et comme déjà, elle se couche pour réfléchir à tout ceci, la nuit portant conseil, un sourire se dessine sur les lèvres de celui qui bientôt se lève pour rejoindre le lit et glisser un bras autour de la taille de sa compagne pour la maintenir, au royaume des songes, au plus proche de son cœur.

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