Comme la glace

« On y est, soupira le jeune homme à la chevelure de feu.

- On y est. Tu es prêt Ron ?

- Oui, je n’ai jamais été aussi prêt de toute ma vie.

- Si ça se trouve, personne ne remarquera qu’on est là. On passera peut-être inaperçus.

- Qui est-ce que tu essayes de convaincre là ? Toi ou moi ?

- Tu sais, on n’est pas le seul couple un peu…

- Etrange ? C’est le mot que tu cherches ?

- J’allais dire hétéroclite. Ou original.

- Ouais, ça revient au même.

- Pas du tout ! Ce que je voulais dire c’est que… »

Ron interrompit sa phrase en lui offrant un doux baiser. Un doux baiser qui devint passionné. Le Gryffondor se redressa et le couple se prit la main. Ils entremêlèrent leurs doigts pour se donner du courage. Il n’était plus temps de parler. Il n’était plus temps de gagner du temps. Il était temps d’entrer. D’un regard entendu, les deux élèves s’approchèrent de la porte de la Grande Salle et y entrèrent.

La musique était forte et la lumière peu intense. Cachés derrière leurs masques, personne n’aurait pu distinguer qui s’y dissimulait. Ils étaient invisibles aux yeux des élèves qui s’amusaient sur la piste de danse. Invisibles aux yeux des élèves qui discutaient autour du buffet. Invisibles aux yeux de tous. Ron était soulagé de ne pas voir le monde s’arrêter de tourner à leur entrée. Mais il sentit une très légère pointe de déception percer son cœur. Il était fier de la personne qui tenait sa main. Il aurait voulu montrer sa fierté à toute l’école. A tout l’univers. Un peu plus sûrs d’eux, les deux amoureux s’avancèrent parmi la foule d’élève.

Près du grand bol de Triwhiskey, Hermione discutait. Elle avait déjà enchainé plusieurs danses avec diverses personnes, des personnes qu’elle connaissait plus ou moins bien. Sa tête tournait d’ivresse, mais elle ne s’en souciait pas. Elle s’amusait beaucoup trop. Et tant que ses paroles étaient cohérentes, tout lui paraissait aller pour le mieux. Ses amis aussi avaient un peu bu. Tant et si bien que Harry serrait désormais la main de Ginny. Pourtant, ils discutaient sans le moindre problème des examens à venir.

« Ben moi je suis un peu inquiète, soupira Ginny.

- Je te donnerai des conseils si tu veux, l’encouragea Hermione.

- Non mais sérieusement les filles ! C’est un bal masqué et vous parlez de cours ! s’agaça Harry. Je suis désespéré.

- Bon et bien je te laisse quelques instants avec ta dulcinée, Monsieur le rabat joie. Je vais me chercher à manger.

- Ce n’est pas ma… »

Mais la Gryffondor était déjà partie. Elle se fraya un chemin parmi la cohue d’élèves sans s’apercevoir qu’elle était passé à côté de Ron. Arrivée au niveau de la nourriture qui foisonnait, elle ne réussit pas à se décider.

« Tu t’amuses bien Granger ? », lui demanda une voix masculine dans son dos.

Elle appréciait beaucoup trop cette soirée pour la gâcher en se prenant la tête avec Drago Malefoy. Elle qui n’avait jamais profité d’une fête correctement, elle décida que les disputes n’étaient pas de rigueur. C’était un soir magnifique, personne ne le lui enlèverait. Elle était toujours en colère contre le Serpentard, ça ne faisait aucun doute. Elle sentit encore son cœur se serrer lorsqu’elle entendit sa voix. Mais elle ferait une exception. Pour ce soir du moins.

« C’est encore mieux que ce qu’on avait prévu ! Finalement, on forme une bonne équipe tous les deux ! lui répondit Hermione d’une voix enthousiaste mais distante.

- Tu ne crois pas si bien dire. Tiens je t’ai apporté un verre de Triwhiskey, il est temps que tu apprennes à te décoincer un peu. »

La jeune fille observa le verre quelques secondes et leva les yeux vers le jeune homme. Il était splendide dans son costume blanc. Seules ses chaussures et son masque étaient noirs. Dans la lumière de la nuit et des étoiles provenant du plafond magique, il ressemblait à une divinité. Ses cheveux ressortaient merveilleusement et ses yeux étaient astucieusement dissimulés. Il était beau, tout simplement.

« Merci Malefoy, trop aimable de ta part.

- Qu’est-ce que tu crois, je prends soin de ma collaboratrice.

- Je n’en attendais pas moins de toi, se moqua la Gryffondor.

- Tu crois que j’ai une idée derrière la tête en t’offrant ce verre ?

- On sait jamais, tu peux me surprendre.

- Et bien dis-moi si je te surprends, danses avec moi. »

Hermione faillit s’étouffer avec la gorgée de Triwhiskey qu’elle venait de boire. Elle n’en croyait pas ses oreilles. Il venait de l’inviter à danser.

« Où est ta cavalière Malefoy ? Ce n’est pas avec elle que tu es censé danser ?

- Céleste est bien trop occupé à se faire draguer par tous les mecs de la promotion. Regarde par toi-même. », lui dit-il en lui indiquant le coin de la pièce d’un signe de tête.

Hermione y observa la Serdaigle, tout sourire. Autour d’elle, une dizaine de jeunes hommes la dévorait du regard. Elle ne semblait pas s’en inquiéter. Au contraire, elle paraissait particulièrement heureuse de faire l’objet de tant d’attention. La Gryffondor leva un sourcil et soupira de dépit.

« Elle est irrécupérable, se scandalisa-t-elle.

- Oh tu sais, quelle fille dans cette pièce ne serait pas heureuse de se faire courtiser par autant de mecs à la fois ?

- Tu marques un point. On est toutes un peu narcissique sur les bords.

- Alors ? Tu te décides à danser ?

- La musique ne s’y prête pas, elle est trop entrainante.

- Je peux y remédier. »

D’un signe de la main, Drago ordonna à un garçon plus jeune de partir en direction de la personne chargée de la musique. En quelques secondes, l’atmosphère changea radicalement. Une musique douce monta dans l’air et le Serpentard prit doucement la main d’Hermione. Elle se laissa faire en soupirant. Ce n’était que pour une soirée. Une soirée et une danse. Rien de plus.

Il posa délicatement ses mains sur les hanches de la Gryffondor et commença à danser. Elle mit une distance entre leurs deux corps. Comme une barrière de protection. Même si elle avait décidé de faire une trêve, elle devait rester prudente.

« Tu es… merveilleusement belle ce soir. », lui murmura-t-il.

Elle ne répondit pas. Elle ne voulait pas entamer de conversation avec lui. Elle baissa la tête et sentit son regard la fixer. Alors elle leva les yeux et le fixa à son tour. Les secondes passèrent, comme si elles étaient des siècles. Des millénaires. Une éternité. Chacun se noyait dans les yeux de l’autre. Sans un bruit. Sans un mot. Ils dansaient. Peu à peu, sans qu’ils ne s’en rendent compte, la distance qui les séparait diminua. Diminua encore, jusqu’à n’être rien de plus qu’un souvenir. Leurs corps se frôlaient en harmonie avec la mélodie. Le monde n’existait plus. Juste le temps d’une chanson.

Dans un coin de la Grande Salle, une jeune fille, dans une robe aux couleurs d’un ciel d’été, observait la scène. Elle n’entendait plus les compliments ou les commentaires que faisaient les élèves qui l’entouraient. Elle ne voyait qu’eux. Hermione Granger, fixant son fiancé. Et lorsqu’elle vit leurs regards, elle sut. C’était elle. Elle qui faisait obstacle à son bonheur. Elle qui l’empêchait d’obtenir ce qu’elle avait toujours voulu avoir. Elle serra la mâchoire et ses yeux se firent sombres. Elle avait attendu toute sa vie son heure de gloire. Personne ne lui volerait ses rêves. Personne.