Ses yeux verts

Chapitre 34 : Chapitre trente-quatrième - Ease my mind

2946 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 02:53

Le 29 Mars est arrivé. En ce samedi matin Poudlard raisonne du caquètement de tous. D'un côté, ceux qui rentrent à la maison fêter pâque en famille et qui font bruyamment rouler leurs valises sur les pavés pour quitter le château et rejoindre Pré-au-Lard où le Poudlard Express attend. De l'autre les étudiants excités à l'idée d'assister à un bal le soir même. Les petits couples de danseurs se sont formés, les garçons ont invitée les filles et ces dernières ne manquent pas de jouer à qui a dégoté le meilleur cavalier, la plus jolie robe... Un vrai combat de poule dans un poulailler. Ingrid, de son côté, est loin de prendre part à l'excitation générale, même si elle a finalement décidé de se rendre au bal, sous la pression de Luna et Mandy, et qu'elle a accepté d'y accompagner Adrien Willow, venu l'inviter le lendemain de l'annonce de Dumbledore, de peur que quelqu'un ne le fasse avant lui, mettant ainsi fin à de longues semaines de mutisme. Toutefois, Ingrid a déjà prévu sa soirée et risque d'en étonner plus d'un, quitte à jouer avec le feu. Depuis sa rupture avec Rogue, consciente du désintérêt total du directeur de Poudlard pour tout ce qui ne sont pas ses plans, la demoiselle a développé une rancœur féroce à l'attention du vieillard et elle compte bien lui prouver ce soir qu'il ne peut pas avoir le contrôle de tout et que, même s'il a interdit et condamné l'amour qu'elle porte à Severus et l'amour que ce dernier lui porte, il ne peut pas l'anéantir. Qu'au fond d'elle, pour toujours, Ingrid aura une part de lui. Qu'il est sa moitié. Une vieille légende raconte qu'au commencement homme et femme ne formaient qu'un et qu'une divinité, en colère, les a séparé condamnant l'espèce humaine à sans cesse rechercher sa moitié. Ingrid ce soir veut renvoyer au professeur Dumbledore un message : qu'il le veuille ou non, Rogue est cette moitié d'elle-même que les dieux l'ont condamnée à chercher. Son stratagème n'est somme toute pas trop dangereux. Pas assez en tout cas pour que qui que ce soit d'autre comprenne quoi que ce soit.

 

***

 

L'heure du bal est annoncée et Rogue pousse un soupir. Dire que Dumbledore l'a obligé à venir, pour surveiller les étudiants, le condamnant ainsi à voir Ingrid danser au bras d'un autre. Une fille comme elle sera forcément invitée par plusieurs jeunes hommes au cours de la soirée. Il ne pense pas qu'elle ait accordé son bras à un cavalier officiel mais il ne pourra pas lui en vouloir si elle accepte quelques danses ce soir. Dans la grande salle, transformée en salle de bal pour l'occasion, l'homme supervise les derniers préparatifs en jetant un regard aux premiers convives arrivés, sans y trouver Ingrid. Pourtant, ses amis sont là. Tout ceux qui sont restés au château. Dont Mr Willow. Le professeur se sent soulagé de le voir là, cela veut dire qu'il n'est pas le cavalier d'Ingrid, autrement ils se seraient donnés rendez-vous dans la salle commune de leur maison.

 

Les élèves descendent les escaliers, de plus en plus nombreux. La grande salle métamorphosée ce soir arbore un escalier. Par un sortilège, l'habituelle grande porte a ainsi pris place à plusieurs mètres du sol pour permettre une élégante descente des demoiselles au bras de leurs cavalier. C'est donc sous le regard de tous que chacun fait son entrée. Rogue les regarde descendre, deux par deux. Mais aucune trace d'Ingrid. Alors il se surprend à songer que, peut-être, la jeune femme ne viendra pas.

 

De son côté, dans la salle de bain des filles de sa maison, Ingrid achève la mise en place de son diadème. Un énorme chignon rassemble élégamment ses cheveux, telle une princesse. Une princesse de Sang-mêlé. La jeune femme jette un regard à son reflet dans le miroir et un sourire se dessine sur ses lèvres. Elle se sait splendide ce soir. Personne n'a vu sa tenue encore et elle s'attend à surprendre quelque peu. Ses amis, Dumbledore et même Rogue. D'un pas décidé, en bonne dernière, elle quitte les lieux et se hâte de gagner la grande salle. La musique a commencé mais le bal n'est pas ouvert. Toutefois, tout le monde est probablement déjà là tant ils étaient tous excités et pressés de vivre cette soirée. Ingrid pousse un soupir, ramasse son courage à deux mains et pousse la lourde porte pour paraître en haut de l'escalier.

 

Comme plusieurs personnes ayant remarqué l'arrivée d'Ingrid, le professeur Rogue est séduit et surpris par cette apparition tandis qu'à quelques pas de lui, le professeur Dumbledore a pâli. Dans une robe sirène de couleur émeraude, un collier en forme de serpent taillé dans ce qui ressemble à de l'argent autour du coup, Ingrid descend les marches en prenant le temps, pour que Dumbledore ait tout le loisir de pouvoir la voir et assimiler son message. Au bas des marches enfin, elle donne le bras à Adrien Willow qui la complimente sur sa tenue tout en s'étonnant de voir sur elle une combinaison à ce point Serpentard, étonnement auquel répond la jeune femme en disant qu'elle l'avait cherchée en bleu en vain. Le bal est alors ouvert par les préfets présents. Rapidement, Adrien entraîne Ingrid sur la piste et cette dernière se retrouve à danser quoique son esprit divague et qu'elle adresse davantage de regards furtifs au professeur Rogue qu'à son cavalier.

 

Après de longues minutes de danse, Ingrid réclame une pause pour boire un verre que son cavalier s'empresse d'aller chercher tandis que la sorcière, elle, s'éclipse de la salle pour sortir dans le parc. Si personne ne la remarque vraiment, occupé à boire et danser, ce n'est pas le cas du professeur Rogue qui profite de voir Dumbledore offrir son bras à Minerva pour se lancer à la poursuite de la rousse. La retrouvant sans mal, il la fait sursauter en brisant le silence d'une voix sarcastique et blessée.

 

"- Je vois miss Potter que vous avez été prompte à vous remettre... Monsieur Willow n'a pas dû attendre longtemps..." lâche-t-il.Surprise, le cœur battant la chamade, la demoiselle se tourne en direction de l'homme face auquel elle tente de se défendre, y parvenant plus ou moins bien. A vrai dire, à mesure qu'elle tente une approche, la jeune sorcière sent bien que ses arguments prennent l'eau, qu'ils sont mauvais, qu'ils ne valent rien et qu'elle s'enfonce, au contraire.

"- Dois-je vous rappeler que c'est vous qui m'avez quittée ?" se défend donc la demoiselle, comme pour faire valoir son droit à se remettre de cet événement, puisqu'elle n'en est pas le déclencheur.

"- Vous savez très bien pourquoi." gronde le professeur Rogue.

"- En effet. C'est arrivé parce que vous n'êtes pas capable de faire valoir votre droit à décider par vous même face à Dumbl..." lance-t-elle la colère montant dans sa voix.

"- Pas de ça avec moi !" l'interrompt-il. "Je vous ai déjà dit, miss, que l'on ne fait pas toujours comme l'on veut dans la vie." rappelle l'homme.

 

A court d'argument, Ingrid se mord la lèvre inférieure. Elle sait bien qu'elle réagit mal, qu'elle réagit comme une enfant. Observant l'homme plus en détail, la Serdaigle se rend bien compte que sa colère est une façade, qu'il lui manque, que sa seule envie est de se blottir contre lui. Si seulement elle pouvait s'approcher, l'embrasser, respirer son parfum... Qu'il est dur de l'avoir si près d'elle et si loin à la fois. De son côté, le sorcier fait le même constat. Il donnerait cher pour que la chevelure de la sorcière vienne chatouiller son nez, que son parfum titille ses narines. Son cœur bat plus vite comme il l'imagine contre lui. Ingrid, elle, a mal au cœur. Elle sent ses yeux s'humidifier. La privation lui apparaît plus terrible maintenant qu'au cours des derniers jours. C'est simple, elle n'est pas capable de vivre sans lui. Chaque cours de défense contre les forces du mal constitue pour elle, comme pour lui à vrai dire, une vraie torture même s'il parvient à cacher son trouble et la difficulté de l'exercice bien mieux que la demoiselle.

 

"- Venez miss..." murmure-t-il bientôt en s'éloignant de la grande porte du château.

 

Obtempérant, la demoiselle emboîte le pas à l'homme. Ce sera plus prudent de discuter à l'abri des regards, n'importe qui pourrait sortir prendre l'air. Mais discuter de quoi ? A vrai dire, la bleu et bronze n'imagine pas un instant qu'ils vont faire la conversation. Et dans son éclat de lucidité il ne l'a pas entraîné à l'écart simplement pour reprendre plus loin leur dispute, elle ose l'espérer en tout cas. C'est dans un coin sombre du parc qu'ils échouent alors, derrière le château, où personne ne devrait avoir l'idée de venir les trouver.

 

"- Tu me manques."

 

Cet aveux n'est pas celui de la jeune femme mais bien celui du professeur incapable de taire plus longtemps la douleur que lui procure le regard vert de la demoiselle. Lui qui sait résister au seigneur des ténèbres se sent encore une fois incroyablement faible face à ces deux émeraudes.

 

"- Et t'imaginer avec... lui..."

"- Je ne suis pas avec lui." le coupe la jeune femme. "Pas comme tu l'entends. J'ai juste accepté de l'accompagner à la soirée. Je ne t'aurais pas remplacé si vite..."

Le tutoiement entre eux leur revient naturellement, quoiqu'ils conservent une certaine distance.

"- C'est si dur sans toi Severus..." murmure la demoiselle en approchant de lui.

"- On ne peut pas..." commence-t-il.

"- Je sais. Dumbledore ne veut pas." renchérit la jeune femme. "Mais Dumbledore oublie peut-être que je suis majeure... Et donc libre de choisir par moi-même. Il oublie que je suis une adulte, une adulte parfaitement consentante, consciente, apte à faire ses propres choix. Et mon choix c'est toi Severus. Ce sera toujours toi..." promet la demoiselle en plantant son regard dans celui du professeur, qu'elle distingue relativement peu dans l'obscurité.

"- Ingrid..."

 

Pour toute réponse, la jeune femme répond à un désir qu'elle réprime depuis trop longtemps déjà. En trois pas, la voilà contre le professeur, ses lèvres pressés contre celles de l'homme. Elle se fiche bien, alors, de ce que Dumbledore peu trouver à redire à son histoire. Elle a besoin du Serpentard. Il ne peut pas les empêcher d'éprouver de l'amour.

 

"- Dumbledore dit toujours que ce qui compte, c'est l'amour. Que la grande faiblesse de Voldemort est de ne pas en éprouver." chuchote la demoiselle. "Pourquoi tenir de tels propos et nous séparer ensuite ? J'ai besoin de toi Severus. Ces quinze derniers jours ont été... atroces..." déclare la jeune femme.

 

Pour toute réponse, l'homme glisse ses bras autour de la taille de sa douce, qu'il trouve plus fine qu'autrefois. A vrai dire il a remarqué visuellement la maigreur de la Serdaigle mais la sentir a plus d'impact encore. Et c'est de sa faute. Son devoir l'a privé d'elle c'est une chose. Mais son devoir a blessé le demoiselle et cela, il ne se le pardonne pas.

 

"- J'ai besoin de toi Ingrid." souffle-t-il alors, avant de presser ses lèvres contre celles de la sorcière. Cette dernière sent son cœur battre la chamade. Pour elle, ces propos valent davantage qu'un simple "je t'aime".

"- Je ne veux plus jamais laisser qui que ce soit te séparer de moi..." déclare Ingrid la voix tremblante et l'homme la presse un peu plus contre lui.

"- Ingrid ce n'est pas possible." déclare l'homme avec fermeté, retrouvant un peu de sa force de volonté. "Ce n'est même pas raisonnable. Si cela se savait... Imagine une seconde que Tu-sais-qui s'en serve contre moi... Qu'il te blesse pour m'atteindre, qu'il se serve de toi. Nous ne sommes à l'abris de rien."

"- Justement. Je ne veux pas survivre en attendant une mort possible, promise par les temps sombres. Je veux vivre, je veux profiter de ma vie et, le jour venu, ne rien regretter !" lance la demoiselle furieusement. "Tu ne te débarrasseras pas de moi si facilement Severus ! Je ne dis pas que ce sera tout rose tout les jours, qu'un long chemin fleuri nous attends... je sais que bien des choses sont contre nous. Mais je ne veux pas passer à côté de nous !" déclare-t-elle avec autant de volonté dans la voix que le sorcier en a eu un peu plus tôt.

"- Et que proposes-tu ?"

"- D'aller voir Dumbledore et de lui dire que les choses sont comme ça, pas autrement. Que nos jours sont peut-être comptés et que je ne souhaite pas me terrer, que je ne désire pas mourir avec des regrets. Que c'est un vieux fou sénile et qu'il ne peux pas considérer tout le monde comme des pions dans un échiquier, que je me refuse à être son jouet ! Je lui dirai que je ne peut pas et ne veux pas vivre sans toi et que s'il le faut, je suis prête à m'enfuir et t’entraîner avec moi de gré ou de force." déclare-t-elle d'un air décidé tout en tentant, sur la fin, un trait d'humour. "Et après cela je propose de continuer là où nous nous sommes arrêtés, suffisamment discrètement pour que personne d'autre ne l'apprenne."."- Ingrid..." soupire l'homme, légèrement touché par les mots de la demoiselle et son air décidé à ne rien lâcher.

"- Severus..." souffle la demoiselle.

 

Sous la clarté de la lune, à l'ombre d'un château, un couple s'embrasse et danse un instant à l’abri des regards, se rappelant du bal de noël avec tendresse, avant de se séparer pour retourner à la soirée et reprendre la partie là où ils l'ont laissée.

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