La Présidente

Chapitre 14 : Le survivant

662 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 11/01/2017 20:31

Je marche. Ou plutôt, je boîte. Sur la place, il fait chaud, et il règne une puanteur de corps en décomposition. Un brouillard moite s’est levé sur la place, mais je peux toujours distinguer les corps sur lesquels je trébuche sans arrêt. Hommes, femmes et enfants. Des milliers d’innocents qui n’ont pas vu venir la vague de terreur dévastatrice.

J’ai retrouvé Frank, mon copain d’enfance, parmi les cadavres. Nous nous étions séparés quand, âgé d’un an de plus que lui, j’avais dû partir travailler à l’usine à mes dix-huit ans. Nous nous étions peu à peu oubliés. Et maintenant, je me rends compte de l’affection que je lui ai toujours porté. Et j’en ai mal au coeur.

Je me rends brutalement compte que c’est moi qui ai déclenché cette hécatombe. C’est moi qui ai incité un innocent à siffler les quatre notes qui ont coûté la vie à tant de personnes.

Que dois-je faire? Je suis resté inconscient dix bonnes heures. Bill est sûrement mort à l’heure qu’il est. Son nom a dû en rejoindre des milliers d’autres sur une très longue liste stockée dans les archives du pays…

Je m’interdis de penser à cela. Non. Il avait une chance. Infime, mais pas inexistante. Je dois y croire; Bill est mon unique raison de ne pas mettre fin à mes jours, ici et maintenant.

Je n’avance pas très vite. A peine cinquante mètres parcourus depuis que je suis parvenu à me lever. Mon état est déplorable. J’ai une énorme plaie sur le flanc droit. Je ne vais pas rentrer dans les détails mais la chair semble y a été “écrasée” par un pied humain. Et de ce que j’en sais, j’ai de la chance; si la personne m’avait piétiné les côtes, je ne serai plus de ce monde à présent. A part ça, je suis ruisselant de sueur, je tousse de la poussière venue de je ne sais où. Je suis mort de fatigue.

Mais je vais leur faire payer, à ces connards.

Un bruit quasiment inaudible résonne dans le brouillard impénétrable. Je m’immobilise, prêt à en découdre avec le peu d’énergie qu’il me reste. Mais le silence reprend ses droits. Je me détends, mais la douleur revient sous mes côtes et je me cabre en gémissant.

Après la douleur, c’est le bruit qui revient, plus fort mais tout aussi “glissant” à l’oreille. J’ai déjà entendu ce bruit. A la télévision, pendant les Hunger Games.

C’est le bruit d’un de ces fichus hovercrafts du Capitole. Je le vois, maintenant, avec son immense silhouette qui se dresse à travers le brouillard, juste au dessus de moi dans un nuage de poussière, comme un rapace s’apprêtant à fondre sur sa proie. A noter que ce rapace est sans doute équipé de lance-missiles autoguidés à la pointe de la technologie.

Ils sont venus m’achever, les salauds.

Un sas s’ouvre dans la coque de l’appareil, laissant sortir la lumière éblouissante de l’intérieur. La scène est totalement irréelle; le hovercraft n’émet aucun son. Je me retrouve piégé, sans défense, dans le rayon de lumière braqué sur moi, attendant la fin.

Ma dernière pensée est de couvrir le district Trois d’insultes barbares.

Mais, au lieu des missiles auxquels je m’attendais, un message diffusé dans un haut-parleur invisible me tire de ma transe pre-mortem. Une voix grave, d’homme, demande:

  • Josh Kallers ?

Je prends ma voix la plus insolente possible.

  • Oui, Messire. Que puis-je…
  • Nous sommes là pour vous aider, me coupe l’homme.
  • Mais… dis-je, décontenancé. Vous êtes qui?
  • Nous? Nous sommes les derniers de notre discrict.


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