Le Prince & L'Idiot

Chapitre 2 : De l'hiver au printemps

8191 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/11/2016 22:42

 

 

DE L'HIVER AU PRINTEMPS

 

 

Une année passe.

Les gens sont tellement habitués à voir l'héritier de Camelot suivi par la silhouette dégingandée de son serviteur et à les entendre se disputer pour rire qu'ils en racontent des contes à la veillée.

Le prince et l'idiot.

Gaius et Sir Léon sont sûrement les seuls à s'en être aperçu, mais le peuple s'est pris d'affection pour le fils du roi. Celui qu'on évitait soigneusement – l'arrogant coquelet au cerveau de mélasse – est devenu le petit dernier de la famille. On secoue beaucoup la tête à son sujet – oh, il a encore tant à apprendre ! – mais on lui jette des coups d'œil indulgents, on lui offre une pomme ou un sourire, et on espère.

S'il continue comme ça, Arthur sera différent de son père qui écrase le peuple sous les impôts et les suspicions. Uther Pendragon envoie au bûcher des innocents sous prétexte de magie ou de foi, il ne montre aucune compassion envers les plaidoyers des villages aux alentours, que ce soit pour les aider en cas de famine ou lorsqu'ils sont soumis à des raids de brigands.

Arthur s'est fait un ami, un roturier du nom de Lancelot, qui a toutes les qualités pour être chevalier et que son père a catégoriquement refusé d'adouber, faute de titre de noblesse.

C'est Merlin qui a rencontré Lancelot en premier, pendant qu'il ramassait des herbes pour Gaius. Le jeune homme l'a sauvé d'un loup et a été blessé. Merlin, qui ramène au vieil homme des chatons abandonnés comme des mendiants, a supplié son maître de rencontrer Lancelot : "un vrai chevalier, Arthur ! Vous allez l'aimer."

Arthur a été forcé d'admettre que Merlin avait eu raison, encore une fois. Lancelot et lui se sont entendus tout de suite – après un duel qui a laissé le prince ruisselant de sueur et plus heureux qu'il ne l'avait été depuis des jours. Enfin un adversaire à sa taille – et un qui ne craint pas non plus de lui parler en face, même s'il le fait avec plus de subtilité et de tact qu'un certain serviteur.

Le jeune homme aux yeux noirs qui rit doucement et ne semble jamais pressé a aussi conquis le cœur de Guenièvre. Il n'est pas resté longtemps à Camelot, mais il revient de temps à autre et emmène Merlin à la pêche.

Un soir d'été où la chaleur écrasait la ville, il a demandé au médecin de lui expliquer la condition de son pupille. Arthur a écouté sans rien dire, appuyé contre le chambranle de la porte, ses manches retroussées sur ses bras croisés, pendant que Guenièvre et Merlin jouaient à s'arroser dans la cour, criant et gloussant de rire comme deux gamins.

Gaius a expliqué que Merlin était né comme ça. Simple. Et que ça n'allait jamais changer, même s'il s'ouvrait au monde et apprenait de plus en plus à se débrouiller par lui-même.

Lancelot n'a rien dit pendant un moment, puis il a raconté qu'autrefois il avait un petit frère et qu'une terrible fièvre avait rendu l'enfant idiot à l'âge de huit ans. Que les villageois ne l'avaient jamais accepté et qu'il était en bute aux railleries constamment. Et qu'un jet de pierre l'avait un jour atteint en pleine tempe et qu'il était mort.

Arthur s'est glissé dans le couloir pendant le récit, pour ne pas avoir à maintenir son masque impassible, et il est content de l'avoir fait quand Gaius conclut en disant que Merlin a eu beaucoup de chance que sa mère puisse le protéger et l'éduquer.

- Merlin sait lire ?

- Et il aime ça, acquiesce le vieux médecin avec un large sourire, inclinant le menton en direction des étagères où s'empilent d'épais volumes reliés de cuir.

- Est-ce qu'il peut aussi écrire ? s'émerveille Lancelot.

- Il le pourrait, s'il ne mélangeait pas toutes les lettres de ses mots…

Arthur essaie, le lendemain. Il dicte un billet pour sa sœur à Merlin et tente de lire le résultat, sans succès. Sir Léon le surprend en train de déchiffrer et se contente d'hocher gravement la tête quand le prince, gêné, avoue ce qu'il faisait.

- C'est déjà bien qu'il sache lire, c'est assez rare pour un serviteur, dit le chevalier. "Guenièvre sait lire et écrire. Ma mère lui a donné des leçons."

Cette information-là se range toute seule dans un coin du cerveau du jeune Pendragon, qui l'oublie quand la belle Sophia, une mystérieuse inconnue rencontrée à la lisière de la forêt, lui fait les yeux doux.

C'est encore Merlin qui sauve la situation. Il n'aime pas la damoiselle, l'a classée dans sa catégorie "hum-hum" dès qu'elle a eu fait trois pas en ville. Lancelot est le seul qui l'a cru, évidemment. Il a pris le prince en filature et lorsque la belle a tenté de noyer son amoureux drogué par une potion au goût de rose, le roturier au cœur pur est intervenu à grands moulinets d'épée. Merlin a bu la tasse, mais c'est lui qui a sorti son maître de l'eau. Sur les berges du lac, Arthur est vexé au plus haut point, mais il est sain et sauf.

- Ce n'était même pas une princesse, grommelle Merlin.

Uther ne saura pas que son fils avait presque perdu la tête – et la vie.

Le roi a d'autres chats à fouetter avec un nouveau tournoi en vue, dont l'un des participants est un chevalier aux armoiries noires qu'il croyait mort. L'homme qui cache son visage sous son sombre haubert gagne ses combats les uns après les autres, terrassant ses adversaires avec une cruauté implacable. Le père d'Arthur est plutôt content que son fils se soit porté volontaire pour aller patrouiller aux frontières de Camelot, car il redouterait de le voir affronter son ancien rival.

Ce qu'il ne sait pas, c'est que le prince est toujours à Camelot, sous une autre bannière, participant au tournoi incognito. Arthur s'est mis en tête qu'on l'épargne pendant les entraînements et il est las de ne pouvoir être lui-même avec d'autres. Lancelot désapprouverait, s'il était ici, mais c'est un de ces moments où il vadrouille dans le pays à la recherche d'une quête. Merlin, très soucieux, est déchiré entre sa loyauté envers son maître et le chatouillis dans ses narines comme un éternuement proche d'éclore, qui est un signe qu'il devrait en parler avec Gaius. Il trottine de la tente à la forge, tente d'expliquer à Guenièvre que quelque chose cloche, mais elle ne l'écoute pas. Le fait qu'Arthur a choisi de se cacher chez elle semble lui avoir fait perdre la raison, elle chantonne et se met des fleurs dans les cheveux comme une dryade folle. Merlin l'observe, ébahi, tandis qu'elle encourage le prince à prouver sa valeur tout en le grondant pour ses mauvaises manières à table.

Arthur, qui n'a jamais été traité de cette façon et qui, décidément, voit Guenièvre sous un nouveau jour, se prélasse dans son rêve rouge et or… qui éclate brusquement le cinquième jour, lorsqu'il se retrouve face à face en finale avec le Chevalier Noir.

Son haubert cabossé roule dans le sable de l'arène et il secoue la tête pour se débarrasser de ses cheveux blonds trempés de sueur sous la cotte de mailles. Uther se raidit sur son trône, mais il ne peut pas intervenir.

L'adversaire du prince se montre loyal et ôte également son casque. Une bourrasque d'exclamations stupéfaites balaye les gradins : c'est une femme.

Ses cheveux d'or capturent les rayons du soleil et ses yeux en amandes sont froids comme de la glace. Elle est belle, mais Merlin souffle comme un chat en la voyant. Le chevalier était "hum-hum", mais cette créature est une toute nouvelle catégorie à elle-seule : "pas bon, pas bon du tout."

Arthur esquisse un sourire grimaçant en se redressant, son épée lourde au bout de son bras fatigué. Il roule ses épaules sous ses protections d'acier et se prépare à continuer le combat.

Ce n'est qu'une femme, il n'y a pas de raison qu'il perde.

Ce n'est qu'une femme, mais elle a vaincu tous ceux qu'elle a affrontés jusque là…

De l'autre côté de la barrière qui entoure l'arène, Guenièvre grignote l'ongle de son pouce et Merlin serre ses bras autour de son ventre. Gaius s'est rapproché d'eux avec son froncement de sourcil de l'enfer, mais maintenant l'inquiétude se lit aussi sur son visage, tandis qu'il compare les traits de la femme avec ceux du souverain.

Plus de doute. Il sait qui elle est.

Il sait aussi que si Arthur apprend la vérité, il ne sera plus jamais le même.

Uther surveille anxieusement les mouvements des deux adversaires et se désespère de ne pouvoir entendre ce qu'ils se disent entre deux halètements.

- Si tu gagnes ce combat, jeune Pendragon, je te dirais la vérité sur la mort de ta mère…

- Ne croyez pas que vous pouvez salir sa mémoire !

- Oh, mais ce n'est pas moi qui l'aie salie…

La voix de la femme se glisse dans le cœur d'Arthur comme un poison, elle se dérobe avec la souplesse d'un serpent et la fatigue le chausse de plomb. Il trébuche, il tombe. La pointe de l'épée noire se pose sur sa gorge, fine et tranchante comme un tesson de vitrail.

- Viens… ce soir, à la nuit tombée…

Arthur se contente de cligner des yeux sous le soleil éblouissant. La transpiration dégouline le long de ses cils et sur son menton, comme des larmes.

Elle retire son épée, lui tend la main pour le relever et reçoit les acclamations de la foule sous le regard meurtrier d'Uther qui ne peut qu'applaudir, les dents tellement serrées qu'elles grincent et font sursauter Lady Morgane, à côté de lui.

La jeune fille fronce un sourcil. Elle a tôt fait de comprendre qu'il y a un secret, que son père donnerait tout pour qu'il reste caché. Elle est vive, imprudente, têtue et audacieuse. Toute sa vie, elle a rêvé d'une aventure à elle, d'un monde où elle serait libre – pas seulement cette poupée que l'on exhibe sous le dais des fêtes.

Elle se faufile entre les tentes, surprend la silhouette en armure noire miroitante qui salue Arthur avant de se mettre en selle et de s'éloigner avec un sourire sarcastique en direction du roi qui fulmine en silence.

Arthur est confiné dans ses appartements – il a désobéi délibérément en n'allant pas à la frontière – où il tourne comme un lion en cage. Dans sa détresse et sa colère, il répète à sa sœur les mots énigmatiques de la femme. Morgane a un plan pour le faire échapper, mais ce plan réclame un complice qui devra apporter à Arthur une corde pour qu'il s'échappe par la fenêtre. Ce sera Merlin. Ce bon Merlin, qui la contemple toujours avec ses yeux ronds et bleus, pleins d'admiration, qui lui a apporté des fleurs quand elle était malade, qui ne la sermonne pas quand elle imagine à haute voix tout ce qu'elle pourrait faire si on la laissait porter une épée et vagabonder de par le monde.

Morgane adore sa servante, mais Guenièvre est trop raisonnable. Merlin a peur d'Uther, mais il obéira, si on lui assure que c'est pour le bien d'Arthur.

A la nuit tombante, dissimulés sous leurs capuchons, le frère et la sœur se glissent hors du château et rejoignent le point de rendez-vous donné par la femme-chevalier. Ils laissent les chevaux à la garde du serviteur et se faufilent entre les arbres jusqu'au hallier.

La dame aux cheveux d'or est là, dans la pâle clarté de la lune, et ses yeux brillent comme de mortelles opales dans l'obscurité. Elle ne parle pas très longtemps, mais sa voix onctueuse transperce leurs âmes et scelle leurs destinées.

Elle s'appelle Morgause et elle est la fille de leur père, née après que celui-ci ait trahi la reine Ygraine, par un soir sans étoiles où le parfum intoxiquant des fleurs de vigne alourdissait la brise brûlante de la fin de l'été. Lorsque l'époux de la dame Vivienne a découvert qu'elle portait un enfant qui n'était pas le sien, il s'est vêtu de son armure couleur d'encre, a chevauché jusqu'à Camelot et exigé réparation. Le roi l'a vaincu en duel selon les règles, mais le mal était fait. A l'aube, le jour suivant, les serviteurs ont découvert la reine au pied de la plus haute tour, le visage aussi blanc que sa robe de soie, au milieu des roses éclaboussées de larmes cramoisies.

Ygraine n'est pas morte en mettant Morgane au monde et Arthur aurait eu une mère si Uther n'avait pas cédé à cette folie.

Merlin ne comprend pas pourquoi ils ont l'air si près de pleurer et que pourtant leurs yeux sont secs. Il essaie de parler, mais on l'ignore, alors il se contente de chevaucher à côté d'eux en les regardant comme s'il pouvait leur transmettre un peu de chaleur. Ses grands yeux bleus ont lancé un dernier coup d'œil à la femme au cœur de glace et il a décidé : il ne la laissera plus jamais s'approcher d'Arthur. Il suit son maître jusqu'à Camelot et assiste, terrifié, à la confrontation entre le père et le fils. Il ne sait pas que le silence de Morgane est bien plus dangereux que l'explosion de rage qui anime le prince.

Lorsque le roi parvint à faire entendre raison à Arthur, après des heures où leurs épées se sont heurtées avec des étincelles d'argent dans la grande salle du conseil, quand le prince s'écroule, à bout de forces et qu'il pleure, enfin, comme un enfant, de déception et de chagrin, Merlin croit que c'est fini.

Il ne sait pas que dans la chambre de Morgane, la princesse contemple un poignard qu'elle serre dans son poing jusqu'à ce qu'un mince filet de sang coule le long de son poignet. Son visage de poupée est figé dans une expression de haine profonde et sa peau de porcelaine scintille sous la lune, comme celle de Morgause.

Tout est si différent, après cette nuit-là.

Morgane sourit et cueille des fleurs qu'elle tresse en couronnes, minaude et s'accroche au bras de son père comme si de rien n'était. Arthur erre dans le château comme un fantôme, jappant ses ordres d'un ton acerbe. Il n'est pas venu aux appartements de Gaius depuis des lustres et ignore les invitations à descendre à la taverne que lui fait transmettre Lancelot quand il revient de son voyage.

Merlin s'efforce de remonter le moral au prince, mais on dirait qu'il fait tout de travers. Il se trompe de flacon et au lieu de mettre des sels dans le bain, il manque l'empoisonner – Gaius, heureusement, s'en aperçoit juste à temps. En réglant une des arbalètes qui ornent les murs de la chambre seigneuriale, il fait malencontreusement partir un carreau qui égratigne l'oreille de son maître. La sangle de la selle d'Arthur cède pendant que celui-ci parade dans la cour et l'humiliation est totale. Epuisé par le stress que lui font subir ses mésaventures, Merlin s'endort dans les écuries qu'il doit nettoyer pour sa punition et quand il se réveille, tous les chevaux se sont échappés.

Cette fois ç'en est trop. Arthur, furieux, décide qu'il n'a plus besoin de Merlin et engage l'affreux Cédric, le valet barbichu qui persécute Merlin quand celui-ci a le malheur de s'éloigner des étages royaux et qui est justement, là, à faire le lèche-bottes comme d'habitude.

Les yeux débordants de larmes, des brins de paille piqués dans les cheveux et du crottin écrasé sur tout le côté de la figure, Merlin s'enfuit sans jeter un regard en arrière. Gaius le trouve dans sa chambre, assis au bord de son lit, les mains crispées sur sa veste.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? demande doucement le vieil homme en essuyant les excréments qui maculent le visage du garçon.

- Je ne suis pas un idiot, souffle Merlin amèrement.

Le médecin de la cour sent son cœur se serrer. Il termine de laver la joue sale.

- Non, tu ne l'es pas, Merlin, dit-il fermement.

Plus tard il plaisantera sur l'odeur du crottin ou le désordre des vêtements du serviteur qui pourraient laisser croire que oui, effectivement, c'est un idiot. Mais pour l'instant il se contente de soupirer et de tapoter l'épaule du garçon pour le réconforter. Il attrape le menton anguleux et le lève vers lui.

- Un jour Arthur te verra à ta juste valeur, affirme-t-il en posant son regard paternel sur son protégé.

- Quand ? s'écrie Merlin, la gorge nouée.

Gaius secoue le menton. Il a l'air si grave dans sa longue robe rouge et bleue.

- Je ne sais pas. Mais j'ai la certitude que lui et toi vous êtes appelés à un grand destin et que tu vas le servir et le protéger pendant de longues années…

La mâchoire de Merlin tremble encore et il presse ses lèvres l'une contre l'autre pour ne pas pleurer.

Il a tellement grandi depuis qu'il est arrivé. Gaius, ému, se penche et lui embrasse le front malgré les traces boueuses qui souillent la peau claire de celui qu'il considère comme un fils.

- Dors, Merlin. Ça ira mieux demain.

Mais ce n'est pas tout à fait vrai. Demain se transforme en après-demain et la semaine suivante aussi. Il faut attendre encore plusieurs jours jusqu'à ce que Cédric dévoile sa véritable nature. Arthur le surprend en train de découper des têtes de serpent et de forcer des enfants à les avaler. Le prince retient son envie de vomir et prévient le serviteur qu'il réprouve ce genre de pratiques barbares et sera forcé de le renvoyer s'il continue. Plus tard, pendant la chasse, quand un sanglier fonce sur l'héritier de Camelot pris au dépourvu, le pied coincé dans un trou de lapin, sa lance déjà plantée dans l'échine de la bête que ça n'a pas ralenti, Cédric prend ses jambes à son cou et disparait. Les quelques secondes où il croit qu'il va mourir éventré font défiler devant les yeux d'Arthur le souvenir d'autres battues où Merlin, ses grandes oreilles rouges de peur et les yeux écarquillés, n'a pas reculé d'un centimètre devant une bête sauvage qui chargeait, restant aux côtés de son maître.

Quand il rentre au château – sain et sauf, parce que les autres membres de la troupe n'étaient pas complètement des manches – Arthur a pris sa décision. Il remplit un sac avec les pièces de son armure et se rend chez Gaius.

Il y a quelque chose de son ancien sourire gouailleur sur son visage quand il annonce à Merlin que celui-ci aura à la nettoyer pour le lendemain.

- Alors ça veut dire que vous admettez que j'avais raison ? s'écrie le garçon avec cet impossible air de joie qui allume des étoiles dans ses yeux.

Pourquoi faut-il toujours que Merlin lui pardonne ?

Arthur toussote et s'en va sur une plaisanterie.

Il n'admettra pas que Merlin avait raison, mais il sait au fond de lui-même qu'il avait tort.

L'année s'achève et l'hiver qui a été rude et long tire à sa fin. Ce sera bientôt de nouveau le printemps. La neige fond en gouttelettes glacées le long des chêneaux. Les rues de Camelot, boueuses, sont creusées d'ornières profondes dans lesquelles cahote la charrette surmontée d'une cage de bois.

Derrière les barreaux, une fille en haillons frissonne sur un lit de paille moisie.

Les gens sortent de la taverne et elle les suit des yeux sans rien dire. Ses longs cheveux bruns s'emmêlent sur ses épaules et ses chaînes ont meurtri ses poignets. Elle ne semble pas tout à fait là.

- Qui est-ce ? demande Merlin en s'arrêtant et en penchant la tête de côté pour tenter d'accrocher le regard de la prisonnière.

Pendant un instant, deux iris couleur de châtaigne croisent les saphirs intrigués.

Lancelot et Gaius se retournent et échangent un regard attristé.

- Viens, appelle le vieil homme en tendant la main.

Lancelot revient en arrière et entraîne le garçon doucement mais fermement.

- C'est une sorcière, explique le jeune homme à voix basse. "Ou du moins elle a été condamnée comme telle. Le roi la fera exécuter demain."

Merlin s'arrête de nouveau et ses yeux hantés jettent de nouveau un regard vers la cage.

- Comme Cédric ? articule-t-il d'une voix blanche.

Gaius se mordille les lèvres.

Il a été prouvé que l'ancien serviteur d'Arthur était bel et bien un sorcier, il y a quelques mois, et le barbichu sournois est mort brûlé sur le bûcher. Merlin a été traumatisé – Arthur aussi, mais pas pour les mêmes raisons.

- Mais… ce n'est pas une sorcière ! C'est juste… une fille, proteste le garçon en se dégageant de la main que Lancelot a posée sur son épaule.

- Viens, insiste le vieux médecin. "Tu ne peux rien faire pour elle."

Ils rentrent, mais Merlin ne se couche pas. Il fait les cent pas dans l'alcôve, jusqu'à ce que Lancelot, étendu sur sa paillasse à même le sol, croise les bras derrière sa nuque et pousse un long soupir.

- Tu veux qu'on aille la libérer ? Je voudrais dormir et si c'est tout ce que ça prend pour te calmer…

Il plaisantait à moitié, mais le sourire du garçon fendille immédiatement ses derniers doutes. Lorsque minuit sonne, Lancelot se retrouve dans la rue pavée, en train de cisailler la chaîne du cadenas en jurant entre ses dents serrées. Merlin a passé la main entre les barreaux et touché la cheville de la prisonnière recroquevillée dans sa robe déchirée. Ils se contemplent l'un l'autre, étonnés, comme deux âmes sœurs qui s'étaient perdues et se reconnaissent après un long voyage.

Quand les gardes surgissent au coin de la rue, Lancelot n'a que le temps de plonger entre deux barils cerclés de fer. Merlin et la fille disparaissent au coin de la rue, légers comme deux elfes. Ils se tiennent par la main.

Lancelot soupire encore, puis il cache ses outils dans sa tunique et rentre chez Gaius en se grattant la nuque. Il se sent étrangement heureux, mais il n'est pas tout à fait certain d'avoir fait le bon choix.

Le lendemain, toute la ville est sans-dessous-dessus à la recherche de la sorcière et le vieux médecin roule des yeux terriblement suspicieux en voyant bailler le jeune homme. Merlin s'est déjà sauvé chez Arthur, mais il a eu le temps de dire à Lancelot que la fille s'appelle Freya.

Et qu'elle est belle comme une princesse.

Plus tard dans la journée, quand Arthur croise son ami, il lui demande distraitement s'il sait ce qui arrive à Merlin. Il ne l'a jamais vu si distrait : il a failli l'ébouillanter avec son bain et sa tête pendant le petit déjeuner du prince était celle qu'il fait quand il ment.

Or, tout le monde le sait, Merlin est incapable de raconter des mensonges correctement.

Lancelot esquive aisément la question, se renseigne l'air de rien sur la progression de la chasse à la sorcière. Arthur lève les yeux au ciel et ses épaules s'affaissent.

- Une autre des lubies de mon père, soupire-t-il. "Cette pauvre fille n'a probablement pas la moindre magie malicieuse en elle. Il parait qu'elle a été découverte en sang dans une grange avec un homme mort."

Il détourne les yeux et Lancelot comprend ce qu'il ne dit pas.

- Je suppose qu'elle est plus à plaindre que la victime…

Merlin pleure, ce soir-là, roulé en boule sous sa couverture pour étouffer ses sanglots, et à la lueur de la bougie, son ami le regarde depuis la paillasse, le cœur serré.

Freya a sûrement du lui raconter son histoire.

Le jour suivant, c'est un Arthur frustré qui manque se cogner dans Lancelot en descendant la rue principale de Camelot.

- As-tu vu Merlin ?

- Non, répond sincèrement Lancelot, avant d'apercevoir quelque chose qui lui fait froid dans le dos.

Un peu plus loin, au coin d'un étal, des gardes ont saisi un grand garçon maigre vêtu d'une tunique rouge et d'une veste brune. Le prince se retourne, intrigué, et ses yeux s'écarquillent immédiatement. Il se rue dans la direction de l'altercation et arrive juste à temps pour empêcher le sergent d'enfoncer son poing dans le visage terrifié de Merlin.

- Celui-là sait quelque chose ! beugle le garde quand sa proie lui est arrachée.

- Il vous vole, Votre Majesté ! ajoute l'autre soldat en montrant les saucisses qui ont mystérieusement disparu pendant le petit déjeuner d'Arthur et qui sont maintenant là, dans toute leur splendeur, répandues sur les pavés sales.

Le prince se racle la gorge. Ses yeux flamboient avec autorité.

- C'est mon serviteur, je réponds de lui. Laissez-le aller. Laissez-le, j'ai dit.

Les deux hommes s'éloignent en grommelant et Arthur se tourne vers Merlin qui se redresse, le cœur battant sous ses côtes, après avoir précieusement ramassé les saucisses.

- Merlin ?

- C'est pour que vous ne deveniez pas gros ! balbutie le serviteur en souriant maladroitement, sans se rendre compte que son œil gauche clignote et que ses hautes pommettes se sont enflammées.

Oh, qu'il est facile à percer à jour…

Arthur fait un geste du menton, résigné et amusé malgré lui.

- File.

Puis, quand les jambes interminables du garçon l'ont emmené assez loin entre les passants et les badauds, il se tourne vers Lancelot.

- Est-ce que tu as quelque chose à me dire ? Pourquoi il est comme ça ?

Lancelot prend son air le plus innocent.

- Je sais rien, assure-t-il.

Il rit à l'air désappointé du prince et s'en va avant de devoir trahir l'un ou l'autre de ses deux amis. Quand il rentre chez Gaius, ce soir-là, il rencontre Guenièvre et c'est à son tour d'avoir le cœur qui bat la chamade. Elle accepte qu'il la raccompagne et porte son panier de raccommodages à faire. Il l'écoute babiller, émerveillé, répond par monosyllabes parce que, comme chaque fois qu'elle est près de lui, il perd tous ses moyens.

- Est-ce que tu sais ce qui arrive à Merlin, ces jours-ci ? demande Guenièvre au milieu de sa conversation à sens unique. "Je l'ai vu sortir de la chambre de Dame Morgane avec une robe, tout à l'heure. Il m'a dit qu'il y avait des mites dans le château."

Au loin, le clocher sonne et Lancelot réalise soudain ce qui se passe.

Merlin va s'enfuir en emmenant la fille.

A combien s'élèvent les chances qu'il soit pris sur le fait et qu'on le condamne à mort avec la sorcière qu'il voulait sauver ?

Il quitte hâtivement Guenièvre qui ne comprend pas son visage soudain si sombre, et court tout le long du chemin. A bout de souffle, il fait irruption dans les appartements de Gaius et tombe sur le vieil homme accablé, assis à table, la tête dans les mains.

- Où est Merlin ?

- Il est parti, murmure le médecin, très pâle. "C'est cette fille, n'est-ce pas ?"

Lancelot hoche la tête, la gorge obstruée par la panique. Il cherche son épée, attrape sa cape et part fouiller les rues de la ville, désespéré. Il fait nuit, déjà. Il entend les appels, aperçoit la lueur des torches sur les murs, se cache dans les angles pour éviter d'être vu, arpente les venelles et siffle la mélodie favorite de Merlin dès qu'il passe à proximité d'un tas de tonneaux ou d'un chariot de bois.

Mais il ne les trouve pas et la fatigue s'ajoute à sa peur avec chaque heure qui passe. Quand l'aube rose tend ses rayons clairs entre les toits de chaume et sur le bord blanc des créneaux du chemin de ronde, auréolant les tours d'or et d'espoir, Lancelot commence à respirer un peu mieux. Il s'adosse à un pilier sous un auvent, pour se reposer un peu.

Merlin a dû réussir à sortir de la ville, d'une façon ou d'une autre. S'il avait été arrêté, il y aurait eu des cris et des bousculades, quelque part.

Il fait froid et l'air est pur, un peu acidulé.

C'est l'odeur du printemps nouveau-né.

- Ils sont là !

Son cœur fait un looping dans sa poitrine et se raccroche douloureusement. Il enjambe un étal vide, escalade un mur de pierres écroulé, saute dans une impasse, grimpe au bord d'une chaumière, saute dans une porcherie, bouscule deux femmes qui sortent de la boulangerie avec des pains chauds qui embaument et court jusqu'à en avoir un point de côté, la gorge raclée par le goût du sang et les oreilles sifflantes.

Les soldats sont devant le château, à l'endroit où les pelouses entretenues laissent place à un grand champ d'herbes folles. Là-bas, presque à l'orée de la forêt qui sera leur refuge, deux silhouettes se hâtent en se tenant par la main.

Arthur est debout au milieu de ses hommes et ses lèvres se pincent. Il lève son arbalète, la cale contre son épaule et ferme un œil. Il a la femme dans son angle de tir. Il pourrait la blesser à la jambe pour l'empêcher de s'enfuir… et elle sera ramenée au château pour être brûlée dans la cour sur le bûcher, comme son père l'a ordonné.

Quelque chose se noue au fond de lui.

La pauvre fille n'a pas mérité une fin aussi cruelle, quel que soit son crime – si tant est qu'elle est vraiment coupable, dans cette affaire.

Alors il prend sa décision et appuie sur la gâchette.

Il vaut mieux la tuer proprement, d'un carreau entre les deux épaules. Elle ne souffrira pas longtemps.

Le cri d'agonie lui parvient, atténué, au moment où quelqu'un lui attrape le bras avec violence.

- Arthur, non !

Il se tourne, surpris.

- Lancelot ?

Les yeux du jeune homme sont remplis d'horreur et il secoue la tête.

- Arthur, c'est Merlin… lâche-t-il dans un souffle.

Le prince lève le bras pour arrêter ses hommes, presque comme un réflexe. Les poils se hérissent sur sa nuque quand il se tourne de nouveau vers le fond du champ.

La femme est tombée, mais pendant un instant, il aperçoit la tunique rouge et la veste brune qui habillent mal la silhouette dégingandée qui se penche…

Mon Dieu… Merlin…

Il trouve la force de renvoyer les gardes d'un ordre bref, un peu haletant. Ils ne discutent pas. La plupart d'entre eux lui jettent un regard un peu étonné, les autres ont l'air plutôt soulagé qu'il mette fin à la curée.

Personne n'aime la chasse aux sorcières et les soldats savent bien qu'ils servent la folie d'Uther plus que la protection du royaume.

Lancelot n'attend pas qu'ils soient tous partis et se hâte en direction du couple. Arthur le suit plus lentement, l'arbalète frémissante au bout de son bras.

Il redoute ce qui l'attend à l'orée de la forêt.

Le visage ravagé par le chagrin, Merlin est agenouillé et serre dans ses bras une fille à peine plus âgée que lui, aux longs cheveux bruns emmêlés, qui le contemple avec douceur, comme si elle sentait à peine la blessure dans son dos. Du sang macule ce qui était une des robes de Morgane et que l'inconnue porte comme si elle n'avait jamais été vêtue autrement que de façon royale.

- Il y a bien quelque chose que je peux faire pour te sauver ! balbutie Merlin à travers ses larmes.

Elle sourit. Elle n'a pas la force de lever la main pour lui caresser la joue, mais il y a tant de chaleur dans sa voix que Lancelot et Arthur ressentent sa tendresse comme si elle les enveloppait eux aussi.

- Tu m'as déjà sauvée... Tu m'as montrée que j'étais aimée… répond-t-elle.

Les épaules de Merlin tremblent, secouées de sanglots.

- J'veux pas que tu partes ! supplie-t-il dans un hoquet.

- Un jour, Merlin, nous nous reverrons… Je te le promets…

Ses cils se reposent sur sa joue, cachant ses iris couleur châtaigne aussi innocents que ceux de Merlin et il lâche un cri étouffé.

- Non… non…

Il la berce contre lui, presse son visage contre son épaule, caresse les longues boucles embrouillées et pleure, pleure comme s'il n'allait jamais s'arrêter, comme si c'était la fin du monde, silencieux et discret comme un oiseau blessé.

Dans le silence de l'aube, les feuilles des arbres s'agitent doucement et des gouttes de pluie tombent sur le visage d'Arthur. Le soleil ourle d'or et de mauve le grand champ blafard et habille de lumière les herbes folles.

Tout est si beau, si parfait. Si terriblement triste.

Lancelot bouge très lentement, comme pour ne pas rompre l'équilibre délicat de cette grande tristesse. Il s'accroupit et pose sa main sur l'épaule de Merlin.

- Viens. Il faut lui dire adieu avant que les soldats ne réclament son corps…

Arthur blanchit à cette phrase et se retourne presque convulsivement vers la ville derrière eux.

Oui. Son père réclamera la dépouille de la sorcière et il faudra inventer une histoire pour détourner son attention du complice qui l'a aidée à s'échapper.

Il se penche à son tour.

- Emmenons-la au lac, dit-il à Lancelot.

Son ami acquiesce et soudain Merlin lève ses yeux rouges vers le prince.

- Un lac ?

Arthur a besoin de toute sa force d'armes pour ne pas tressaillir devant la douleur qu'il lit dans les saphirs.

- Oui, Merlin. Un lac. Ce n'est pas très loin. On lui construira un radeau et on l'enverra vers Avalon, comme une reine…

Merlin hoche gravement la tête, les bras toujours serrés autour de la fille qui ne respire plus, son visage si pâle appuyé comme si elle dormait contre l'épaule de son amoureux.

- C'est une vraie princesse, Arthur…

- Je sais.

Lancelot l'a un peu aidé, quand il voyait que les jambes maigres allaient céder sous la charge et l'émotion, mais c'est Merlin qui a porté Freya sur tout le chemin jusqu'au lac. Quand il la dépose sur la rive, haletant, la nuque douloureuse et les bras engourdis, Lancelot se met en quête de branches et trouve une vieille barque retournée sur la berge humide. Il la tire jusqu'à la défunte et vérifie qu'elle ne fuit pas trop pendant que Merlin ramasse des fougères. Puis il fabrique un arc et cherche des silex dans les pierres du chemin. Arthur disparait pendant un moment et quand il revient, il ramène un bouquet de fleurs mal cueillies, les tiges trop courtes et les pétales un peu fripés, que son serviteur reçoit comme s'il s'agissait d'un cadeau inestimable. Ils allongent Freya sur l'écrin de fougères et disposent les fleurs autour d'elle, un peu maladroitement.

Quand tout est prêt, Merlin lisse une dernière fois la belle robe, presse légèrement le poignet encore meurtri par les chaînes.

- Adieu, Freya, murmure-t-il en se penchant pour l'embrasser sur le front.

Lancelot et Arthur l'aident à pousser la barque vers le milieu du lac, puis reviennent sur la berge. Arthur hésite, puis il se tourne silencieusement vers Lancelot, le suppliant du regard.

Toi, tu le fais... moi, je ne suis pas digne...

Son ami acquiesce sans un mot. Il allume la flèche improvisée après quelques essais ratés, et tend l'arc.

Merlin est debout dans l'eau jusqu'aux genoux, les yeux fixés sur la barque qui s'en va.

Le tir d'or traverse le ciel en froufroutant et atteint la cible qui s'enflamme sans un bruit.

Les yeux bleus de Merlin sont remplis de larmes qui ne coulent plus. Il ne bouge pas, frissonne seulement. Arthur n'ose pas s'approcher pour lui dire de sortir du lac glacé. Une boule au fond de la gorge, il se demande s'il y aurait un tel désespoir sur le visage de Merlin, si c'était lui qui était dans la barque.

C'est Lancelot qui finit par sortir le serviteur de l'eau et qui l'entraîne doucement vers la ville, vers un feu bien chaud, vers Gaius.

- Merlin, si je meurs un jour… tu feras ça pour moi… tu m'enverras vers Avalon dans une barque sur le lac de Freya ?

Merlin hoche difficilement la tête, comme hébété. Il s'appuie plus lourdement contre Lancelot qui le soutient et continue de murmurer des mots de réconfort.

Arthur les suit et se sent tellement inutile et sale et coupable qu'il ne sait même plus quoi faire de lui-même. Il rentre directement au château, une fois qu'il a aperçu, par la porte entrouverte parce qu'il n'a pas voulu entrer, Gaius qui serrait Merlin dans ses bras en murmurant "je suis navré, mon garçon, vraiment navré…" dans la pièce baignée de lumière parcheminée.

Uther est assez content de savoir la menace de la sorcière écartée, mais plutôt fâché d'apprendre que le coupable a sauté d'une falaise et disparu dans les bouillonnements d'un torrent. Enfin, Camelot est sauf, tout est bien, et il tapote l'épaule de son fils avec approbation.

Arthur se raidit. Il salue son père et s'en retourne dans sa chambre où il passe le reste de la journée à regarder à travers le même carreau de la fenêtre. Le lendemain matin, sa décision est prise.

Il fait mine d'ignorer les yeux bouffis de chagrin de Merlin et lui donne l'intégralité de ses bottes et de celles de sa garnison à cirer en guise de représailles pour le petit déjeuner dérobé. Et quand il est à peu près sûr que sa voix ne va pas vaciller en chemin, il vient s'asseoir à côté de son serviteur et lui bourrade l'épaule.

- Je suis désolé, Merlin… murmure-t-il.

Le serviteur se tourne vers lui et quelque chose qui ressemble à l'ombre de ce sourire qui illumine la vie des gens passe sur son visage.

- Ce n'était pas très gentil de me jeter ce broc d'eau à la tête, approuve-t-il gravement.

Arthur met quelques secondes à se rappeler que c'est ce qu'il a fait la veille – il y a mille ans, il lui semble.

- On est quitte, tu as prétendu que j'étais gros, riposte-t-il d'une voix mal assurée.

"Tu sais très bien que ce n'est pas ce pourquoi je suis désolé, Merlin…"

Les yeux bleus ourlés de cils sombres le contemplent avec douceur.

"Je sais."

Puis Merlin penche la tête de côté et le soleil joue en transparence sur les lobes de ses oreilles, brillant dans ses cheveux noirs en désordre et sur le plancher de la pièce.

- Mais vous êtes gros.

Arthur est sur le point de répliquer, quand il sent le rire chatouiller le fond de sa gorge. Il hésite, puis il s'autorise à répondre au sourire que lui adresse Merlin.

Dehors, le printemps réchauffe doucement les toits et les pierres blanches de Camelot.

L'année est terminée et ils sont toujours là, ensemble. Malgré tout.

 

 

A SUIVRE...

 

 

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