Comme la glace

« Vous voyez cette région où les poussières interstellaires semblent se concentrer comme de grands nuages ? Et bien il s’agit d’une nébuleuse sombre, aussi appelée nébuleuse obscure. Il en existe des centaines de milliers à travers l’Univers mais seule une va nous intéresser durant les deux prochains cours. En effet la nébuleuse de la Tête d’Hippogriffe est légendaire dans le monde des sorciers. Découverte en 1798, elle… »

Perdue dans ses pensées Hermione avait cessé de suivre les explications de la professeure Sinistra. L’Astronomie la passionnait sincèrement mais elle était beaucoup trop fatiguée pour parvenir à se concentrer. De toute manière elle connaissait déjà le sujet. Elle avait étudié la carte du ciel en long, en large et en travers pour ses épreuves de B.U.S.E en cinquième année. Depuis elle était incollable.

Assis dans la Tour d’Astronomie, les élèves de Gryffondor et de Serpentard écoutaient, avec plus ou moins d’intérêt l’exposé d’Aurora Sinistra. La Tour d’Astronomie était la plus haute tour du château. Aménagée de façon à ce que les élèves puissent prendre des notes et observer le ciel en même temps, elle offrait une vue imprenable sur la Voie Lactée. Harry, Ron et Hermione s’étaient installés au plus proche de la balustrade afin d’avoir le meilleur point d’observation possible. De l’autre côté de la pièce se trouvaient les élèves de la maison Serpentard. Pour la plupart dissipés, les verts et argent discutaient entre eux depuis le début du cours. La pauvre professeure n’étant pas parvenue à les faire taire, avait fini par les ignorer.

La tête ailleurs, Drago Malefoy était resté silencieux. Les yeux levés vers la voûte céleste il semblait comme torturé. Hanté, peut-être. Hermione s’attarda quelques secondes sur l’expression de son visage mais ne parvint pas à décrypter son état d’esprit. En revanche lorsque Pansy Parkinson tourna la tête dans sa direction, Hermione n’eut aucun mal à comprendre son regard malveillant. Pansy fixa la Gryffondor d’un air mauvais puis se retourna vers ses amis à qui elle chuchota quelques mots. Malefoy sortit soudain de ses rêveries pour croiser furtivement le regard d’Hermione qui détourna la tête. Vive comme l’éclair.

« Bien, j’espère que vous avez tous pris des notes. Je vous demande d’écrire deux rouleaux de parchemin sur la nébuleuse de la Tête d’Hippogriffe et ses conséquences sur l’Histoire de la Magie. Le tout pour la semaine prochaine ! ordonna la Professeure d’Astronomie. Je crois qu’il est temps que je vous libère, donc bonne nuit à toutes et à tous ! »

Hermione rangea rapidement ses affaires et se dirigea d’un pas rapide vers le préfet-en-chef de la maison Serpentard. Ses amis tentèrent de la stopper, en vain. Elle ne prit pas la peine de les prévenir et se précipita à l’autre bout de la Tour.

« Malefoy ? Il faut qu’on parle, lui dit Hermione le plus naturellement du monde.

- J’ai pas le temps Granger. Va plutôt parler avec Weasmoche et l’balafré, ils ont l’air d’être en pleine attaque cardiaque.

- Sois sérieux, il faut qu’on se voie pour organiser les évènements à venir. Je sais que ça ne te plaît pas plus qu’à moi qu’on fasse ça ensemble, mais McGonagall a été très claire. Pas de travail en commun, plus de poste de préfet. Tu connais la suite… », lui fit remarquer la jeune fille.

Malefoy la fixa droit dans les yeux quelques instants sans qu’Hermione ne parvienne à savoir ce qu’il pensait, et parti droit en direction des escaliers.

« Que… ? Non mais je rêve ! Oh ! Malefoy, t’as pas l’impression que j’étais en train de te parler ?! s’énerva Hermione en partant à sa poursuite.

- Suis-moi, lui lança le Serpentard sans prendre la peine de se retourner.

- Okaaaaaay… Pourquoi je devrais faire ce que tu me dis ? J’ai aucune raison de te suivre !

- Ferme-la, Granger, et suis-moi », lui ordonna Malefoy sur un ton qui ne permettait pas de résister.

Dans un soupir d’agacement et de résignation, Hermione céda. Ils descendirent en silence l’escalier de la Tour d’Astronomie et se dirigèrent vers le septième étage du château. Arrivé au milieu du couloir, le Serpentard s’arrêta net et se tourna vers le mur. Plusieurs secondes plus tard une porte de bois et de fer se dessina sur le mur. Malefoy l’ouvrit et entra dans la Salle sur Demande. Hermione le suivit sans faire de commentaires.

La pièce qui était apparue n’était pas plus grande qu’une chambre. A l’intérieur se trouvait deux canapés acajou en tissu disposés autour d’une table basse en bois massif. Le petit salon reposait sur un immense tapis persan aux couleurs orientales. Sur le mur de droite siégeait une imposante cheminée Pompadour en marbre noir dans laquelle un feu venait de naitre. Sur le mur opposé une gigantesque bibliothèque remplie de livre aux reliures multicolores montait du sol jusqu’au plafond.

Sans avoir le moindre égard pour Hermione, Drago partit s’installer sur le canapé. Une fois assit il sortit un petit tas de feuilles écornées et légèrement froissées. Puis il leva la tête en direction de la Gryffondor qui était restée interdite dans l’encablure de la porte.

« Ben qu’est-ce que tu fous Granger ? Ferme la porte et assieds-toi. T’as besoin que je te dise comment faire ou tu vas y arriver toute seule ? » lui lança le Serpentard, une pointe d’agacement dans la voix.

Hermione ne répondit pas et s’exécuta. Elle s’installa sur le canapé qui faisait face au Serpentard et prit un calepin dans son sac. Ils restèrent quelques instants à se regarder. L’une avec méfiance, l’autre avec impatience pour le Serpentard.

« Bon Granger, ils vont pas se faire tous seuls ces préparatifs. Alors plus vite on commencera et plus vite on mettra fin à cette pathétique collaboration, finit par dire Malefoy.

- Tu as raison. La première chose dont nous devons nous occuper c’est la préparation de la soirée d’Halloween. Du coup j’ai fait une liste rapide des plats qui pourrait figurer au menu et… , commença à expliquer Hermione.

- Moi aussi.

- Euh…Comment ça toi aussi ?

- Moi aussi j’ai fait une liste. On a qu’à échanger nos notes, tu verras bien. »

Surprise Hermione fit glisser son calepin de l’autre côté de la table et s’empara du tas de feuilles. Sa surprise ne fit que s’accroitre au fur et à mesure de sa lecture.

«           - Croustillants d’orteils de trolls

                           - Ossements millésimés

                           - Yeux délicieux

                           - Biscuits R.I.P

                           - Nids de cafards

                           - Gommes de limace

                           - Potage au regard de Basilic

                           - Mijoté d’Hippogriffe

                           - Baiser du Détraqueur (avec ou sans alcool)    »

             Quand elle eût fini de détailler la liste plusieurs fois, elle leva un regard soupçonneux vers le jeune homme. Celui-ci était visiblement très fier d’avoir cloué le bec à Hermione Granger.

             « C’est prodigieux Malefoy ! Vraiment très original ! D’où t’ai venu toute cette inspiration dis-moi ? l’interrogea Hermione avec une admiration feinte.

             - Je suis un génie Granger, il est temps que tu t’en rendes compte. Parce qu’il est clair qu’au vu de ta pitoyable liste, tu fais pas le poids.

             - Qu’est-ce que tu reproches à ma liste ? s’offusqua Hermione. Tu sais combien de temps j’y ai passé ?!

             - Ben à vue de nez… Je dirais… 3 minutes ? En étant optimiste.

             - De quoi ?! Non mais t’es gonflé de critiquer mes idées ! C’est même pas toi qui l’a faite cette liste ! l’accusa la jeune fille. Avoue le Malefoy, tu es allé dans les cuisines demander aux elfes de maison de t’écrire ces plats !

             - Tu te trompes Granger. En réalité j’ai demandé à quelqu’un d’aller soutirer des informations aux elfes pour moi. La nuance est mince, mais notable, se moqua le Serpentard en affichant le petit sourire en coin dont il était le spécialiste.

             - T’es pitoyable. Tu n’es même pas capable d’écrire une liste de plats tout seul », lui lança Hermione exaspérée.

             Sans attendre de réponse du jeune homme, Hermione se leva et se dirigea vers la grande Bibliothèque. Le sourire de Drago disparu instantanément.

             « Tu oses m’insulter, moi ? Tu te prends pour qui ? Sale petite sang-de-bourbe, cracha le garçon visiblement vexé.

             - Je me prends pour la Préfète-en-Chef, figure toi ! Et ça serait bien que tu commences à répondre par autre chose que des insultes. Je sais que ton cher père n’est pas très doué en joute verbale mais j’avais espéré que son fi-fils adoré aurait appris des faiblesses de son paternel.

             - Tu vas trop loin Granger. Arrête-toi tout de suite, la prévint-il sur un ton calme, mais menaçant.

             - Sinon quoi ? » le défia Hermione.

             Debout devant la Bibliothèque, Hermione croisa les bras comme pour le provoquer. Les yeux gris clair du Serpentard se fichèrent dans ceux noisettes d’Hermione. Son sourire réapparu. Mais il était plus malsain, plus dangereux. Drago se leva calmement et avança lentement en direction de la Gryffondor. Sa démarche était assurée, glissante. Il était le prédateur et elle était la proie. Hermione perdit instantanément toute envie de connaitre la sentence qu’il lui réservait. Elle blêmit en reculant doucement vers le mur. Le Serpentard, menaçant, continuait son inexorable avancée.