La Présidente

Chapitre 13 : Le général

861 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 02/07/2017 15:14

Le général Wensher tremblait de rage. A travers les carreaux de la grande fenêtre de son bureau richement décoré, une fumée noire montait des tréfonds de la ville, emportant avec elle les cendres déchiquetées de centaines de Gamemakers. L’information avait été diffusée en boucle sur CapitolTV, et les rues bondées de monde à l’approche de la fameuse saison des Hunger Games avaient été évacuées en masse par une foule de Pacificateurs. Le protocole P était élevé au niveau cinq.

Wensher se détourna de la fenêtre et s'adressa d’un ton brutal à l’officier de surveillance à l’entrée de la pièce.

  • Soldat! Allez réveiller la Présidente. Malgré les évènements actuels, elle se doit d’ouvrir les Jeux.
  • Général, vous voulez dire que… les Hunger Games sont maintenus? Du moins, tente-t-il de rattraper, ils ne sont pas repoussés?
  • On n’annule pas les Hunger Games! explosa Wensher. Et encore moins sous mon mandat!
  • Oui, bien, Général.

L’homme disparut dans l’embrasure de la grande porte aux contours soulignés d’or massif.

Wensher se retourna vers la fenêtre. Il soupira. Mentionner le concept qu’il soit en cours de “mandat” était une mauvaise idée. Il n’avait rien d’un homme gradé élu par le peuple. Il avait été choisi par l’ex-président Coriolanus Snow en personne pour figurer en haut de la hiérarchie des Jeux, juste après la Grande Victoire du Capitole sur les armées rebelles, vingt-cinq ans auparavant. Et il n’avait pas l’intention de se laisser dépasser par une tentative de déstabilisation de la part d’extrémistes ignorants et parasites. Les Jeux perdureraient, et Panem n’en serait que plus fort.

Il s’assit dans son siège ultra-perfectionné fabriqué pour s’adapter à la moulure du fessier de son occupant et lâcha un râle étrange.

Il s’était sans doute assoupi car bientôt, l’officier de surveillance revint, essoufflé par la course à travers le Palais, probablement. Cependant, une foule de soldats et de hauts conseillers discutant à voix basse talonnait celui-ci. En voyant son bureau se remplir de ces intrus, Wensher se leva et hurla:

  • Bordel, qu’est ce qui se passe?!
  • Général, répondit très vite un soldat chef de section, l’attentat n’a pas été perpétré par un terroriste. C’est le haut juge lui-même qui a déclenché les explosions du quartier général.
  • Jones? Ventulus Jones? Non, impossible, lança Wensher, déboussolé par la tournure des événements.
  • Général… reprit un officier.
  • Non! Non! Cherchez! Cherchez encore, ce ne peut pas être Ventulus Jones! Vous ne me ferez pas croire cela. Jamais...
  • Général ! le coupa l’officier

Tous les regards se tournèrent vers lui et le fixèrent. Pourquoi a-t-il coupé la parole au général Wensher? On n'interrompt pas un Général Suprême, encore moins un Général Suprême doublé d’un Directeur des Jeux de la Faim… Mais l’officier semblait avoir ses raisons. Il s’avança dans le cercle vide formé par les autres autour du bureau de Wensher, sous le regard fumant de celui-ci.

  • Général, les dernières informations viennent de nous parvenir du Quartier Général des Jeux.

Les gens s’arrêtèrent de chuchoter autour. D’autres accouraient dans l’embrasure de la porte. Tous retenaient leur souffle.

Le silence fut rompu par la voix, soudain tremblante, de l’officier qui balbutia:

  • Ventulus Jones ne s’est pas fait exploser.

Les traits de Wensher se détendirent un peu.

  • Non, reprit l’officier. Il a été fait explosé.
  • Gnnn… Vous… Il… Il est mort?
  • Oui, navré, Général. Un kamikaze infiltré a posé trois bombes dans les coins du rez-de-chaussée du bâtiment central avant de se faire sauter dans la salle des Gamemakers.

Ventulus… mort? Wensher se sentit soudain vulnérable, et se rassit, perturbé par la nouvellle.

  • C’était… un ami. Rendons-lui hommage.
  • Général... Britney Snow était là-bas.

Le silence ambiant se transforma en un brouillard pesant. Quelqu’un s’évanouit dans la foule. Le coeur de Wensher rata un battement.

  • Que voulez-vous dire ? répondit prudemment Wensher, encore sous le choc.
  • Monsieur, la Présidente de Panem était en visite dans la salle de contrôle principale. Elle a… péri dans l’explosion du kamikaze.
  • Je… je suis…

Trop d’informations pour lui. Il ne comprenait plus rien. Il allait faire un malaise. Mais il se contint. Pour son travail. Pour sa réputation. Car il savait parfaitement ce qui allait se passer, pour l’avoir lu des milliers de fois dans les livres de la Constitution de Panem. Pas d’héritier génétique. Pas de cousins de cousines, de frères ou de soeurs.

  • Monsieur, reprit le soldat chef de section. Les textes de la Constitution sont formels. Vous êtes, à présent... le nouveau Président de Panem.


Laisser un commentaire ?