La Présidente

Chapitre 10 : La révolte

999 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 22/12/2016 11:26

Je n’arrive toujours pas à absorber le choc de la disparition de Bill. Je reste figé pendant de longues minutes après le départ du train, seul sur le quai. Finalement, une femme d’âge mûr que j’identifie bientôt comme Mme Logan me prend par la main. Je me laisse aller, mais je suis loin. Bien loin de cette gare marquée par tous les condamnés à mort qui y pénétraient sans plus jamais en ressortir. Bien loin de ce district pauvre, défavorisé, surpeuplé. Je suis dans un monde où Panem n’existe pas, remplacé par un vide immense. Un monde où je suis avec Bill. Où je suis Bill. Je peux ressentir sa peur, sa douleur. Je peux voir mon monde s’effondrer à travers ses yeux. Le chaos qui règne dans son crâne. C’est donc ça qu’on ressent quand un proche est moissonné… Tous ces enfants morts en vain...

Et brusquement, je me dis que tout cela peut changer. Tout cela doit changer. Seulement trois heures après le départ du train, je me redresse. Je suis déterminé. Si j’ai risqué ma vie pour sauver la sienne plusieurs fois, je la risquerai à nouveau sans hésiter. Quitte à m’élever contre le Capitole.

Mr. Logan est avec moi. Nous faisons le tour des immeubles du quartier, pour convaincre les plus courageux. Puis ceux-ci partent pour des quartiers voisins pour passer le message. Grâce à l’effet papillon, nous avons un réseau clandestin de quatre-cents habitants une heure plus tard. Trente minutes après, le chiffre a doublé.

A dix-neuf heures tapantes, les Pacificateurs nous réunissent devant les deux écrans géants installés devant l’hôtel de justice pour assister à l’ouverture des 100e Hunger Games. C’est à ce moment que nous avons prévu le soulèvement. Il fait nuit très tôt, dans le 8, et l’ombre portée des immeubles plonge dans le noir des pans de rue entiers. En plus, presque tous les Pacificateurs sont amassés dans le secteur des écrans. Le mouvement prévu à la va-vite est censé partir des bords du secteur pour rejoindre la Place Snow, et ensuite se réfugier dans les sous-sols des Pacificateurs pour se protéger autant que possible des renforts. C’est le plan. Tout doit démarrer dans quelques instants, quand un infiltré chez les soldats lâchera quatre notes dans un haut-parleur.

Les écrans s’illuminent et le sceau de Panem apparaît. Puis l’hymne retentit. Presque immédiatement après, le signal retentit. Un Pacificateur comprend plus vite que les autres et tire à bout portant sur le siffleur. Les coups de feu provoquent un mouvement de foule paniqué. Merde, ce n’était pas prévu.

Me trouvant un peu en amont de la majorité de la foule, je peux voir l’onde de panique se propager dans la masse de personnes. Tout le monde se bouscule, certains tombent à terre et se font écraser par les autres. De l’autre côté de la place, les écrans affichent la Corne d’Abondance, éclairée par un soleil de plomb, au milieu d’un plateau circulaire. Les bords de celui-ci sont nets, et portent à penser que le plateau est perché sur une montagne aux pentes quasi-verticales. Le cadre du champ de vision de la caméra est restreint, si bien qu’on ne voit pas ce qu’il y a en bas du plateau.

Sur la place, l’explosion de panique n’en finit pas. L’onde est toute proche, à présent. Je ne pense pas qu’elle puisse m’atteindre, je suis perchée trop haut. Et pourtant, les gens poussés par la masse se rapprochent. Ils arrivent droit sur moi. Je peux juste me protéger le visage des mains avant de me faire submerger par la foule.

Confusion. Chaos. Un goût de sang se répand dans ma bouche. Je me prends des coups sur tout le corps. Je ne peux simplement pas résister à la pression de la foule. Alors je me laisse emporter. Et je perds connaissance.

Quand je me réveille, je sens une masse chaude à côté de moi. J’ouvre péniblement les yeux. Enfin, mon oeil droit, celui de gauche voit rouge et je ne préfère pas aggraver son cas. Combien de temps suis-je resté évanoui? Et Bill? Bill! Bill! Je ne sais même pas si Bill est encore vivant! Je verse une larme. Enfin, j’essaye, mais rien ne sort. J’ai trop soif.

Où suis-je? Quelle est la chose à côté de moi? Je jette un coup d’oeil. Mauvaise idée. Un homme tremblant est couché par terre. C’est Mr. Logan.

  • Mr. Logan? Mr. Logan, vous m’entendez?
  • Grmblhhh…

Il me dévisage d’un regard vitreux. Je découvre qu’il a une énorme plaie sanguinolente sur la tempe. Je le regarde. Mais il ne réagit plus. Je vérifie son pouls: rien. Ses yeux vides fixent le ciel, à la recherche d’une liberté fuyante. Mr. Logan est mort.

Je tente de me situer, encore sous le choc. Je suis encore sur la Place Snow. Les lumières sont éteintes. Même les écrans? Non. Impossible. Les écrans restent allumés en permanence pendant les Jeux. C’est inscrit noir sur blanc dans la Constitution du Capitole. Sauf… Je réfléchis. Sauf si un soulèvement a eu lieu. Serait-ce…

Puis je me rends compte de l’état de la place. Le sol est couvert de gravats, des fumées d’incendies montent de partout dans le secteur, j’entends des explosions titanesques dans le lointain… Et des centaines, peut-être des milliers de cadavres jonchent la place. Hommes, femmes et enfants y gisent, confondus dans une masse multicolore de vêtements déchirés. Notre révolte a échouée. Le Huit est mort.

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