Comme la glace

Chapitre 34 : Sans un mot

1882 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 03/06/2017 00:37

Drago descendit les escaliers en tenant la main de Céleste. Derrière lui, la jeune fille riait. Elle était heureuse, tout simplement. Elle n’avait jamais manqué d’attirer l’attention des garçons partout où elle allait. Même si toute cette attention lui plaisait, elle finissait systématiquement par s’en lasser. Il lui manquait quelque chose, depuis toujours. En cet instant, cet instant magique, elle comprenait ce qui lui avait tant fait défaut. Elle comprenait ce que le bonheur voulait dire. Elle n’avait pas eu à provoquer Drago pour qu’il lui tombe dans les bras, c’était lui qui était venu à elle. Réclamant, presque suppliant, qu’elle lui offre ce baiser. Peut-être, au fond de lui, y avait-il une part de son âme qui l’appréciait, qui l’aimait. C’est sur cette pensée heureuse qu’elle arrêta son amant dans sa descente, et lui offrit un doux baiser.

Jusqu’à présent ils n’avaient eu que des contacts ardents l’un avec l’autre, mais la Serdaigle voulait essayer quelque chose de différent. Elle prit le visage du Serpentard entre ses mains blanches et lui offrit un sourire heureux. Drago l’observa, perplexe. Il scruta les détails de son visage et la trouva définitivement inégalable. Elle semblait combler, comme si ce simple baiser lui avait apporté tout le bonheur de la Terre. Il trouva cette idée curieuse pour une personne aussi belle que Céleste. Belle, intelligente et riche. Elle avait tout pour être heureuse, alors pourquoi était-ce la première fois qu’il percevait cette lumière dans ses yeux ? Pourquoi ne l’avait-il jamais vu autant épanouie qu’en cet instant ? Sans réfléchir davantage, le jeune homme lui rendit son baiser. Ils continuèrent leur descente, main dans la main.

« Qu’est-ce dont que… ça ? demanda Céleste en grimaçant de dégout.

- Il semblerait que certains ne tiennent pas l’alcool, lui répondit le jeune homme à la vue de la flaque jaunâtre qui tapissait le sol.

- Drago, ne serait-ce pas Hermione Granger ? », le questionna-t-elle en désignant la jeune fille vacillante du menton.

Le Serpentard releva la tête et pâlit brusquement. Droit devant lui, la Gryffondor criait. Son pied dérapa et sa tête vint s’écraser contre le buffet. Avant que la jeune fille n’ait touché le sol, Malefoy lâcha la main de Céleste et courut à l’intérieur de la Grande Salle. Mais il arriva trop tard, Hermione ferma les yeux et perdit connaissance. Le sang qui s’écoulait de sa tête ne cessait de progresser sur le parquet de l’immense salle. Des hurlements se firent entendre, la musique s’arrêta et les lumières s’intensifièrent. Tout le monde observait, mais personne ne semblait vouloir bouger.

A quelques mètres de là, Harry semblait pétrifié. Son teint était livide et sa respiration haletante. Drago comprit immédiatement qu’il ne pouvait pas compter sur son aide. Son cœur fut le premier à prendre une décision. Il ne réfléchit pas et se précipita vers la Gryffondor. A genoux dans la mare de sang qui continuait de s’étendre, il prit la tête d’Hermione et la posa délicatement sur ses cuisses. Il sortit sa baguette et marmonna un sortilège.

« Vulnera sanentur, murmura-t-il en effleurant la blessure saillante sur le crâne de la Gryffondor. Vulnera sanentur… »

Doucement, la plaie commença à se refermer. Le sang avait cessé de couler et celui présent sur le sol semblait s’assécher. Quelques secondes plus tard, la blessure avait disparue. Pourtant, Hermione ne se réveillait pas.

« Aller Granger, aller ! l’encouragea le Serpentard. Réveille-toi par Merlin ! »

Mais les yeux de la Gryffondor restèrent clos. Sa peau était très pâle, presque livide. Son souffle était faible et la fréquence de ses respirations de plus en plus irrégulière. Ne sachant pas quoi faire de plus, Drago continua à encourager la jeune fille à refaire surface. Malheureusement, les abimes dans lesquelles Hermione était prisonnière, étaient bien trop profondes pour qu’elle puisse en sortir.

Une porte claqua, des pas précipités se firent entendre et la foule d’élèves se scinda en deux.

« Monsieur Malefoy ! s’exclama le Professeur McGonagall paniquée. Nom d’une chouette, que s’est-il donc passé ? A qui appartient tout ce sang ? »

Drago leva les yeux vers le Professeur, la laissant apercevoir le visage blafard de la Gryffondor.

« Non… Non, ce n’est pas possible ! Que quelqu’un prévienne le Professeur Dumbledore immédiatement ! Miss Weasley, courrez ! »

Le Serpentard s’accroupit et saisi la jeune fille. Il la souleva le plus délicatement du monde et se dirigea vers la porte de la Grande Salle.

« Monsieur Malefoy ! tenta de le stopper le Professeur. Monsieur Malefoy, où allez-vous ainsi ? Revenez immédiatement ! »

Mais Drago n’écoutait plus. La seule chose qui lui importait, c’était de secourir Hermione. Plus rien d’autre n’avait d’importance. Il monta les marches une à une, en prenant le plus grand soin de son précieux chargement. Ses chaussures laissaient des empreintes ensanglantées à chacun de ses pas. Il n’avait jamais été aussi lucide qu’en cet instant. Toute trace d’alcool avait disparue de son corps. Pourtant, sa vue était floue et sa tête tournait. Comment une chose pareille avait-elle pu arriver ? Pourquoi n’avait-il pas été là pour la protéger ? Peut-être que s’il n’avait pas été si occupé à batifoler avec Céleste, rien de tout ceci ne serait arrivé. Hermione serait toujours en bas, avec ses amis, en train de danser. Lui serait toujours près du buffet, à la regarder du coin de l’œil. La musique continuerait de pulser et la fête aurait pu continuer.

Soudain, il ne sentit plus le souffle irrégulier de la jeune fille dans son cou. Paniqué, il la déposa sur une marche et, de ses doigts pleins de sang, tenta de prendre son pouls. Rien, il ne ressentait rien. Hermione avait cessé de respirer, elle avait cessé de vivre. Il serra les mâchoires à se casser les dents et tira sa baguette. Il ne la laisserait pas partir. Ni ce soir, ni jamais. Il fallait qu’elle vive. Il ne supporterait pas un monde où elle n’existait plus. Il prit une grande inspiration, plaça sa baguette sur le cœur de la jeune fille, perpendiculairement à sa poitrine, et cria.

« Pulsatio ! »

Ses cris se firent de plus en plus fréquents et de plus en plus forts. A chaque hurlement, il mettait chaque partie de son âme à contribution. L’adrénaline qui coulait dans son sang lui donnait plus de force qu’il n’en avait réellement. Il aurait pu s’arracher le cœur de la poitrine pour le lui offrir. Il aurait sacrifié tout ce qu’il possédait pour la voir respirer de nouveau. Soudain, la peur tenace qu’il entretenait depuis des années lui sembla dérisoire. Toutes les angoisses qui secouaient ses nuits n’étaient rien de plus que de simples cauchemars. Il n’avait jamais réalisé à quel point la vie est éphémère. A quel point chaque existence est fragile et temporaire. A quel point chaque être est mortel.

Lorsqu’il la regardait, si pâle et délicate, son existence prit un autre sens. Elle était à peine vivante. A chaque instant, sa respiration se faisait plus sifflante. Ses battements de cœur se faisaient moins réguliers. Il ne voyait pas de lendemain si ses paupières ne se soulevaient plus. Si ses yeux noisette ne le défiaient plus. Si sa peau ne laissait plus cette délicieuse odeur de cerise dans son sillage. Plus rien n’avait d’importance, ni ses études, ni son père, ni sa propre vie. Il pouvait mourir, tant qu’elle vivait. Il lui fallait savoir qu’elle serait saine et sauve, quoi qu’il advienne.

Les secondes passèrent, interminables, puis le miracle se produisit. Il le sentit de nouveau. Faible et saccadé, mais présent. Il n’attendit pas davantage. Il souleva la Gryffondor de ses bras fatigués et se mit à courir. Courir de plus en plus vite, sans se soucier de ses forces qui diminuaient. Son visage était humide. Il ne comprenait pas d’où venait toute cette eau qui ruisselait le long de ses joues. Son cœur se serra et il comprit. Il pleurait. Il pleurait de rage, il pleurait de peur et de désespoir. Il appuya davantage la prise qu’il avait sur la jeune fille, comme pour ne pas la perdre. Ses jambes avançaient toutes seules. Il ne contrôlait plus rien.

Après quelques minutes, ils arrivèrent enfin. La porte de l’infirmerie était grande ouverte. Assise à son bureau, Madame Pomfresh remplissait des documents. Lorsqu’elle entendit des pas précipités derrière elle, elle se retourna. Ce qu’elle vit la stupéfia. Couvert de sang, Drago Malefoy tenait une jeune fille inanimée dans ses bras. Cette jeune fille, elle la connaissait. C’était Hermione Granger, mais elle était méconnaissable. Son teint était tellement livide que l’infirmière crut voir un fantôme. Mais ce n’était pas ça qui la surprit le plus. Lorsque le jeune homme approcha davantage, elle les aperçut. Des larmes. Et cette peur qui brillait dans ses yeux de glace.

Drago passa devant la vieille femme sans prendre la peine de lui adresser un mot. Il savait qu’elle le suivrait. Alors il déposa méticuleusement Hermione sur le lit et la regarda. Même dans le pire état, elle était belle. Une larme glissa de sa joue et vint s’écraser sur le front de la Gryffondor. S’apercevant qu’il pleurait encore, le Serpentard s’essuya les yeux et ne laissa plus une seule larme en sortir. Madame Pomfresh, qui était parti cherché du matériel au fond de l’infirmerie, s’approcha doucement.

« Mon garçon, lui dit-elle. Que s’est-il passé ? »

Mais Drago ne répondit pas. Il ne pouvait pas dire un mot, de peur de ne pas pouvoir se contenir. Il fallait qu’il parte avant d’imploser. Il devait s’assurer qu’elle était entre de bonnes mains, puis il s’en irait. Alors, il déposa un tendre baiser le front d’Hermione.

« Ne t’en fais pas Granger, tu vas t’en sortir. Je t’en fais la promesse. », lui chuchota-t-il à l’oreille

Sans un mot, il tourna les talons. Il ne regarda pas l’infirmière lorsqu’il passa près d’elle, ne vit pas les élèves et les professeurs qui commençaient à affluer en haut des escaliers. Il avançait. Seul et démuni, il quitta la pièce.

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