Comme la glace

Chapitre 25 : Trois pas en arrière

1471 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 26/05/2017 20:13

Ce fut le plus doux baiser qu’Hermione ait connu. D’abord chaste et tendre, il se fit plus passionné. Chacun d’eux en voulait plus, mais aucun n’osait aller plus loin. Ils savaient tous deux que ce n’était pas le moment. Pas encore. Leurs langues dansaient dans un ensemble parfait. Une explosion d’émotions, toutes plus délicieuses les unes que les autres, créée un feu d’artifice dans leurs esprits. Le monde n’existait plus. Ils étaient seuls. Seuls dans cette salle de bain. Seuls dans cet immense château de pierre. Seuls dans cet univers si vaste.

Hermione rompit délicatement le lien physique qui les unissait. Elle posa sa tête contre le torse du Serpentard et ferma les yeux. Drago plongea sa tête dans les cheveux de la jeune fille. Elle sentait merveilleusement bon. Un délicat parfum de cerise se dégageait d’elle. Il adorait l’odeur fruitée de la cerise, bien plus que celle du lilas. Sa peau était d’une extrême douceur, pourtant le jeune homme n’osait pas en parcourir les courbes. Ils restèrent ainsi, l’un contre l’autre et sans un mot, pendant ce qui aurait pu être une éternité. Mais il fallut qu’il brise le silence.

« On ne devrait pas faire ça. », chuchota Drago.

La Gryffondor leva la tête en se détachant des bras du jeune homme. Elle fronça les sourcils d’incompréhension.

« Qu’est-ce que tu veux dire ? lui demanda-t-elle.

- Ce n’est pas correct, vis-à-vis de Céleste.

- T’es pas sérieux ?! s’énerva Hermione en se détachant davantage de Drago.

- Je suis avec Céleste, c’est comme ça. Je n’ai… pas le choix.

- Mais arrête ! Arrête avec ça ! Y a pas deux minutes tu disais que tu voulais te libérer de tes chaines ! Tu disais que tu avais ouvert les yeux ! l’invectiva la jeune fille en haussant le ton.

- Tu sais que c’est plus compliqué que ça Granger.

- Non ! Non ce n’est pas plus compliqué ! Tu sais ce que tu as à faire et pourtant tu restes enfermé dans le même carcan qui t’assujettit. Pourquoi tu recules ?

- Je ne recule pas. Je n’essaye pas d’être un martyr, je suis simplement pragmatique.

- Pragmatique ? Tu te fous de moi c’est ça ? Je suis quoi pour toi ? Un jouet ? Un divertissement ? Une occupation qui te fait oublier un instant ta misérable vie ?

- Tu vas trop loin, l’averti le jeune homme. Je pensais que tu comprendrais.

- Et bien tu t’es trompé. Je ne comprends vraiment pas ton comportement. Tu tournes en rond et ça va finir par me rendre dingue.

- Un jour peut-être, j’aurais la force de devenir qui je veux être. Mais ça ne sera pas aujourd’hui. Ni demain. Tu dois t’y faire.

- Je ne suis pas sûre d’en avoir la patience.

- C’est bien dommage, mais je ne te demande rien.

- Alors quoi ? Je ne suis qu’une passade ? C’est ça ? »

Le Serpentard voulait lui répondre ce que son cœur lui criait. Lui dire qu’elle était bien plus que ça pour lui. Elle était le symbole d’une nouvelle vie à venir. Une vie qu’il n’était pas encore capable d’atteindre. Doucement, il se recula. Elle ressemblait à une apparition divine. Tellement belle. Tellement parfaite. Drago aurait voulu pouvoir écouter ses sentiments. Il aurait voulu lui prendre la main, l’emmener loin. Dans un endroit où personne ne viendrait les trouver. Un endroit où personne ne les attendrait. Sains et saufs, tous les deux, pour toujours. Mais sa tête était plus forte. Plus forte que son cœur. Alors il recula encore.

« Réponds moi Malefoy. Je ne suis qu’une passade pour toi ? Un moment d’égarement ?

- Oui. »

Il la vit imperceptiblement vaciller. Il vit ses yeux papillonner, ses muscles se tendre, sa mâchoire se serrer. Il l’avait blessé. Il savait pertinemment ce que produirait ce simple mot. Mais il n’avait pas hésité à le prononcer. Pour la protéger. Au-delà de sa peur de l’inconnu, de sa peur d’être libre, Drago était terrifié par son père. Il le savait capable de faire des choses terribles. Des choses inimaginables. Des choses qui transformaient les gens, à jamais. Il ne pouvait pas la mettre en danger. Pas elle. Il ne se supporterait plus si jamais un malheur survenait. Alors il devait lui laisser croire à ses mensonges. Lui laissait croire qu’elle n’était rien de plus qu’un jeu.

Depuis tout petit on lui avait appris à mentir, à manipuler. On avait fait de lui un véritable acteur de pièce de théâtre. Personne n’avait jamais vu clair dans le personnage qu’il jouait. Il pouvait être qui il voulait. Personne ne le savait. Jamais. Alors c’est ce qu’il ferait. Il serait de nouveau le monstre qu’il avait toujours crut être. Froid et distant. Comme la glace. Il valait mieux la savoir en sécurité loin de lui, plutôt qu’en danger dans ses bras. Elle n’était pas faite pour une vie comme la sienne. Elle était trop libre, trop indépendante. C’était un avenir impossible. Un futur inconcevable.

« Tu mens. Tu étais en train de t’ouvrir à moi, je l’ai senti, reprit Hermione dans un soupir.

- Tu t’es trompé Granger. Tu n’es pas plus qu’un jouet pour moi. J’avais besoin qu’on m’écoute et tu étais là. Tu as joué ton rôle, maintenant c’est terminé.

- Non, c’est faux. Tu avais fait un pas en avant, un pas vers moi. Personne ne peut paraitre aussi sincère et prétendre avoir menti. Même pas toi.

- Si c’est ce que tu penses c’est que tu ne me connais pas. Je suis Drago Malefoy, j’ai toujours fonctionné ainsi.

- Alors c’est comme ça que ça va se terminer ? Un pas en avant et trois pas en arrière. C’est ce que tu veux ?

- Ce n’est pas ce que je veux, c’est ce que je suis.

- Ou ce que tu prétends être.

- Peu importe. La discussion est close.

- Pas pour moi Malefoy ! »

Le Serpentard s’avança dangereusement de la jeune fille. Ses yeux avaient perdu leur teinte bleutée. Ils étaient redevenus gris, et froids. Il les planta dans le regard d’Hermione, tels de poignards.

« Va-t’en, articula-t-il comme un ordre. »

Sans un mot de plus, Malefoy se retourna et avança vers le fond du bassin. Les derniers mots qu’il avait prononcés lui avaient brisé le cœur. Mais il ne pouvait pas faire autrement. Il tenait à Hermione, beaucoup plus qu’il ne le pensait. Beaucoup plus qu’elle ne le saurait jamais. Elle resterait dans l’ignorance. C’était mieux ainsi, pour tout le monde. Parfois, l’ordre des choses ne peut pas être bousculé aussi facilement. Parfois, les chemins se frôlent mais ne se rencontrent jamais. Parfois, le destin est déjà tout tracé et personne ne peut aller contre. C’est ce que le Serpentard se répéta. Encore et encore. Il était plus facile pour lui de se voiler la face plutôt que de sentir son cœur saigner.

Le clapotis de l’eau indiqua au jeune homme que la Gryffondor venait de quitter le bassin. Il ne la regarda pas. Il ne chercha pas à le faire. C’était trop douloureux. Il devait reconstruire le bouclier qui enserrait son cœur autrefois. Il devait rebâtir la barrière qu’elle avait détruite. Son père ne serait pas dupe. Si ses sentiments prenaient le dessus, son père le saurait. Il chercherait à en connaitre la cause. Et il la détruirait. Littéralement. Elle et tous ceux qu’elle aimait. C’est ainsi qu’il fonctionnait. Ainsi qu’il avait détruit son fils.

Dans l’ombre de la Salle de Bains des Préfets, au fond du bassin de marbre blanc, Drago Malefoy pleurait. Et ses larmes emportaient tout sur leur passage. Sa peine, sa colère et ses angoisses. Elles emportaient le souvenir d’une nuit magique. Une nuit brisée. Brisée par le pouvoir des mots. Brisée par la peur. Brisée par un amour impossible.


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