Comme la glace

Chapitre 44 : L'éclair argenté

2063 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 29/08/2017 14:32

L’éclair argenté

Lucius s’avança doucement vers son fils, son visage était impénétrable mais ses yeux glacials ne mentaient pas. Malgré son calme apparent, ses doigts s’étaient resserrés sur le poignard d’acier. Devant lui, Drago n’avait pas bougé. Incapable de reculer, incapable de parler. Lui aussi paraissait calme, pourtant les battements de son cœur n’avaient plus rien de réguliers. Il lui semblait qu’un piège mortel s’était refermé sur lui et que sa vie s’était peut-être arrêtée. En voyant l’air de reproche que son père posait sur lui, il lui parut évident que ses jours n’étaient pas en danger. Les iris de son paternel avaient perdu leur lueur mortelle. Ils étaient durs et froids, mais ils n’étaient plus menaçants. Lucius était en colère et horriblement déçu. Il s’arrêta à un mètre de son fils mais il ne parla pas.

« Père, je… » tenta de dire Drago en bredouillant.

Brutalement, le père Malefoy leva la main et lança son poignard d’un geste ferme. Le claquement sec du métal contre le bois du lit à baldaquin arracha un hoquet de surprise au Serpentard. L’éclair argenté n’était passé qu’à quelques centimètres de sa tête, mais n’avait fait que le frôler. Il blêmit en tentant de clamer les palpitations de son cœur. Dans un rictus mauvais, Lucius parla.

« Tu es la honte de cette famille.

- Père, écoutez-moi… voulut s’expliquer Drago.

- Tais-toi, fils, l’interrompit-il sans monter le ton de sa voix. Je te savais perdu, mais je ne pensais pas que tu tomberais aussi bas. Tu me déçois comme personne ne m’a jamais déçu. J’espère que tu es conscient du déshonneur que tu viens de jeter sur ta famille.

- Pardonnez-moi, Père, murmura le jeune homme en baissant la tête.

- Non. » lança Lucius sèchement.

Une boule de feu bloqua la gorge du Serpentard. Depuis toujours, il idolâtrait son père et n’avait jamais manqué de lui obéir. Pourtant ce jour-là il n’avait pas hésité. Il n’avait pas étudié les conséquences, il avait pensé à lui avant de penser à sa famille. Il avait agi sans réfléchir et maintenant il se sentait honteux. Il savait que son comportement avait été à l’opposé de son éducation très stricte, pourtant il ne regrettait rien. Peut-être était-ce de cela dont il avait honte, plus que d’avoir déçu son père. Les secondes passèrent comme autant d’éternité.

« Non, Drago, poursuivit Lucius. La confiance doit se mériter, et tes excuses ne sont rien de plus que du vent. Je ne les accepte pas. Pas avant que tu en sois digne. Mérite mon pardon pour ton outrage en prenant toutes les décisions qui s’imposeront.

- Oui, Père, chuchota le jeune homme un tremblement dans la voix.

- Si tu t’approches encore ne serait-ce qu’une fois de cette infâme sang-de-bourbe, tu pourras te considérer comme répudié de cette famille. Tu seras déshérité et renié sans le moindre remords. On ne donne pas dans le sentimentalisme, l’honneur n’est pas une chose que l’on prend à la légère.

- Je comprends, Père, souffla le Serpentard d’une voix blanche.

- Je ne te demande pas de comprendre, Drago. Je pensais que c’était évident, je pensais t’avoir élevé dans le respect des sang-purs. Ceci est un avertissement, parce que tu es mon fils, mais sache qu’il n’y en aura pas de second. Pour que tu n’oublies pas où est ta place et que tu ne te laisses plus tenter par ce genre de chemins, ta mère et moi allons prendre des mesures. Je vais te faire surveiller. Tu ne sauras pas qui, tu ne sauras pas quand, mais j’aurais des yeux et des oreilles dans les moindres recoins de cette école. Peu importe où tu te trouveras, peu importe quand et avec qui, je le saurais. Me suis-je bien fait comprendre ?

- Oui, Père, lâcha le jeune homme qui venait de perdre la dernière lueur de liberté qu’il possédait encore.

- Tu es mon fils, Drago, tache d’en être digne. »

Sur ces mots, qui pesaient lourdement sur le cœur du Serpentard, Lucius tourna les talons et sortit de la chambre sans un regard pour son seul héritier. Drago se remit à respirer. Lentement et avec difficulté. Son père, l’unique personne qu’il avait toujours admirée, venait de le priver de sa seule véritable possession. Désormais, il serait hanté par la peur à chacun de ses pas.

Le jeune homme, dont le teint était toujours aussi pâle, se laissa glisser à terre dans un souffle rauque. Il connaissait son père, il savait de quoi il était capable. Un frisson glacé parcourut son dos nu. Etait-ce cela sa vie ? Etait-il condamné à être gouverné par une peur tyrannique ? Ne serait-il jamais libre ? L’idée qu’il pouvait être prisonnier de son sang le terrifia.

Lucius était resté parfaitement clame tout au long de son sermon. Pas une hésitation dans sa voix, pas une secousse de colère dans ses gestes. Il était resté impénétrable, immobile. Drago avait connu son père dans ses pires moments. Il l’avait vu empli de rage et d’une haine sans frontière ni limite. Il l’avait vu hurler, il l’avait vu frapper. Mais jamais, il ne l’avait vu aussi impassible. Pourtant, le Serpentard tremblait encore. Il n’avait pas ressenti une telle angoisse depuis… En fait il n’avait jamais ressenti une telle angoisse. Drago se surpris à espérer que son père revienne en hurlant, laissant place à une fureur dévastatrice. Il aurait préféré que les choses se passent ainsi, parce qu’alors il aurait su que tout aurait pu s’arranger. Mais la porte resta close et le jeune homme ne parvint pas à calmer sa respiration.

Lorsque Lucius avait parlé d’une surveillance perpétuelle, les pensées du Serpentard s’étaient envolées vers Hermione. Il s’en voulait de ne pas l’avoir défendue. Il s’en voulait de l’avoir laissée partir. Mais qu’aurait-il bien pu faire face à la détermination de son père ? Comme pour le ramener en arrière, une goutte de sang glissa lentement le long de la poutre de bois qui maintenait le lit à baldaquin. Les yeux de Drago remontèrent jusqu’à sa source. Il était là, au-dessus de sa tête, le poignard d’acier. L’éclair argenté.

*********************************************************************

Hermione sortit de la chambre en tremblant. Elle releva la fermeture de sa robe, tenta d’arranger sa coiffure et essaya de reprendre ses esprits. Malheureusement, la pâleur de sa peau et le filet de sang qui commençait à peine à sécher le long de sa jugulaire, trahissaient les évènements de la soirée. Du bout des doigts, elle essuya son cou et fit de son mieux pour camoufler sa blessure à l’aide de ses cheveux désormais détachés. Malgré tous ses efforts, son cœur n’avait toujours pas récupéré un rythme normal et ses mains continuaient de trembler. Dans la pièce qu’elle venait de quitter, un claquement sec venait de retentir. La Gryffondor sursauta et prit peur. Sans qu’elle ne se rende compte de la distance qu’elle avait parcourue, elle se retrouva en bas des escaliers, dans l’entrée du Manoir, ses escarpins dans les mains.

« Hermione ? l’appela une voix amicale. Est-ce que ça va ? On était tous très inquiets.

- Oui, tenta de se reprendre la jeune fille en remettant rapidement ses chaussures, y a aucun problème, Sarah, je vais bien.

- Qu’est-ce que tu faisais en haut avec Drago Malefoy ? lui demanda la Serdaigle sur un ton suspicieux.

- Il m’aidait à soigner ma main, lui répondit-elle en montrant ses phalanges encore un peu bleues. Mais tout va bien maintenant.

- Tu t’es pas raté, grimaça Sarah. Remarque, elle non plus tu ne l’as pas ratée !

- Où sont Harry et les autres ? l’interrogea Hermione pour changer de sujet.

- Dans le salon il me semble, je crois qu’ils t’attendent. Je vais te laisser, déclara la jeune fille. On se voit à la rentrée ! »

Sans plus attendre, la Serdaigle partit rejoindre un groupe d’amis tout en observant la sorcière du coin de l’œil. D’une rare intelligence, les détails échappaient rarement à Sarah. C’est pourquoi les cheveux détachés et le teint blême de la Gryffondor l’avait fait tiquer. Mais elle connaissait trop bien Hermione pour essayer d’insister sur le sujet. Quelque chose s’était passé au premier étage, quelque chose qui avait effrayé son amie. Tôt ou tard, la Serdaigle finirait par découvrir quoi.

La Gryffondor quitta précipitamment l’entrée pour se diriger vers le salon. Trop occupée à chercher ses amis, elle percuta une petite femme très mince aux cheveux attachés dans un chignon parfait.

« Oh, excusez-moi, bafouilla la jeune fille. C’est de ma faute.

- Vous êtes Hermione Granger ? demanda la femme qui remettait son uniforme en place.

- Oui, je… commença la Gryffondor.

- Monsieur m’a demandé de vous rendre votre cadeau, la coupa la servante. Ne bougez pas. »

Hermione n’eut pas le temps de répondre que la domestique avait disparu. Un léger sourire étira ses lèvres lorsqu’elle vit la femme revenir avec un petit animal dans les bras.

« Il est prêt, lui dit la servante.

- Merci ? » souffla la jeune fille en prenant Altaïr dans ses bras.

Le contact du chaton contre sa peau lui réchauffa le cœur. La petite créature se blottit dans ses bras comme s’il lui avait toujours appartenu d’y demeurer. Il plongea ses iris gris bleuté dans le regard d’Hermione et elle crut qu’il lisait dans son âme. Doucement, il passa sa tête sous les cheveux de la Gryffondor et une petite langue légèrement râpeuse vint caresser la blessure encore fraîche. La jeune fille sourit plus franchement. Altaïr la rassurait, elle trouva cette idée étrange mais elle n’aurait pas su décrire ce sentiment de sécurité autrement. Ses ronronnements emportèrent avec eux les dernières pensées sombres de la jeune fille et la décidèrent à adopter son nouveau compagnon. Elle eut un rire bref en le voyant se débattre avec quelques mèches brunes et se dit que personne ne pouvait résister à une petite créature aussi adorable.

« Hermione ? l’interrompit une voix masculine dans son dos.

- Harry ! s’exclama-t-elle en apercevant son interlocuteur. Je suis heureuse de te voir.

- Mais qu’est-ce que c’est que ce truc ? l’interrogea Ron en apercevant Altaïr qui le fixait avec de grands yeux gris.

- C’est… un cadeau, poursuivit Hermione qui ne voulait pas s’attarder sur le sujet.

- On devrait peut-être y aller, ajouta Ginny qui sentait le trouble de son amie.

- Excellente idée, approuva la Gryffondor d’un sourire. J’ai besoin d’une longue nuit de sommeil.

- Je crois qu’on en a tous besoin, soupira Harry qui n’était pas mécontent de quitter cette demeure. Les dames d’abord ! »

D’un geste très théâtral, il les invita à passer devant lui. Leurs pas étaient pressés et leurs gestes assurés, aucun d’eux n’avait envie de s’attarder dans le Manoir des Malefoy, et les évènements qui venaient de s’y dérouler les avaient tous dissuadé d’y revenir un jour.

Laisser un commentaire ?