Comme la glace

Chapitre 40 : Rancoeur

2610 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 24/08/2017 14:21

Drago passa un ruban émeraude autour du cou du chaton et tenta de nouer délicatement ses extrémités. Le petit animal, qui trouvait ce jeu très amusant, se débattit en essayant d’agripper le morceau de tissu du bout de ses minuscules griffes.

             « Altaïr ! s’énerva gentiment le jeune homme. Je dois te rendre présentable pour ta nouvelle maîtresse. Essaye d’être un peu coopératif, s’il te plait ! »

             Mais la créature malicieuse ne voulait rien entendre. A coup de pattes et de miaulements, elle provoqua le Serpentard sans répit pour qu’il lui abandonne le ruban. Malheureusement, Altaïr avait trouvé plus têtu que lui, et après plusieurs secondes de bataille intensive, il perdit la guerre. Drago serra le nœud joliment et ajusta le petit pendentif qui y était accroché. Le camée arborait avec fierté le blason de la famille Malefoy, c’était exactement le même qu’il avait offert à Hermione en accompagnement de sa robe. A la différence que celui d’Altaïr portait plus de dorures et était un petit peu plus grand.

             « Parfait ! s’exclama le jeune homme fier de son œuvre. A présent je vais descendre voir mes invités et toi tu vas rester ici, sagement. Je reviens dès que je peux, avec une surprise. »

             Drago sourit tendrement au petit chat et sortit de la chambre discrètement. Tandis qu’il parcourait le couloir et descendait les escaliers de marbre, il se rendit compte de ses paroles. Depuis que ce chat était entré dans sa vie le jeune homme avait trouvé en lui une oreille attentive, comme il n’en avait jamais eu auparavant. Drago Malefoy, fils du terrible Lucius Malefoy, s’était laissé attendrir par un simple chaton. Cette pensée le fit sourire, malgré son cœur de glace, il aimait Altaïr. Plus qu’il n’aimait certains êtres humains.

             « Drago, minauda une voix féminine bien connue qui le coupa dans sa réflexion.

             - Pansy, répondit-il sur le même ton en feignant un sourire amical.

             - Je suis heureuse de te voir, je pensais que tu m’avais oublié.

             - Comment pourrais-je t’oublier, ironisa le Serpentard.

             - Ne te moque pas de moi, Drago, je sais que tu n’es plus avec ta chère et tendre Céleste.

             - Ce ne sont pas tes affaires, Parkinson, siffla le jeune homme qui était redevenu froid.

             - Oh, ça va, détends-toi voyons ! Nous sommes entre nous, poursuivit-elle en souriant bêtement. D’ailleurs je… »

             Mais elle ne finit pas sa phrase, du moins pas à la connaissance de Drago. A peine la jeune fille avait-elle ouvert la bouche qu’un mal de crâne intenable s’était emparé de la tête du Serpentard. Plus les années passaient et plus la voix et le comportement de Pansy Parkinson lui étaient insupportables. Sans prendre le soin de la prévenir, il avait interrompu sa phrase en quittant les lieux. Prise au dépourvu, la Serpentard surprise ne parvint pas à le suivre à travers la cohue d’élèves.

             Malgré le nombre assez important d’annulations, les invités étaient suffisamment nombreux pour ne pas tous rentrer dans le salon. Les serviteurs avaient donc pris l’initiative d’installer une partie du buffet dans l’entrée de la demeure afin que chacun ait la place de circuler à sa convenance. Drago pu sans peine passer de groupe en groupe pour saluer chaque personne, même si c’était du bout des lèvres. Après plus d’une dizaine de minutes à parcourir la pièce, il ne perçut pourtant aucune trace de la Gryffondor. Etonné, un peu inquiet à l’idée qu’elle ne soit peut-être pas venue, il se dirigea vers le fond de l’immense salon.

             « Potter ! s’exclama-t-il en s’approchant de quelques personnes regrouper autour de la majestueuse cheminée. Je ne pensais pas que toi et Weasmoche seriez un jour présents chez moi.

             - Comme quoi, tout arrive, siffla Harry entre ses dents serrées. Mais rassure-toi, Malefoy, c’est pas pour toi qu’on est ici.

             - Ah non ? s’étonna le Serpentard en feignant de se vexer. Que me vaut donc l’honneur de votre présence ?

             - Les petits fours ! » s’exclama Ron la bouche pleine.

             Drago leva les sourcils de dépit et Harry lança un regard assassin à son ami.

             « Désolé, bafouilla-t-il.

             - T’es irrécupérable, Ronald ! chuchota le Gryffondor.

             - Où est Granger ? demanda Drago pour changer de sujet.

             - C’est pas tes affaires, enchaina Harry.

             - Elle est mon invité au même titre que vous, je me dois de la saluer, répondit Drago pour tenter de trouver une excuse à sa question.

             - Elle est dehors avec Ginny. » capitula le Gryffondor dans un soupir.

             Le Serpentard sourit victorieusement et quitta le petit groupe sans d’autre explication. Il tenta de se frayer discrètement un chemin parmi les invités afin qu’aucun d’eux ne viennent l’interrompre et se dirigea d’un pas pressé vers l’imposante porte d’entrée.

             « Malefoy ! l’appela une voix masculine plus loin tandis qu’il posait la main sur la poignée. Eh, Malefoy ! »

             L’interpellé se retourna, agacé d’être stoppé dans son élan.

             « Qu’est-ce que tu me veux Zabini ? souffla-t-il.

             - Eh, respire mon grand ! répondit Blaise en riant d’un façon qui n’avait rien de naturelle. Je suis juste venu te proposer un petit verre !

             - Tu crois pas que je suis suffisamment dégourdi pour aller m’en chercher un tout seul, mon grand ? ironisa le Serpentard d’un air mauvais.

             - Ouais, mais dans celui-là y a un petit truc en plus si tu vois ce que je veux dire, lui indiqua Zabini en lui lançant un clin d’œil.

             - Tu veux dire de l’Adonis, c’est ça ?

             - T’as tout compris, mon pote ! s’exclama le jeune homme, qui ne semblait pas tout à fait dans son état normal.

             - Ecoute, c’est pas le moment, là. J’ai d’autres choses à faire que de me défoncer avec toi et ta bande d’abrutis notoire. A plus tard ! »

             Drago quitta la conversation en grommelant. Comment pouvait-il supporter ce crétin congénital et toute sa clique de moutons décérébrés depuis autant d’années sans jamais s’en être plains ? Cette pensée le dépassait. Mais elle disparut bien vite devant l’urgence de ce qu’il devait faire. Il ouvrit la porte et sortit de la demeure.

             Dehors, la nuit était calme et silencieuse. Les étoiles brillaient par milliers, et, malgré le froid de décembre, une douce chaleur émanait de la lune. Pourtant, aucune voix féminine ne venait troubler la tranquillité des astres. Désespéré et passablement impatient, le Serpentard se mit en quête de la Gryffondor. Il parcourut les jardins sombres et crut apercevoir plus d’une fois les silhouettes des deux jeunes filles au détour d’un arbre. Ce ne fût que plusieurs minutes plus tard que le jeune homme perçut enfin un murmure doux et à peine audible.

             « Enfin je vous trouve ! s’exclama-t-il sans se préoccuper du silence qu’il venait de grossièrement briser.

             - Malefoy ? s’étonna Hermione. Mais qu’est-ce que tu fais ici ?

             - Je suis chez moi, il me semble, lui fit-il adroitement remarquer.

             - Euh… Je vais vous laisser moi, murmura Ginny en adressant un léger mais discret clin d’œil à son amie.

             - Ginny, attends ! ordonna la Gryffondor qui ne distinguait déjà plus la jolie rousse.

             - Maligne la Weasley, remarqua Drago.

             - Qu’est-ce que tu me veux, Malefoy ?

             - Plusieurs choses, Granger. Déjà je voudrais savoir si tu vas bien. »

             Hermione ne sût quoi dire. Elle s’attendait à tout sauf à ça. Elle avait fini par se faire à l’idée qu’elle croiserait le Serpentard à un moment ou à un autre de la soirée, mais elle n’avait pas imaginé une telle conversation. Elle avait pensé que le jeune homme se défendrait, qu’il essayerait de la convaincre de son innocence, puis qu’il s’énerverait et qu’il abandonnerait, comme à son habitude. Au lieu de ça, il semblait s’inquiéter sur son état de santé. Elle trouva ça ironique, voire déplacé.

             « Granger ? demanda-t-il en interrompant le cours de ses pensées.

             - Je… euh… je vais… bien, merci…

             - Pourquoi t’hésites ?

             - Je trouve ça un peu étrange que tu te préoccupes brusquement de mon état, lança la Gryffondor qui avait repris brusquement sa contenance.

             - Qu’est-ce que tu veux dire ? lui demanda le jeune homme qui sentait comme une pointe de reproche dans sa voix.

             - Tu es parti du jour au lendemain, sans rien dire, sans une explication, sans un mot et tu trouves normal de venir me parler comme si de rien était ? Pendant des semaines personne n’a eu de nouvelles de toi, on savait même pas si t’étais encore vivant, et toi tu organises une soirée par... par charité ? Mais qu’est-ce que tu crois, Malefoy ? Que le monde s’est arrêté de tourner parce que t’es parti ? Et bien non ! Il a continué de tourner ce putain de monde, sans toi, pendant des semaines et des semaines ! Et moi, moi j’étais seule. Alors oui, je trouve ça un peu fort que tu viennes me demander comment je vais alors que tu n’as pas été foutu de prendre de mes nouvelles et que tu m’as abandonnée face à toutes les rumeurs qui circulaient dans l’école ! Tu es un lâche, et tu ne mérites même pas que je réponde à ta saleté de question. »

             Elle avait débité son monologue d’une seule traite. Sans une hésitation, sans s’arrêter. Elle avait pris l’immense poids qui pesait sur son cœur et l’avait déroulé, comme une vulgaire pelote de ficelle. Chaque mot était chargé de tristesse et de rancœur. Une rancœur qu’elle avait entretenue depuis le jour où elle avait quitté l’infirmerie. Une rancœur envers les rumeurs et ceux qui les faisaient circuler, envers ses amis qui s’étaient retrouver démuni et incapables de la comprendre, envers Malefoy et son incommensurable lâcheté lorsqu’il s’était enfui, mais surtout envers elle-même et sa solitude abyssale.

             Malgré le chagrin et la détresse, ses yeux étaient restés parfaitement secs. Elle n’avait pas envie de verser des larmes, elle avait envie de hurler. Et c’est exactement ce qu’elle fit. Et son hurlement déchira la nuit tout comme il déchira l’âme de Drago. Le poids s’envola, morceau par morceau. Jusqu’à laisser une plaie béante, au beau milieu de son cœur. Mais elle savait qu’un jour, cette plaie, deviendrait cicatrice.

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