Ses yeux verts

Chapitre 41 : Chapitre quarante-et-unième - Clair comme du cristal

2412 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 02:32

Cette nuit là, du 2 Juin 1997, dans le dortoir des sixième année de Serdaigle, les filles dorment toutes paisiblement, sauf une. Le sommeil d'Ingrid est agité ces derniers temps, perturbé par des propos que Luna a tenu deux jours plus tôt au sujet de tourments qui approchent pour le professeur Rogue. Ingrid en a déduit que le moment fatidique était éminent et depuis, elle ne trouve plus le sommeil. La potion ne donne toujours pas de résultats et chaque jour qui passe la rapproche un peu plus d’événements inéluctables. Le jour venu, Rogue aura sûrement un tas de choses à faire auprès des forces du mal et la rouquine craint en plus de ne pouvoir le voir, de ne pouvoir être rassurée sur son état de santé, mentale surtout. Et s'il n'était pas assez discret ? S'il était dénoncé ? S'il risquait Azkaban, pour un crime que Dumbledore lui-même l'oblige à commettre ? Se redressant dans son lit alors qu'aucune réponse à ses questions ne se présente, Ingrid quitte ses draps pour rejoindre la salle de bain où elle passe un peu d'eau sur son visage, pour se rafraîchir et chasser ses sombres pensées pour retourner se coucher. En vain, le lendemain, face au miroir, la demoiselle constate les effets de sa nuit, alors qu'elle pointe sa baguette sur ses cernes pour les dissimuler, désireuse de ne pas inquiéter ou piquer la curiosité de sa bande d'amies.

 

Midi. Ingrid a été plutôt distraite en cours ce Lundi, ne cessant de penser à la nécessité de discuter avec Severus, dès qu'elle aurait un moment. Souhaitant le voir dès ses cours de la matinée achevés, elle se dirige vers les cachots et entre dans les appartements de l'homme rapidement. Mais il ne s'y trouve pas et, ne pouvant pas se rendre à sa salle de classe pour vérifier sa présence là-bas, comme cela serait plutôt suspect de ces heures, la jeune femme décide de se rendre à la grande salle. Là encore, alors que son regard glisse vers la table des professeurs, la demoiselle est confrontée à l'absence de son compagnon, qui ne se montre pas de toute la pause. De fait, quand ses amies ont fini de déjeuner, Ingrid qui n'a rien réussi à avaler retourne aux cachots une seconde fois. Mais à nouveau, elle trouve les appartements du professeur totalement vide. Agacée, perturbée, la jeune femme quitte une fois de plus les lieux, dépitée, pour prendre la direction de la bibliothèque. Elle aura cours de défense contre les forces du mal tout à l'heure, alors certes elle y verra le professeur mais ne pourra guère lui parler aussi librement qu'elle aurait souhaité le faire.

 

Elle écarquille les yeux, alors que Lupin se tient devant eux dans la salle de classe de défense contre les forces du mal, là où le professeur Rogue aurait normalement du être. Que se passe-t-il donc ? La jolie rousse n'y comprend plus rien mais tout autour d'elle, la joie des uns et des autres à l'idée d'étudier avec Remus est plutôt... évidente. Seuls les serpentards manifestent un mécontentement évident à l'idée de ne pouvoir jouir pour ce cours de l'injustice du professeur Rogue, qui les arrange toujours. Pour d'autres raisons, Ingrid n'est pas plus heureuse qu'eux, même si elle apprécie son parrain. Angoissée, la jeune femme ne cesse de songer que peut-être le jour est déjà arrivé. Mais non, parce que du coin de l’œil en arrivant, elle a repéré la chevelure blond platine typique de la famille Malefoy. Alors quoi ? Où est Severus ? Le regard désespéré qu'elle adresse à Remus traduit bien cette inquiétude. Un regard que son parrain perçoit.

 

«- Miss Potter, puis-je vous voir un moment ? Les autres vous pouvez sortir.» déclare le loup quand arrive la fin du cours.

 

Ingrid range ses affaires puis rejoint le bureau où Remus a pris place, l'habituel bureau du professeur Rogue. L'homme affiche une mine affreusement fatiguée, la demoiselle ne s'en rend compte qu'à présent. Probablement que Dumbledore donne pas mal de travail à l'ordre ces temps-ci si, comme le dit Luna, des tourments proches sont à envisager. Ingrid se sent un peu dépassée. Même si Rogue lui a un peu parlé de tout ça, elle réalise qu'en réalité, elle ne sait pas grand chose. Que cachent ces traits tirés, ces cernes, ce regard morne ?

 

«- Il est parti avec Dumbledore pour la journée Ingrid, il sera là demain.» annonce l'homme quand la porte s'est refermée derrière le dernier élève à sortir, rassurant ainsi la jeune femme qui se laisse aller à un soupir de soulagement.

«- Merlin, il ne m'a rien dit !»

«- Ce n'était pas prévu. J'ai reçu un hibou express de Dumbledore ce matin, me demandant de gérer les cours d'aujourd'hui à la place de Rogue, parce qu'il devait l'emmener je ne sais où.» explique le loup, scrutant le visage de la jeune femme. «Ingrid... ça va toi ?»

«- Oh.. Oui Remus, ça va. Comme quelqu'un qui... enfin comme quelqu'un qui aime un type qui peut mourir d'un moment à l'autre, parce qu'il côtoie un fou furieux j'imagine.» essaie-t-elle de dire d'un air détaché mais son sourire est en réalité très crispé.

«- Oui... J'imagine. Évite de penser au pire, d'accord ? Il sait ce qu'il fait... Et Dumbledore aussi.»

 

Même si l'argument ne convient guère à la jeune femme, elle est reconnaissante envers son parrain qui essaie seulement de la rassurer, de lui donner confiance. Si lui est voué corps et âme à Dumbledore et croit à chacune des paroles du vieillard comme si elles venaient de Merlin, ce n'est pas le cas d'Ingrid qui ne peut s'empêcher d'en vouloir à l'homme d'imposer tous ces tracas à Severus. De l'obliger à courir tant de risques, à s'exposer à Voldemort, aux mangemorts, au ministère. Quel camp pour lui ? Quel regard portera-t-on sur lui s'il sort vivant de tout ceci ? Si l'on apprend qu'il a tué Dumbledore, si les choses se passent ainsi ? Ingrid imagine d'ici les détraqueurs, le baiser, la mort en quelque sorte. Encore que cette dernière est peut-être plus douce que le baiser glacé de ces fantômes givrés. Ce n'est pas comme si elle pourrait vraiment l'aider. Qui la croira ? On la dira folle. On l'avait bien dit de Dumbledore l'an passé.

 

«- Oui... Je vais essayer. Tu as l'air fatigué toi aussi.» fait remarquer la jeune femme, ramenant la conversation sur son parrain.

«- C'est vrai. C'est parce que l'ordre fait son maximum, de sorte que tous les membres courent un risque minimum...» répond-il, essayant par ce biais de rassurer encore la sorcière sur la sécurité garantie à Rogue. «Tu devrais y aller, tes amies vont finir par se demander ce que je te voulais.»

«- Tu es mon parrain, ça s'explique facilement.» réplique la demoiselle. «Ce serait beaucoup plus ardu si je passais à leur connaissance autant de temps en compagnie de Severus. Elles me croient déjà tarée de prendre des cours avec lui pour travailler mes potions...»

 

Sans savoir pourquoi, Ingrid n'évoque pas sa lubie, les recherches auxquelles ils procèdent, Severus et elle, sur une potion nouvelle. Peut-être par peur de l'échec, par peur de se porter malheur  ou de donner de faux-espoirs dans ses capacités. Quoique, comme Severus, Lupin risque de lui dire qu'elle est complètement folle et trop ambitieuse. Un peu trop à l'image de son père, en quelque sorte. Si elle ne lui ressemble guère en général, on peut dire que sur ce point, elle lui est identique. Alors qu'Harry a moins de prétentions. Tout du moins, il ne rêve pas de révolutionner le monde, seulement de vivre enfin tranquille, débarrassés de tourments.

 

«- Oui, j'imagine que ce sera moins compliqué de justifier ta présence avec moi.» reconnaît le loup.

 

Bavardant encore quelques minutes, le loup et la sorcière finissent par se quitter et Ingrid prend la direction des cachots, décidant d'y attendre Rogue qui ne devrait plus tarder. Après tout, Remus a bien dit qu'il ne le remplaçait qu'aujourd'hui, donc elle a bien une chance de le voir. Assise dans le canapé, un livre à la main, la demoiselle attend donc. Les minutes passent ainsi. Les heures aussi. Que le temps semble lent, quand on est dans l'expectative... Il est vingt heure passé quand enfin, Severus paraît dans ses appartements. Le cœur battant, Ingrid pose son livre et se lève précipitamment pour le rejoindre, l'examiner sous toutes les coutures, vérifier qu'il se porte bien.

 

«- Ingrid...» grogne l'homme, n'appréciant guère d'être ainsi lorgné, la rappelant de fait à l'ordre.

«- Il faut que je te parle. Je lisais un livre sur les sorts de traces et les moyens de savoir si quelqu'un va bien, malgré la distance. Je veux qu'on fasse ça !» annonce la rouquine sans prendre de gants. «Je ne veux plus avoir à me tourmenter à chaque fois que je te vois partir, quand je sais que tu vas au manoir... Je veux avoir un moyen de savoir comme tu te porte...» balbutie l'étudiante.

 

La repoussant un peu, las de sa journée, il se laisse tomber dans le canapé, posant son regard sur la silhouette de la jeune femme qui ne tarde pas à le rejoindre. Poussant un soupir, le sorcier regarde un instant dans le vide, sans répondre à la serdaigle. Et puis il se lève, s'approche d'un tiroir et semble y chercher quelque chose, qu'Ingrid ne peut voir de là où elle est, avant de revenir vers elle.

 

"- J'y pensais depuis quelque temps. Je me doutais que tu finirais par le demander." déclare l'homme enfin. "Quand... ce sera arrivé, il faudra sûrement que je le rejoigne... Au moins pour l'été. Je ne sais pas trop ce qu'il a en tête. Je t'ai déjà lancé tout un tas de sort de traces pour savoir... où tu seras."

"- Tu m'espionnes !?"

"- Tu comptais faire quoi toi rappelle moi ?" se moque le serpentard.

"- Je peux te tracer moi aussi ?" interroge alors la demoiselle.

"- Non. Parce que je ne tiens pas à te voir débarquer devant l'assemblée au manoir Malefoy seulement parce que tu me croiras en danger. Parce que si ça arrivait tu mourrais. Et probablement que je mourrais aussi."

"- Mais..."

"- Toutefois j'avais pensé que ceci pourrait... enfin cela répond à la demande que tu me fais." déclare le potionniste en ouvrant le boîtier qu'il tenait jusque là, découvrant un collier goutte en cristal, qui semble tout à fait ordinaire. "Si je cours un grave danger, la pierre deviendra noire. Toutefois... je ne veux pas que tu viennes, que tu débarque au manoir. Tu m'as bien compris ?"

"- Mais..."

"- Sinon je garde le collier. Promets Ingrid. Je ne veux pas que tu viennes. Tu sais très bien que si la pierre est noire, c'est qu'IL sera là..."

"- Ok."

"- Dit que tu le promets."

"- Je le promets."

"- Tu le promets à qui ?"

"- Je te le promets Severus, je ne te rejoindrai pas. Je resterai sagement à Poudlard à me faire du soucis." grince-t-elle entre ses dents.

 

Sans répondre, l'homme se contente de glisser le bijou au cou de la demoiselle, comme celle-ci relève ses cheveux pour dégager sa nuque. Et puis, du bout des doigts, elle caresse le cristal légèrement bleuté, qui ne devrait plus la quitter.

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