Ses yeux verts

Chapitre 38 : Chapitre trente-huitième

2548 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 09:04

Les cours sont de retour et la vie étudiante reprend le dessus sur les vacances. Les couloirs de l'école fourmillent des plaintes de ses étudiants entre deux cours ou, au contraire, de leurs piaillements heureux. Même à l'heure du repas, avec une heure et demie de pause devant eux, certains laissent entendre que c'est trop peu et geignent de déplaisir. C'est le cas surtout, ce jour là, des étudiants de Serdaigle et Gryffondor, puisque les heures de cours de l'après-midi auront lieux avec le professeur Rogue. Il en est une dans cette masse, qui râle seulement pour donner le change, sans y mettre trop de conviction non plus. Même si Luna est au courant de l'histoire de son amie, cette dernière ne peut prendre le risque d'être découverte par qui que ce soit d'autre. Donc, elle continue de donner le change, comme avant. Devant ces derniers, la jolie rousse a toujours prétendu que des heures supplémentaires avec le professeur Rogue n'étaient pas pour lui faire plaisir mais que, tout de même, il était dans ce domaine un bon enseignant. Les deux Serdaigle en général haussaient les épaules à ces propos et lançaient la discussion sur un autre sujet, ce qui arrangeait toujours bien Ingrid.

 

Le déjeuner fini, Ingrid prend congé de ses amies de Serdaigle, adressant un simple regard à Adrian un peu désolé de voir qu'ils ont toujours quelques problèmes, en prétendant devoir se rendre à la bibliothèque pour ramener des livres et en emprunter des nouveaux. A ce prétexte, Luna lui répond par un clin d’œil discret, tandis que Mandy et Cho, habituées à ce genre de propos chez leur amie, ne relèvent même pas la tête de leur dessert. Quittant la salle, Ingrid traverse le hall, adresse un petit signe de la main à Manon, une étudiante de Serpentard, en deuxième année, qu'elle a aidé sur un devoir de potion il y a pau.

 

Arrivant enfin dans le hall, la jeune femme a l'intention de se diriger vers les cachots, mais une voix la stoppe en plein vol et l'empêche d'aller plus loin. Une voix que malheureusement pour elle, la demoiselle ne connaît que trop bien. Cette voix trop joviale, trop sucrée, trop... Trop Slughorn quoi. Par avance, la sorcière sait déjà de quoi ce bonhomme va lui parler. Se tournant vers lui, elle pose son regard sur son visage joufflu, rougi par sa course.

 

«- Ingrid mon petit ! Vous avez bien reçu mon invitation pour le petit souper vendredi soir n'est-ce pas ? » questionne l'homme de son air heureux, sans remarquer l'air contrarié arboré par l'étudiante.

 

Pour son plus grand malheur, la Serdaigle a effectivement reçu cette satanée lettre, des mains de Manon justement, qu'elle a saluée plus tôt. Evidemment elle n'a pas répondu et a eu l'envie de la brûler, un instant. Et puis une note de Dumbledore lui était revenu en mémoire, elle devait se rendre à ce genre de dîner même sans y éprouver aucun plaisir. Harry avait confirmé que c'était nécessaire, presque vital. Depuis, la jeune femme n'avait plus manqué l'un de ces trop fréquent – à son goût – rendez-vous. Soupirant, Ingrid détourne le regard, visiblement agacée. Du temps ici dans ce couloir, c'est du temps en moins avec Severus.

 

«- Oui Professeur, j'ai reçu cette lettre et je serai là. » répond l'étudiante d'une voix la plus calme et posée possible alors même qu'à l'intérieur, elle bouillonne.

«- Oh fort bien. Vous pouvez venir accompagné, vous savez !? » s'exclame le sorcier de son éternel air jovial.

 

Nouveau soupir. Oui, elle a remarqué. Et s'il s'imagine qu'Ingrid va lui présenter qui que ce soit, il se met le doigt dans l’œil. Elle ne lui aurait présenté aucun compagnon que ce soit, même si ce dernier n'avait été qu'un simple élève. Alors Rogue... La sorcière ne risque évidemment pas de le convier à un tel supplice, d'autant plus qu'il serait capable et ce à raison, de lui en vouloir.

 

«- C'est-à-dire que... Je n'ai personne à inviter professeur. Mais j'avais vu. » confirme l'étudiante, ce qui lui vaut un regard étonné de la part de Slughorn.

«- Comment, Ingrid ? Une fille comme vous, sans prétendant ? Vous m'en voyez étonné. A votre âge je me souviens que votre mère était très courtisée, tant à Gryffondor qu'à Serpentard. Ah il faut dire... elle était jolie, et gentille. » se souvient l'homme. « Douée aussi, pour ses cours. Et dotée d'une certaine intelligence. Je pensais que, lui ressemblant sur ces points, vous vous attiriez le même genre d'attention... Je pensais, pour tout vous dire, que vous formeriez avec Cormak un joli couple ! Même s'il est vrai qu'il parle plus souvent de miss Granger. »

 

Ingrid fusille son professeur du regard à mesure que ce dernier parle, sans oser croire à ce qu'elle entend. Non, il n'est pas en train de sérieusement essayer de la caser avec le rouge et or ? La sorcière songe un instant à tourner les talons, poursuivre sa route. Mais s'il la voit rejoindre les cachots, il risque de ne pas comprendre ou de se poser trop de questions et dans un cas comme dans l'autre ce n'est pas possible.

 

«- Peut-on savoir depuis quand vous êtes devenu agent matrimonial, Horace ?» interroge soudainement une voix froide et rocailleuse.

 

Intérieurement, la sorcière se sent très heureuse de l'intervention bien tombée du maître des cachots qui les rejoins en deux pas. A croire que cet homme a un sixième sens pour savoir quand sa compagne est ennuyée par le nouveau professeur de potion. Il tombe toujours à pic pour l'en délivrer, à croire qu'il le fait exprès.

 

«- Je ne crois pas avoir lu que notre tâche consiste à aider les étudiants dans leurs affaires de cœur. » se moque le professeur Rogue, toisant Slughorn.

«- Oh enfin Severus ! Ingrid est une amie, plus qu'une étudiante ! N'est-ce pas Ingrid ? »

 

Celle-ci ne répond pas, de prime abord. Puis d'un haussement d'épaule manifeste son refus de répondre à cette question, qui déçoit son professeur de potions. Mais à vrai dire, la jeune femme s'en moque un peu. D'une part il n'est pas son ami, plutôt une plaie que la jeune femme doit supporter parce que Dumbledore et Harry le lui ont demandé. Ensuite, elle ne va pas dire quelque chose d'aussi absurde devant son compagnon, lui manquer de soutien, alors que ce dernier est venu la tirer des pattes de Slughorn. D'ailleurs, voilà les deux hommes lancés dans une joute verbale. Ingrid, désireuse d'y mettre un terme mais ne pouvant pas s'adresser à Severus directement finit par abandonner les deux hommes en s'excusant, disant qu'elle doit aller à la bibliothèque. D'autant plus que, si elle reste dans les parages, Mandy, Cho et Luna vont finir par quitter la grande salle et elle aura du mal à leur échapper ensuite, pour les derniers trois quart d'heure de pause. Quittant les lieux, la demoiselle se tourne un instant, adressant un regard à Severus en espérant qu'il comprenne son message. Puis elle monte les escaliers menant à l'étage de la bibliothèque, espérant que l'homme trouvera rapidement à se débarrasser de son gêneur.

 

Attendant quelques minutes, Ingrid remarque qu'il y a peu de monde, à cette heure, à cet étage. Les étudiants doivent majoritairement être dans le parc, le temps est beau pour une première quinzaine d'Avril, ou dans la grande salle. Certains, comme Hermione, sont sûrement à la bibliothèque. La demoiselle pousse un soupir. Cinq minutes qu'elle attend. Elle n'en a pas énormément, avant son cours de défense contre les forces du mal. D'accord, elle verra Rogue. Mais pour le côté intime, un cours est assez inadapté. Enfin, le voilà qui paraît. Ingrid remarque que l'étage est encore moins peuplé. A croire que sa seule présence fait disparaître les étudiants. Avec un rire pour cette réflexion, la jeune femme se dirige rapidement vers une salle de classe inutilisée. Personne. Elle se serait tout de même sentie plus à l'aise dans les appartements de Rogue, mais imaginer un stratagème pour quitter les lieux, rejoindre les cachots, sans mettre trop de temps et sans jouer encore la fille qui a des problèmes avec le sorcier... Autant dire que c'est mission impossible. Cette salle vide fera parfaitement l'affaire, pour le temps qu'il leur reste.

 

Presque immédiatement après elle, le professeur Rogue, s'étant assuré qu'aucun témoin ne puisse le voir faire, entre dans la pièce. Ingrid sent son cœur battre la chamade alors qu'ils échangent un baiser. Tant d'excitation que de peur à l'idée d'être pris en flagrant délit. Une idée stupide, puisque Rogue a pris le soin de verrouiller la porte. Elle doit être complètement folle pour accepter de vivre quelque chose d'aussi compliqué, d'aussi dangereux. Les amours secrètes ne sont déjà pas faciles entre deux élèves alors, entre une étudiante et son professeur, c'est encore pire. Qu'importe : alors que l'homme enserre soudain de ses bras la taille de la Serdaigle, cette dernière se sent pleinement heureuse.

 

«- Comment se fait-il que tu arrives toujours au bon moment quand Slughorn vient me voir ?» interroge soudainement la rousse entre deux baisers.

«- Mais parce que je vous surveille de près, Miss Potter... » susurre l'homme à l'oreille de son étudiante qui frémit.

«- Donc tu joues les chevaliers servants ?» questionne la demoiselle en étouffant un rire à l'idée de son professeur en armure et heaume.

«- On va dire ça. » grimace ce dernier, comme prit de cette même pensée. «Disons surtout que... ça me ferait mal de te voir devenir Mme McLaggen... Pour ma fierté.» lance-t-il avec un rictus mauvais. «Quoique, évidement, c'est toujours moins pire que de devenir Mme Rogue, d'autant que McLaggen est plus... »

«- Plus bête ? Plus inintéressant ? Plus... « J'ai tout dans les bras et rien dans ma tête » ? Merci du cadeau... professeur Rogue. Allons... depuis quand êtes-vous devenu agent matrimonial ? » questionne la jeune femme imitant le ton qu'il avait employé plus tôt devant Slughorn.

«- Je concède que je suis, sur ce point, bien moins bon conseiller qu'Horace. »

«- Tu ne peux pas le surpasser en tout. » renchérit la sorcière d'un air espiègle.

 

Flatté, l'homme ne répond pas, se contentant d'embrasser encore l'étudiante. Ce baiser est jaloux, possessif. Ingrid ressent à la fois passion et crainte dans ce baiser. Une crainte qui n'a pas lieu d'être mais qu'elle peut comprendre. Severus n'a pas l'habitude d'être aimé, il a plutôt celle d'être abandonné. Il est donc naturel que cet écart d'âge entre eux puisse constituer une crainte, d'autant que Lily, la propre mère d'Ingrid l'avait « abandonné » pour un autre.

 

«- Je ne veux personne d'autre. Ni McLaggen, ni personne. Je te veux toi... Je t'aime Severus... » murmure la sorcière entre deux baisers. «Et je ne trouve pas que ce soit si atroce que cela de s'appeller éventuellement un jour, Madame Rogue.» rit-elle.

 

Il aime l'entendre le dire, l'entendre murmurer ainsi son nom, dire des choses pareilles comme la promesse d'un avenir, quand il pense ne pas vraiment en avoir. La garder pour lui est égoïste. Elle est un ange et il l'empêche de voler, désireux de la garder pour lui. Elle est trop précieuse, trop... Ingrid l'a sauvé, assurément, à sa manière. Ange tombé du ciel elle a prit de ses plumes pour regarnir les ailes brisés de l'ange déchu qu'est Severus. Il lui doit déjà énormément. Mais il ne le dit pas, n'avoue pas. Il n'a jamais été doué pour cela. Et puis, vient le moment de se quitter. Prudemment, chacun son tour, les deux jeunes gens quittent les lieux, prenant des chemins opposés pour ne pas arriver ensemble devant la salle de cours de défense contre les forces du mal.

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