Comme la glace

Chapitre 13 : Un hurlement dans la nuit

1184 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 22/05/2017 21:43

Le souffle saccadé, la vue brouillée, Drago chancela. Il ne savait plus où il était. Il ne savait plus qui il était. Il ne savait même pas comment il était arrivé là. Les tempes battantes, le cœur prêt à exploser, il vacilla. Le jeune homme se retint de justesse à la rambarde de l’escalier de pierre avant de tomber à la renverse. Il devait se reprendre. Il ne pouvait pas rester ainsi, hagard, perdu dans le château. Il se sentit étouffer. La lumière vive du couloir l’aveuglait, le silence de plomb l’assourdissait. Il fallait qu’il sorte de ces murs. Il fallait qu’il crie tout son désespoir à la nuit. Il fallait qu’il hurle toute sa haine à la lune. Il devait se libérer, avant d’imploser.

Le Serpentard dévala les escaliers à toute vitesse, sorti du château et parti droit en direction du Terrain de Quidditch. Lorsqu’il fut dehors il ne sentit même pas la pluie glisser sur son visage. Il n’entendit pas non plus le tonnerre gronder au loin. Ne vit pas les éclairs éblouissant déchirer le ciel. Il ôta sa robe de sorcier, enleva sa chemise et laissa le tout par terre en un tas désordonné. Arrivé sur l’immense terrain il se mit à courir. Courir le plus vite possible. Courir le plus longtemps possible. Jusqu’à ce qu’il en meure s’il le fallait. Sur son torse les gouttes de pluie se mélangeaient aux gouttes de sueur. Il avait affreusement chaud. Tout son corps bouillonnait. Si la pluie n’avait pas été là, il aurait pu s’embraser.

Sans prêter attention aux imposants nuages noirs au-dessus de sa tête il continua à faire des tours de terrains. Encore et encore. En se repassant la scène en boucle dans son esprit. Que lui était-il arrivé ? Comment avait-il pu avoir envie d’elle ? Comment avait-il pu coller son corps contre le sien ? Il l’ignorait et ça le mettait hors de lui. Tout ce qu’il savait c’est qu’elle avait voulu l’embrasser et que lui aussi. Il en avait eu le profond désir. Il en avait eu l’irrépressible besoin. Et pourtant il s’y était refusé. Jamais il n’aurait pu se supporter s’il avait posé ses lèvres sur celles d’Hermione Granger. Jamais son père ne lui aurait pardonné.

A bout de souffle Drago s’écroula à genoux au beau milieu du terrain de Quidditch. Il tendit son visage vers le ciel et reçu chaque perle de pluie comme une bénédiction. Soudain sa tête se déchira, son cœur éclata. Il hurla et son hurlement déchira la nuit. De toutes ses forces. De toute son âme, il hurla. Il libéra la frustration et la colère qu’il avait en lui depuis si longtemps. En cet instant précis il haïssait le monde entier. Son père, Hermione mais surtout lui-même. Il se détestait de ne pas pouvoir être qui il voulait être. Il exécrait de ne pas parvenir à se libérer de l’emprise de sa famille. Il ne savait pas être autre chose que le fils de Lucius Malefoy. Il n’avait jamais été autre chose. Il ne savait pas être autre chose. Pour la première fois de sa vie le jeune homme se rendit compte à quel point il ne s’appartenait pas. Il était pris dans le piège de sa naissance.

Drago s’allongea dans l’herbe mouillée, bras et jambes écartés, comme s’il attendait une punition du ciel. Il ferma les yeux et se replongea dans ses pensées. Cette soirée ne s’était pas du tout déroulée comme elle aurait dû. Mais rien ne se passe jamais comme prévu avec Hermione Granger. Elle était épatante et tellement rayonnante. Sa liberté irradiait partout autour d’elle. Elle était parvenue à s’émanciper de toutes les contraintes que la vie plaçait sur son chemin. Ce qui se dégageait d’elle était indéfinissable. C’était à la fois terriblement attirant et extrêmement terrifiant. Cette fille parvenait sans mal à percer ses défenses. Elle le défiait sans vergogne, sans avoir peur des conséquences. Elle n’était pas la petite intello coincée qu’il avait toujours cru qu’elle était. Ou du moins, elle ne l’était plus. Elle était effrontée et ça lui plaisait. Le Serpentard se méprisait de ressentir cette attraction pour la Gryffondor. Il aurait voulu effacer cette fascination en un claquement de doigt. Mais c’était indéniable, elle l’attirait.

Ce soir, elle avait ouvert une faille dans son cœur de glace. Une microscopique fissure qui menaçait de s’agrandir. Drago s’en était aperçu juste à temps. Il était parti. Parti sans un regard pour elle. Sans un mot. Il savait qu’il ne devait pas rester. C’était trop risqué. Trop dangereux. Il ne pouvait pas prévoir les réactions que susciterait ce genre de déviance. Cette transgression aurait été préjudiciable, sans l’ombre d’un doute. Il ne pouvait pas courir un tel risque. Le jeune homme devait trouver une solution et il devait la trouver rapidement. Il ne pouvait en aucun cas se permettre de ressentir de nouveau ce qu’il avait ressenti face à elle. Ils allaient inévitablement devoir continuer leur collaboration. Ils seraient forcément amenés à se croiser de nouveau. Non, Drago ne pouvait définitivement pas s’adonner à ce genre de pensées. Il était temps qu’il reprenne les choses en main.

Le Serpentard ouvrit les yeux. Il était décidé. Il allait mettre fin à tout cela, avant que ça ne prenne trop d’ampleur. Pour la réputation de sa famille. L’honneur des sang-purs.

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Allongée sur le tapis persan, Hermione s’était endormie. Le feu dans la cheminée de marbre crépitait de nouveau. Sa chaleur la recouvrait, la berçait. Elle était tellement épuisée qu’elle n’était pas parvenue à se hisser jusqu’au canapé. Après avoir versé toutes les larmes de son corps, Morphée l’avait emportée.

Sur la petite table basse trônaient encore le calepin et les feuilles sur lesquels le repas d’Halloween figurait. Le sac de Malefoy était resté ouvert sur le canapé acajou laissant apparaitre un désordre sans nom de parchemins et de papiers de bonbons. La porte était restée fermée depuis qu’il était parti. Seule l’atmosphère avait changé. Le petit salon si chaleureux renfermait à présent un air malsain, presque nocif.

De gros nuages menaçants avaient recouvert la lune. La petite lucarne ne laissait désormais passait que la lumière des étincelles des éclairs. Le tonnerre grondait et éclatait au rythme de la foudre. Dans un enchainement parfait, les forces de la nature dansaient. L’orage se rapprochait. Au milieu de la nuit, un hurlement retentit.

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