Chapitre 22

Peter était mort.

J’avais encore du mal à le réaliser mais c’était bien vrai. Je ne le reverrais plus. Au fond de moi, je savais que ça arriverait un jour si je voulais sauver ma peau mais c’était bien pire de le vivre que de l’imaginer.

« Est-ce-que ça va Johanna ? me demanda Alex en s’asseyant à côté de moi.

- Je… Je ne sais pas exactement.

- Je suis désolée de te dire ça mais il faut que tu te lève. L’hovercraft va devoir emmener le corps.

- Le corps ? C’est Peter, pas juste un corps.

- Je suis désolée, je n’aurais pas dû dire ça. Mais…

- J’ai compris. Je dois m’éloigner, j’ai compris.

Il me tendit la main pour m’aider à me lever mais je n’acceptais pas sa main. Je ne savais pas exactement pourquoi mais j’étais en colère contre Alex. Il n’avait rien fait pourtant mais j’étais furieuse. Et dire que Peter avait été tué par une stupide tornade ! Il avait dû atterrir sur un rocher ou quelque chose qui l’a gravement blessé au flan. Un stupide accident et tout était fini !

- Johanna, est-ce que j’ai fait quelque chose de mal ? me demanda Alex en cherchant à me regarder dans les yeux.

Je détournais le regard et jetais mes yeux de l’autre côté.

- Je vais bien, et tu n’as rien fait de mal.

- Tu en es bien sûr ?

- Certaine. Bon, tu m’as dit de m’écarter alors fais-en autant.

- Très bien.

Il était visiblement vexé mais je ne pouvais pas l’aider pour le moment. Je ne pensais qu’à Peter, qui n’était plus de ce monde. Et à rien d’autre.

J’ai marché quelques mètres en avant et je me suis retourné pour voir la griffe de l’hovercraft descendre doucement vers le bas et s’emparer du corps sans vie de Peter pour le hisser vers un endroit où je ne le reverrais plus jamais. Puis une fois que le ciel s’est vidé, je me retournais doucement de l’autre côté et me dirigeais vers l’endroit opposé à la direction prise par la tornade. Alex était juste derrière moi et j’entendais ses pas résonner mais je ne voulais pas me retourner. Je ne voulais pas lui faire face pour voir ses yeux me questionner et me demander sans arrêt si j’allais bien. Parce que je savais bien qu’il connaissait déjà la réponse. C’est juste qu’il se disait que ce serait suffisant de le demander, sans pour autant se préoccuper vraiment de la réponse. Alors je ne me retournais pas et j’attendais simplement que mes larmes cessent de couler. Ce qui était plutôt mal parti pour le moment.

- Tu vas me parler ou je dois m’attendre à discuter tout seul ?

Je ne répondais pas à Alex, puisqu’il connaissait déjà ma réponse.

- Très bien, déclara-t-il. Je vais parler tout seul dans ce cas. Ecoutes, je suis sincèrement désolée Johanna. Vraiment. Mais tu ne peux pas ramener Peter et c’est normal car nous sommes dans l’arène. Tout le monde va mourir ici, excepté une seule personne. Et je ne sais pas qui sera cette personne mais Peter n’était pas destiné à gagner et c’est comme ça. C’est peut-être toi, moi ou n’importe qui d’autre mais tu ne dois pas oublier que tes amis vont mourir si tu veux survivre. Peter y compris. C’est comme ça et on ne peut rien y faire ni toi ni moi.

Je me retournais vers lui et le regardais dans les yeux pour la première fois depuis la mort de Peter.

- C’est tout ce que tu as à dire ? Que je ne peux rien y faire ? Je le sais figure toi ! Mais ça ne m’empêche pas d’être triste et c’est normal. Il me manque Alex ! Tu comprends, il me manque !

Je commençais à pleurer et je n’arrivais pas à m’en empêcher malgré toute ma bonne volonté, alors j’abandonnais. Et je continuais ma tirade.

-Je suis bien trop faible pour rester dans cette arène et y survivre. Peter est mort et je ne pense pas aux jeux ou à un concurrent de moins. Je pense à lui, car il me manque ! Et ça me fait mal de le dire mais je me fiche d’avoir l’air d’une faible, je veux juste que les gens que j’aime survivent ! Et même ça, c’est impossible !

- Je te comprends Johanna, je te le jure. Je sais que ça fait mal mais c’est comme ça. Je ne veux pas te voir souffrir parce que tu comptes pour moi. Et te voir pleurer me fait souffrir atrocement.  Alors s’il te plaît, arrête de pleurer et résiste. Résiste à tout ça et survis pour retrouver les gens que tu aimes.

- Arrête de me dire de survivre ! Si je survis, tu meures et tu le sais. Pourquoi tu veux me voir gagner si ça implique ta mort ?

- Peter te l’a dit. Parce que tu le mérite Johanna.

Je ne savais pas quoi répondre à ça. C’est vrai que Peter me l’a dit. Mais est-ce que c’était vrai ? Aucune idée. Je ne pourrais peut-être pas gagner mais une chose était sûr, Peter le voulait. Je devais me battre pour Peter, pour Alex et pour Matthew. Pour toutes les personnes qui voulaient me voir survivre. Mais j’ignorais encore si je souhaitais me battre pour ma survie ou pour autre chose. Peut-être que je voulais me battre pour quelque chose de plus important. De plus précieux.

- Et si c’est toi qui gagnais Alex ? demandais-je en levant la tête.

- Quoi ?

- Tu veux me voir gagner si je le peux mais toi aussi, tu aimerais survivre non ?

- Bien sûr mais c’est soit toi, soit moi.

- Alors pourquoi pas toi ? C’est vrai, on pourrait te sauver toi.

- Et Matthew ? Tu ne veux pas revenir pour ton petit frère ?

- Si, c’est vrai que mon frère me manque et je veux le revoir. Mais si c’est inespéré, et que je ne peux pas gagner ? Je n’ai peut-être pas l’étoffe d’une gagnante.

- Peut-être que si.

- Ecoutes-moi Alex. On va faire un marché tous les deux d’accord ?

- Je t’écoute.

- On se protège l’un et l’autre d’accord ? On était quatre au début et maintenant, nous ne sommes plus que deux. Donc, on doit se protéger mutuellement. D’accord ?

Alex me sourit un instant et me prit la main sans cesser de me regarder.

- Je sais que tu donnerais ta vie pour me protéger. Et c’est pareil pour moi, je peux te le jurer sur tout ce que j’ai de plus cher.

- On s’en sortira Alex. On va trouver un moyen.

Il me prit dans ses bras et nous sommes restés ainsi pendant un long moment. Puis je me retirais de ses bras et nous nous sommes levés pour reprendre notre chemin. Je continuais de marcher le long du chemin et nous n’avons pris qu’un bonbon à la menthe comme repas. J’avais vraiment très faim et je ne savais pas quoi faire pour obtenir de la vraie nourriture. Nous devions chasser pour trouver de la viande. Je sortis donc mon couteau et je marchais sans faire de bruit pour débusquer un autre lapin ou simplement un écureuil. Mais il n’y avait rien. Absolument rien. Mon ventre faisait beaucoup de bruit et cela éloignait toute nourriture potentielle. C’était sans doute perdu d’avance pour moi.

- On ne trouvera rien comme ça, annonçais-je en m’asseyant à terre. Peut-être qu’on devrait retenter notre chance demain. Il fait bientôt nuit et on ne trouvera pas de quoi manger aujourd’hui.

- Oui, tu as raison. Mais se coucher le ventre vide n’est quand même pas une très bonne idée je pense.

- Quel autre choix peut-on avoir ?

- Aucun, c’est vrai. Trouvons un endroit pour dormir un peu. Tu veux prendre le premier tour de garde ?

Je me remémorais quelque chose et soudain, un tour de garde me semblait un calvaire que je souhaitais éviter.

- Non, je t’en prie. Pas de tour de garde s’il te plaît.

- Très bien, je le prends.

Je détournais les yeux et tentais d’oublier ce qui me faisait si peur.

- Que ce passe-t-il Johanna ? Tu as eu une réaction étrange quand j’ai parlé de ton tour de garde. Tu n’es pas obligé de faire le guet cette nuit si tu veux.

- Non, ce n’est pas ça. C’est juste que…

- Quoi ? Dis le moi, n’ai pas peur.

- C’était mon tour de garde lorsque la tempête est arrivée. Je m’étais assoupie et la tempête est arrivée.

- Ne me dis pas que tu te sens coupable ? Tu ne dois pas penser à ce genre de chose Johanna. Tu n’aurais pas pu empêcher cette tornade et tu le sais alors oublie ça et je prendrais mon tour de garde pour toute la nuit d’accord ?

- Merci Alex. Je ne sais pas ce que je ferais sans toi. »

Il me sourit et je me suis allongée près d’un arbre pour enfin dormir. Mais l’hymne m’en a empêché lorsque la nuit est tombée. Le sceau du capitole s’est élevé dans le ciel et le premier visage que j’ai vu était celui de la femme du district 3. Elle était sans doute morte dans la tornade elle aussi. Puis, je vis le visage de Peter s’illuminer dans le ciel. Des larmes coulaient sur mes joues et je détournais le regard tandis que le ciel s’assombrissait et laissait place à la lune. Je fermais mes yeux embués de larmes et tentais d’attendre le lendemain sans penser à Peter.