Comme la glace

Chapitre 37 : Altaïr

1668 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 07/07/2017 16:30

Assis sur le bord d’une majestueuse fontaine en marbre, au beau milieu d’un immense jardin peuplé d’Ifs parfaitement taillés, un jeune homme observait des paons albinos dérouler leurs plumes sous le soleil de décembre. L’herbe était d’un vert éclatant et les minuscules gouttes d’eau, tombées il y a peu, reflétaient les couleurs des rayons du soleil. Les somptueux arbres semblaient avoir chacun un emplacement défini, tout était minutieusement réparti sur l’imposant terrain derrière le manoir. Chaque fleur avait son carré de terre, chaque feuille avait sa branche, tout était parfaitement à sa place. Tout, sauf Drago.

             La légère brise caressa son visage et fit frémir ses cheveux blonds. Appuyé sur ses mains, le jeune homme ne ressentait presque plus l’extrémité de ses doigts tant le froid les avait attaqués. Pourtant il ne bougeait pas. Les yeux clos mais le cœur ouvert, il vida son esprit de toute distraction et se concentra sur le souffle du vent. Il lui sembla l’entendre murmurer quelques paroles sibyllines, ou peut-être chantait-il une ode délicieusement lyrique au creux de son oreille. Un frisson lui parcourut le dos et un petit sourire apparut au coin de sa bouche.

Il trouva étrange ce pouvoir qu’avait la nature d’emporter avec elle les doutes et les angoisses. Cela faisait des semaines qu’il n’avait plus eu de nouvelles du monde extérieur, seule Céleste avait tenté de prendre contact avec lui. Malheureusement elle n’avait réussi qu’à l’éloigner davantage. A tel point qu’ils avaient fini par rompre, sur la demande du Serpentard. La jeune Vélane avait été affreusement vexée par cet affront et avait répondu à la lettre de Drago par un écrit des plus outré. Malgré les tentatives de réconciliation de la Serdaigle, le jeune homme était resté catégorique. Il avait besoin d’air et elle ne faisait que l’étouffer.

Au milieu de cet incroyable jardin luxuriant, il lui sembla que rien n’avait véritablement d’importance. Depuis qu’il était revenu chez lui, Drago avait mis à profit le temps qu’on lui avait accordé pour se retrouver. Il avait eu tout le loisir de réfléchir à sa vision du monde, à sa vision des autres, et à sa vision de lui-même. Les choses lui étaient alors apparues d’une extrême simplicité, comme si, d’ordinaire, il encombrait ses pensées de détails superflus. Cette idée lui avait tout d’abord semblé grotesque car, dans le monde où on l’avait élevé, chaque détail avait son importance. Puis plus les journées passaient, et plus il parvenait à se recentrer sur les choses essentielles. A commencer par sa famille.

Lorsqu’un matin de novembre Drago avait franchi la grille du manoir en transplanant depuis le petit village de Pré-au-Lard, il ne s’attendait pas à être accueilli avec tant d’égard. Son père étant parti en affaire pour la semaine, seule sa mère demeurait dans la maison. Grande et mince, Narcissa Malefoy était une femme qui portait le poids du passé avec beaucoup de noblesse. Ses yeux bleus et glacials n’avaient d’égal que sa voix froide et son air supérieur. Sous ses apparences de grande dame au cœur de pierre, Cissy était profondément dévouée à sa famille. Son enfant était son bien le plus précieux et elle l’aimait bien au-delà de sa propre personne. A l’instant où il avait franchi le pas de la porte, elle avait lu sur le visage de son fils l’ombre d’un fardeau plus lourd que le monde.

Malgré la complicité et l’amour qui les liait, Drago n’avait rien dit à sa mère de ses angoisses. Il savait que son père serait furieux de sa décision et qu’il chercherait par tous les moyens à trouver la source du problème. S’il découvrait que son enfant avait ressenti une attirance pour une née-moldue, les conséquences seraient désastreuses. Narcissa avait été extraordinairement compréhensive et particulièrement protectrice envers le jeune homme. Lorsque son mari était rentré de son voyage, sa colère avait éclaté mais n’avait fait qu’effleurer son fils. Grâce à la dévotion que Cissy avait pour Drago, il avait pu rester chez lui et remettre tranquillement un peu d’ordre dans sa vie. Sa mère lui offrait des leçons particulières et le reste du temps le jeune sorcier le passait à flâner sur l’immense terrain derrière le manoir.

Malgré la paix intérieure qu’il pouvait ressentir, Drago avait l’impression que quelque chose lui manquait. Même s’il ne répondait pas aux lettres de Céleste, celle-ci continuait à lui envoyer les informations sur la vie de l’école qu’il avait quittée. Ainsi, il avait appris qu’Hermione était sortie de l’infirmerie et qu’elle se portait bien. Ce fût la seule bonne nouvelle transmise par son ancienne petite amie. Les lettres contenaient de nombreuses sources de préoccupations pour le jeune homme. La pire était l’empoisonnement de la Gryffondor à l’Adonis par nul autre que lui-même en personne. Or il se savait innocent étant donné qu’il n’avait jamais offert de verre à Hermione. Finalement, peu lui importait qu’on l’accuse d’avoir attenté à sa vie, il pouvait vivre avec les mensonges. Tout ce qui lui importait c’était la santé de sa coéquipière qui, au passage, ne l’était plus vraiment puisqu’il l’avait lâchement abandonné.

Les semaines étant passées à une vitesse phénoménale, Drago n’avait pas vu Noël arriver. La tradition pour les Malefoy n’avait jamais été de le fêter en famille. En réalité, il ne l’avait jamais fêté du tout. Lorsqu’il avait appris que le bal de Noël à Poudlard avait été annulé à cause de lui, il avait été pris d’une vague de remords, ce qui n’était pas habituel voire carrément inédit dans sa vie, d’ordinaire très détachée. Il s’était très vite repris et, au beau milieu de la nuit, une folle idée lui était venu. Il allait organiser une soirée, chez lui, pour que les festivités ne soient pas totalement gâchées. Narcissa avait tout de suite été emballée par le projet, puis elle avait bien vite déchanté en voyant la liste des potentiels invités. Devant les supplications de son fils, elle avait fini par céder et après de nombreuses négociations, Lucius avait finalement consenti à organiser la réception.

Mais c’était seul qu’il avait pris l’initiative de glisser un autre mot dans l’enveloppe d’Hermione. Il regrettait de l’avoir abandonné à son sort, et il voulait se faire pardonner. Même s’il se disait que les rumeurs ne comptaient pas, au fond de lui il espérait que la Gryffondor lui aurait laissé le bénéfice du doute. Il savait bien qu’une simple robe ne parviendrait pas à réparer tout le mal qu’il avait pu lui faire, mais il espérait qu’un pas vers elle serait suffisant pour toucher son cœur blessé.

Drago s’allongea sur le bord de la somptueuse fontaine et observa les deux Serpents de pierre entremêlés au centre de la construction. Un petit miaulement timide retenti à ses pieds. Le jeune homme se redressa doucement et sourit en voyant le petit animal assit au pied de l’édifice de pierre. Le regardant avec de grands yeux gris bleuté, un chaton au pelage d’un noir intense semblait attendre quelque chose. Seules ses pattes, le bout de sa queue et le haut de ses oreilles étaient d’un blanc parfaitement pur. Les petits miaulements impatients qu’il émettait aurait pu attendrir même les cœurs les plus durs.

Le jeune sorcier lui sourit davantage et tendit les bras pour le monter sur ses genoux. Le petit chat, visiblement insatisfait, se redressa et posa ses minuscules pattes sur le torse de Drago. La couleur de leurs yeux étaient parfaitement identiques. Même la teinte bleutée que leurs regards prenaient lorsqu’ils étaient heureux, était semblable. Lorsque le petit animal plongea ses iris dans ceux du jeune homme, celui-ci eut presque l’impression de voir dans un miroir. Cette minuscule créature, née il y a peu, semblait être doté d’un redoutable pouvoir de persuasion. Il avait tout de suite appris à obtenir ce qu’il voulait des autres, et le tout, sans aucune difficulté.

Comme il était coutume dans sa famille, Drago avait nommé le chaton d’un nom d’étoile. Le noir intense de sa robe lui faisait penser aux plumes majestueuses des aigles dans l’ombre du soleil. Il était encore très petit, pourtant il dégageait une certaine majesté dont il savait très bien jouer. Les yeux gris se firent plus perçants, et les miaulements plus insistants. Le jeune homme soupira et capitula sous une pluie de ronronnement. Il saisit délicatement la petite créature et la prit dans ses bras. Le chaton blottit sa minuscule tête dans le cou de Drago et ferma les yeux, victorieux.

« Ah, Altaïr, je connais quelqu’un à qui tu vas beaucoup plaire. », murmura le jeune sorcier à l’intention du chat qui ouvrit les yeux et pencha la tête d’incompréhension.

Le jeune homme observa le petit animal malicieusement et, amusé, rit face à son expression étonnée. Oui, il était clair qu’une simple robe ne suffirait pas à ce qu’il se fasse pardonner...

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