Amour ou loyauté

Chapitre 5 : Cinquième chapitre

Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/11/2016 11:48

Cinquième chapitre

 

 

 

 

 

- Passe-moi la ficelle, s'il te plaît, Hinako.

Naruto était agenouillé sur le tapis tressé du salon et vérifiait les coutures d'un assemblage de morceaux de soie bleue sombre.

- J'espère que je n'ai pas fait  d'erreurs, monsieur Uzumaki.

La petite tête blonde tournait un regard inquiet vers son instructeur.

- C'est parfait, Hinako. Parfait. Tu deviens une vraie spécialiste des cerfs-volants, la félicita Naruto.

- Je ne suis pas aussi douée que vous, répondit Hinako, rougissant de plaisir.

Sakura posa un instant la baguette de bois dans laquelle elle était en train de tailler des encoches, et regarda le couple formé par Naruto et Hinako. Il était si bon avec les enfants. A la fin de chaque réunion, les Gloss repartaient confiantes dans leurs capacités, prêtes à entreprendre n'importe quoi. Les yeux verts de Sakura errèrent jusqu'au coin de la pièce ou Yumie était assise, découpant avec application un coupon de soie rouge. Même sa fille ne pouvait plus afficher une indifférence totale envers Naruto, bien que souvent, elle fixât sur lui un regard noir, chaque fois qu'il s'approchait de sa mère.

- La baguette est-elle prête ?

Les yeux moqueurs de Naruto étaient posés sur Sakura.

- Il ne faut pas vous endormir sur votre travail !

- J'ai presque fini ! répondit-elle, saisissant la petite scie électrique posée à côté d'elle.

- Attention à vos jolis doigts, l'avertit Naruto.

Sakura s'était proposée de tailler les baguettes lorsque Naruto et elle avaient décidé que la scie était un instrument trop dangereux pour des petites filles.

- Voici, dit-elle, s'accroupissant à côté de Naruto alors qu'il faisait, pour le bénéfice de Hinako, une démonstration de la technique de fixation des baguettes pour former le cadre du cerf-volant.

- La soie est si douce, s'écria Hinako.

- Il n'y a qu'une chose au monde qui soit plus douce qu'elle, murmura Naruto, regardant Sakura avec intensité.

- Oui, les compliments que vous me faites, proféra Sakura dans un souffle.

Comment ne pas apprécier un homme qui, depuis un mois, sacrifiait une soirée par semaine à sept petites filles, leur enseignant l'art de construire des cerfs-volants ?

- Il est presque fini. Dans une minute, je te montrerai comment faire les brides.

- Regarde, Fumika ! s'exclama Hinako, emportant sa précieuse création à l'autre bout de la pièce.

- Si mes compliments sont si doux, alors comment expliquez-vous que nous n'ayons toujours pas dîné ensemble ?

Il s'était assis en tailleur sur le sol et commençait à démêler les noeuds d'une bobine de ficelle, comme si cette question n'avait pour lui aucune importance.

- Peut-être parce que vous ne me l'avez jamais demandé ?

Cherchant une contenance, Sakura entreprit de ramasser les épingles éparpillées sur le tapis.

- En êtes-vous sûre ? demanda-t-il, feignant la surprise.

- Oui, acquiesça Sakura, fouillant de ses doigts l'épaisseur du tapis. Oh zut !

- Etes-vous déçue à ce point ?

- Non, cher ami modeste, répliqua-t-elle, montrant une goutte de sang qui perlait à son doigt. Je viens de trouver une aiguille.

- Faite voir, dit-il, saisissant sa main et inspectant le membre blessé. Je vais y déposer un baiser.

- Naruto, pour l'amour du... commença Sakura.

- Vous êtes têtue, madame, je ne cherche qu'à vous soulager.

Ses lèvres effleurèrent sa blessure et les yeux de la jeune femme s'embuèrent de larmes. Depuis combien de temps personne ne l'avait traitée avec autant de tendresse ?

- Détendez-vous, murmura Naruto. Laissez-moi m'occuper de vous.

C'était son souhait le plus cher. Mais Yumie ? En cédant à Naruto, elle soulageait son extrême solitude mais causerait tant de chagrin à sa fille !

- Je... je ne sais pas, Naruto.

- Je vous demande seulement d'accepter de dîner avec moi. C'est tout. Pouvez-vous trouver une baby-sitter samedi soir ?

Ses yeux bleus brillaient d'une douce persuasion.

- Je ne crois pas... enfin... peut-être, balbutia-t-elle.

- Je vous en prie, Sakura. Je vous emmènerai à Konoha. Pour une fois, vous vous habillerez, vous oublierez vos soucis. Ne le désirez-vous pas autant que moi ?

- Si, Naruto, approuva-t-elle, jetant un coup d'oeil navré sur son jean et son tee-shirt. J'espère que je saurai me comporter en robe.

- Je n'en doute pas, la rassura Naruto, caressant du bout des doigts son bras nu. Mais finissons les cerfs-volants des petits nains.

Sur ces mots, il se leva et jeta un coup d'oeil circulaire autour de la pièce, cherchant qui, des septs enfants, avait le plus besoin d'aide.

Sakura ramassait les baguettes de bois et la scie électrique lorsqu'elle eut la sensation d'être observée. Son coupon de soie chiffonné sur ses genoux, Yumie fixait sur elle un regard lourd de reproche. Une vague de culpabilité envahit Sakura. Yumie avait surpris le geste de tendresse de Naruto et avait l'air furieuse. Peut-être valait-il mieux refuser son invitation au restaurant après tout. Mais soudain Sakura se révolta contre la mauvaise humeur persistante de Yumie face à Naruto.

Avec défi, elle fit face à sa fille et Yumie dut baisser les yeux. Cependant, sans s'avouer vaincue, elle se mit debout et jeta la boule de soie rouge aux pieds de sa mère.

- Yumie, viens deux minutes avec moi à la cuisine, ordonna Sakura.

Tapant des pieds, son petit visage déformé par la colère, Yumie s'exécuta et lorsque Sakura l'eut rejointe, fit volte-face.

- De quoi parliez-vous avec M. Uzumaki ?

- Je ne crois pas que ceci te regarde, Yumie, et je ne tolérerai pas que tu gâches le coupon de soie que Naruto t'a offert !

- Ah, tu l'appelles Naruto maintenant ? A quand le mariage ? Demain ? cria-t-elle, tremblante de rage.

- Yumie ! Cela suffit ! hurla Sakura, saisissant la petite fille par les épaules. Tu as le choix : ou tu ramasses ton coupon de soie et tu le repasses immédiatement, ou tu vas te coucher.

Yumie éclata en sanglots, des larmes abondantes inondant son visage.

- Maintenant, tout m'est égal. Même toi ! gémit-elle.

- Oh, Yumie, ne dis pas cela, supplia Sakura, la gorge serrée. Je ne te quitterai jamais, Yumie. Tu te montes la tête.

- Je m'en fiche. Et ce n'est pas la peine de m'envoyer dans ma chambre, j'y vais de toute façon.

Elle bondit hors de la pièce avant que Sakura ait pu l'en empêcher.

- Elle va se calmer, Sakura.

La haute silhouette de Naruto s'encardait sur le seuil.

- Avez-vous tout entendu ? demanda anxieusement Sakura.

- Oui. Ne vous laissez pas abattre, dit-il d'une voix douce. Une fois, Takami m'a accusé d'être responsable de la mort de sa mère.

Sakura le dévisagea tandis qu'une expression d'incrédulité se peignait sur son visage.

- Mais Naruto, c'est injuste !

- Non, c'est normal, rectifia-t-il. Ces enfants souffrent. Yumie se rend compte que vous vous sentez responsable du divorce et elle utilise votre culpabilité pour conserver votre affection et s'assurer que vous ne l'abandonnerez pas, elle aussi.

- Mais je ne demande qu'à la sécuriser.

- Comment comptez-vous la sécuriser s'il lui suffit de lever le petit doigt pour obtenir ce qu'elle désire ?

Lentement, ces mots firent chemin dans son esprit.

- Il faut que je réfléchisse, dit-elle enfin.

- Dînons-nous toujours ensemble samedi soir ?

- Oui, mais seulement dîner. J'espère que vous comprenez.

- Sakura, jamais je ne vous demanderai quoi que ce soit que vous ne soyez prête à m'accorder.

Ses mots la rassurèrent jusqu'à ce que, levant la tête, elle croisât le regard brûlant de Naruto. Elle espéra qu'il ne remarquerait pas le léger tremblement qui la gagna soudain mais le sourire complice qui flottait sur ses lèvres la détrompa. Il savait maintenant combien elle était vulnérable à son charme.

 

 

- Je suis trop vieille pour que tu fasses venir une baby-sitter.

Penchée sur le lit de sa mère, Yumie la regardait s'habiller, l'oeil sombre.

- Je ne suis pas un bébé.

- Si tu préfères, disons que Tenten va venir te tenir compagnie.

Sakura cherchait dans sa boîte à bijoux les boucles d'oreille de jade dont le vert sombre était parfaitement assorti à sa robe. Elle venait de les trouver lorsque la sonnette retentit.

- Ce doit être Tenten, ta compagne, plaisanta-t-elle, essayant de dissiper l'humeur maussade de Yumie.

- J'espère qu'elle a amené ses cassettes de musique car il n'y a rien à la télévision ce soir.

Avec un soupir exagéré, elle sauta à bas du lit et courut ouvrir. Sakura sourit. Bien que Yumie fût loin de se réjouir de la sortie de sa mère, elle avait finalement accepté l'inévitable et dévié l'objet de sa contrariété sur la nécessité d'une baby-sitter. Sakura se demandait si elle venait de remporter une victoire et si, à la longue, Yumie accepterait Naruto et Takami. Alors peut-être...

Les battements de son coeur s'accélèrèrent sous l'effet de cette pensée qu'elle n'osait formuler. Elle jeta un coup d'oeil dans le miroir et sourit à la jeune femme aux joues fraîches et aux yeux verts lumineux qui la regardait. Ses cheveux souples brillaient et, de temps à autre, suivant ses mouvements, les boucles de jade apparaissaient entre les mèches roses. Elle était jolie. Grâce à Naruto Uzumaki ?

La sonnette retentit à nouveau et son sourire s'évanouit. Il était là et tout à coup elle se sentit aussi émue qu'une écolière à son premier rendez-vous. Ajustant sa ceinture, elle craignit que l'étoffe mouvante de sa robe n'épousât trop avantageusement ses formes généreuses. Saisissant son châle, elle éteignit la lumière de sa chambre et se hâta au rez-de-chaussée, le coeur battant.

- Vous êtes superbe.

Naruto gravit quelques marches à sa rencontre.

- Vous aussi, dit-elle, détaillant l'élégant costume noir et la cravate émeraude dont la teinte rappelait la couleur des yeux de Sakura. Avez-vous prévenu Yumie et Tenten de l'heure de notre retour ?

- Non. Qu'en pensez-vous ?

Sakura ressentait l'étrangeté de la situation. Elle laissait Yumie à la maison pour sortir avec un homme et cet homme n'était pas le père de Yumie.

- Voyons... réfléchit Naruto, comme pour dissiper le désarroi de Sakura. Il est six heures. Nous avons une heure de route jusqu'à Konoha, deux avec le retour. Je suggère minuit.

- C'est parfait, madame Haruno, déclara Tenten, hochant la tête. Je me lève pas tôt demain matin, de toute façon. Amusez-vous bien.

- Merci, Tenten. Bonne nuit, Yumie.

Elle s'approcha de sa fille allongée par terre, et se pencha pour l'embrasser.

- Bonne nuit, dit Yumie, tendant la joue.

Très vite, son attention fut de nouveau accaparée par la pile de DVD posés devant elle. Sakura recula, désemparée. Elle sentit le bras de Naruto enlacer sa taille et l'entraîner vers la porte.

- Laissons-les à leurs films, murmura-t-il, l'aidant à passer son châle sur ses épaules.

Sur le perron, il l'attira contre lui.

- Ne soyez pas peinée si Yumie vous ignore un peu ce soir. C'est sa façon à elle de s'adapter et elle semble montrer une bien meilleure volonté. Son attitude est plus saine que de les larmes et des accusations.

- Je suppose que vous avez raison mais je suis tellement peu habituée à son indifférence.

- Elle vous reviendra, soyez-en sûre.

Ils s'installèrent dans la Porshe noire et le parfum de Naruto emplit les narines de Sakura, réconfortant. Après tout, elle allait dîner au restaurant avec un homme séduisant dans une voiture de sport luxueuse. Elle se tourna vers lui avec un sentiment de gratitude.

- Souriez, c'est soir de fête, déclara-t-il en démarrant.

- Quel événement fêtons-nous ? demanda-t-elle alors que le véhicule longeait les rues bordées d'arbres de Sendai.

- L'entrée dans le monde de Sakura Haruno. Je suis très honoré que vous ayez accepté de sortir avec moi pour cette première occasion. Commençons par un peu de musique.

Naruto brancha la stéréo et les accords d'une chanson d'amour populaire emplirent la voiture. Il semblait à Sakura que les notes coulaient dans ses veines, effaçant la tristesse qui la hantait. Presque seuls sur l'autoroute menant à Konoha, isolés dans l'obscurité environnante au creux de l'habitacle confortable, bercés par la musique, Sakura les imagina tous deux transportés dans un autre monde, dans une autre dimension ou tous les rêves étaient possibles.

Naruto tourna la tête vers elle et emprisonna sa main dans la sienne. Il semblait que de l'électricité courait entre leurs doigts au son de la chanson d'amour et de tendresse. Petit à petit, Sakura acceptait le fait qu'elle désirait cet homme. S'il décidait, à ce moment, de s'arrêter au bord de la route et la prenait dans ses bras, elle serait incapable de lui résister.

Cependant, il n'en fit rien. Son pouce exerçait une douce pression sur la paume de sa main et ses doigts se mêlaient aux siens tandis que la Porshe poursuivaient son chemin jusqu'à Konoha. Sakura luttait contre la tension qui l'envahissait et lorsque les néons de la ville apparurent, elle retira sa main et éteignit la stéréo, essayant par ce biais de reprendre contact avec la réalité.

- Sakura, vous vouliez que je m'arrête, que je vous prenne dans mes bras, n'est-ce pas ? demanda alors Naruto presque à voix basse.

- Vous vous trompez ! Comment pouvez-vous penser une chose pareille ? s'exclama Sakura, évitant son regard.

- Pourtant, je voulais le faire. Mais je redoutais votre réaction et j'étais sûr que vous m'en auriez voulu. Nous nous sommes mis d'accord pour aller dîner au restaurant et qu'auriez-vous pensé de moi si j'avais failli à ma parole ?

Sakura resta silencieuse, indécise. Une fois de plus, il avait raison et elle se conduisait probablement comme une idiote. Elle ne savait pas ce qu'elle voulait.

- Je meurs de faim, déclara-t-elle, d'un ton dégagé. Ou allons-nous ?

- Chez Alberto.

- Vraiment ? J'ai toujours rêvé d'y dîner un jour ! J'aurais pensé que ce genre d'endroit vous déplaisait.

- Sûrement pas. On y trouve la meilleure vue de la ville et la cuisine est excellente. J'étais certain de vous faire plaisir.

- La dernière fois que je suis montée en haut de ce gratte-ciel, j'avais quinze ans et, tout ce que j'ai pu m'offrir, c'est un hot-dog et un coca-cola au snack.

Il la dévisagea du coin de l'oeil.

- Vous sentez-vous mieux ?

- Oui, Naruto. J'espère que vous me pardonnez d'être aussi changeante.

- Sakura, je crois que je pourrais tout vous pardonner.

Il engagea la voiture dans le parking aménagé à la base du gratte-ciel qui dominait l'horizon de Konoha.

- Avez-vous le vertige ?

- Pas du tout.

Ils se joignirent au petit groupe de visiteurs qui pénétrait dans la cabine de verre de l'ascenseur extérieur.

- Allons au bord, dit Sakura, l'entraînant par la manche, avec l'impatience d'une enfant.

Toute peur s'était envolée. Il aurait pu profiter de sa faiblesse sur le trajet de Konoha et n'en avait rien fait. "" Il est patient "", songea-t-elle. En un éclair, elle se remémora les heures qu'il avait passées à expliquer aux Gloss comment construire un cerf-volant en papier d'abord, puis à élaborer de plus grandes structures en soie. Naruto Uzumaki commençait à lui inspirer confiance.

- Dites-moi ce que j'ai dit ou fait pour inspirer ce regard dans vos beaux yeux verts ? murmura-t-il doucement, caressant de la paume de la main la joue de Sakura.

- Je pensais combien vous avez été patient avec les fillettes et avec...

Confuse, elle s'interrompit, effrayée de lui confier totalement ses pensées. Le visage de Naruto s'adoucit et il plongea les yeux dans les siens.

- J'essaye, Sakura, croyez-moi. Mais je vous avertis, je suis un homme. Je ne sais pas combien de temps encore je pourrai vivre aussi proche de vous et résister aux impulsions qui me poussent vers vous.

Il se tenait juste derrière elle, la protégeant de la foule qui se pressait autour d'eux et les serrait l'un contre l'autre.

- J'espère que vous appréciez ma maîtrise de moi dans cette situation difficile, murmura-t-il alors qu'un gros homme le rapprochait davantage de Sakura.

- Je suis désolée, je peux peut-être...

Elle essaya de se dégager et de mettre un peu de distance entre eux.

- Ne bougez surtout pas, grommela-t-il, c'est pire. Si vous restez tranquille, tout ira bien. Parfois, j'envie les femmes. A cette minute, vous êtes peut-être aussi troublée que moi par la proximité de nos corps. Mais chez vous, rien ne transparaît.

Pourtant, elle sentait battre le sang dans ses veines et une douce langueur l'envahir au contact de l'évidence du désir de Naruto contre ses reins. Elle avait envie de fermer les yeux et de s'abandonner contre lui. Mais se ressaisissant, elle se concentra avec ardeur sur la vue qui l'entourait. A ses pieds, s'étendait un océan de lumière.

- C'est spectaculaire, Naruto, dit-elle dans un souffle.

- Comme vous, répondit-il, enfouissant son visage dans ses cheveux.

- Peut-on apercevoir les usines de la Uzumaki Aviation ?

- Non, elles sont trop loin, mais mon bureau se trouve dans ce gratte-ciel, fit-il, montrant une tour scintillant dans la nuit.

- Et qu'y a-t-il d'inscrit sur votre porte ?

Du bout de la langue, Naruto taquinait son oreille.

- Dernier échelon.

- Ne riez pas. Ou êtes-vous vraiment ?

- Ce que je viens de vous dire.

Elle se retourna.

- Etes-vous le directeur de la société ?

- Est-ce si difficile à croire ? N'ai-je pas l'air d'un président ?

- Oui... non... je pensais juste que votre père...

Embarrassée, elle se retourna contre la vitre de l'ascenseur.

- Mon père était instituteur. Il est maintenant à la retraite.

- Oh, Naruto, ne vous moquez pas de moi. Vous avez l'air si jeune que j'ai du mal à vous imaginer président directeur général de la Uzumaki Aviation.

- Quel âge me donnez-vous ?

- Environ trente-trois ans, suggéra-t-elle. Oui, vous devez avoir environ quatre ans de plus que moi.

- J'ai quarante-et-un ans.

- Mais Takami... et les cerfs-volants.

Naruto éclata de rire et l'ascenseur s'étant arrêté, l'entraîna vers la sortie.

- Vous avez des pensées bien stéréotypées, Sakura. Pourquoi un homme d'une quarantaine d'années ne prendrait-il pas plaisir à faire voler des cerfs-volants ?

Un peu plus tard, assise au bord de la coupole vitrée du restaurant construit sur une plate-forme mobile, Sakura contemplait le panorama de la ville ceinturée par la masse sombre des montagnes et le sommet arrondi du Mont Akatsuki.

- Tout à l'heure, vous vous demandiez comment l'honorable président d'une compagnie d'aviation pouvait passer ses loisirs à jouer avec des cerfs-volants. Il a fallu que j'apprenne, Sakura. Non pas la technique, mais comment prendre le temps de profiter des joies simples de la vie.

Le serveur s'étant approché pour prendre leur commande, Naruto s'interrompit et Sakura et lui ordonnèrent ensemble deux saumons en papillottes avec une sauce à l'oseille.

- Et une bouteille de vin blanc, ajouta Naruto, interrogeant Sakura du regard.

Ellr hocha la tête.

- Maintenant, je sais que vous êtes une vraie enfant du pays.

- Beaucoup de gens par ici critiquent la pluie mais quand le soleil brille, il n'y a pas de plus bel endroit.

- Et à cause de la pluie, vous ne tenez jamais le soleil pour acquis, ajouta-t-il, promenant son regard bleuté sur le visage de la jeune femme.

Ses paroles avaient un sens profond et caché. A l'écoute, elle ouvrit son coeur.

- Vous êtes un personnage inhabituel, Naruto, finit-elle par dire.

- Certains diraient seulement que je suis bizarre.

Il sourit et la chaleur de son regard l'enveloppa toute entière.

- Avant, j'étais un homme comme tout le monde. J'ai débuté dans la vie en travaillant comme un dément pour démarrer ma compagnie. Je n'ai épousé Ino qu'à trente ans lorsque j'ai été certain que ma fortune était assurée. Même après notre mariage, je n'ai pas cessé de travailler. Ino essayait de me changer les idées, m'encourageait à prendre des vacances, mais travailler était devenu pour moi comme une seconde nature.

Le serveur s'approcha avec le vin et Naruto le goûta, avec des mines de connaisseur.

- Les joies de la table font-elles partie de votre nouveau mode de vie ?

- Oui. Et je viens de prendre une autre résolution. Passer le plus de temps possible avec la charmante responsable du groupe de Gloss dont fait partie ma fille.

Ils trinquèrent et lorsque Naruto porta son verre à ses lèvres, son geste rappela à Sakura la tasse de café qu'ils avaient partagée au bord du lac et, avant cela, le baiser qu'ils avaient échangé dans la caravane. Une étincelle de désir traversa son corps et elle se prit à souhaiter que le repas fût terminé afin de se retrouver seule avec lui dans la voiture. Elle voulait sentir sur elle ses lèvres, ses mains...

- Oh, Sakura, ce que vos grands yeux verts me disent en ce moment devrait être réservé à des instants plus intimes. Tâchez de ne pas oublier ce que vous ressentez maintenant.

Pardonnez mon manque de sophistication, Naruto, dit Sakura, baissant les yeux. Cela fait si longtemps que je ne sais plus comment jouer à ce jeu.

- Il ne s'agit pas d'un jeu. Lorsque vous me regardez ainsi, j'oublie tout. Voulez-vous que nous partions ? Nous ne sommes pas obligés de poursuivre cette comédie.

- Non. Restons, dit-elle vivement, alarmée. Expliquez-moi comment vous êtes arrivés à fabriquer des cerfs-volants.

- Comme vous voudrez, dit-il doucement. J'ai commencé il y a trois ans.

Sakura le dévisagea avec une immense compassion.

- Après le décès de votre femme ?

- Oui. Malheureusement, il a fallu qu'elle meure pour que je comprenne que ma vie n'avait aucun sens. Peu de temps après la mort de sa mère, Takami m'a demandé de lui acheter un cerf-volant. Un beau matin, nous sommes partis à la campagne et cette journée passée avec Takami a été pour moi une révélation. Une des expériences les plus libératrices de mon existence. Amener le cerf-volant dans les airs, jouer avec le vent, sentir le soleil sur mon visage... A travers tout ceci, j'ai repris contact avec la nature, Sakura. Et j'ai fait le voeu de ne jamais plus le rompre.

Sakura le contempla, la gorge serrée. Comme il était triste qu'il eût perdu son amour avant d'avoir appris à vivre ! Il la regardait d'un air absorbé et elle désirait vivement se lever, le prendre dans ses bras, lui caresser la joue, le réconforter de tous les chagrins qui l'avaient blessé.

- C'était il y a trois ans, Sakura. Je n'oublierai jamais Ino et pourtant, je ne la connaissais que très peu. Je ne peux vivre sur des regrets. Je veux vivre dans l'""ici"" et le "" maintenant "". Et en ce moment, je suis au restaurant avec une femme délicieuse qui a les plus jolis yeux verts que j'aie jamais vus. J'ai de la chance.

Elle le dévisagea, comparant inconsciemment sa situation et la sienne. Sans doute la mort leur avait-elle apporté, à lui et à son enfant, une meilleure chance d'être heureux que le divorce pour elle. Et pourtant, Yumie avait toujours son père, qui lui envoyait des cadeaux, des lettres, lui téléphonait, la voyait de temps à autre... Mais, parce qu'il était toujours présent, à sa façon, elle ne pouvait accepter l'idée que sa mère pût un jour aimer un autre homme.

- Assez d'introspections morbides, maintenant. Votre saumon refroidit. J'essaye de rester galant et de vous attendre mais je commence à avoir très faim. De vous aussi, d'ailleurs, ajouta-t-il avec un clin d'oeil.

Sakura faillit s'étrangler.

- Naruto Uzumaki, s'écria-t-elle, vous n'êtes pas un homme du monde !

- Pardonnez-moi, Sakura, dit-il d'un air contrit. Vous devez croire que je ne pense qu'à vous attirer dans mon lit. D'ordinaire, je ne me comporte pas de cette façon, mais avec vous... Je suis tellement convaincu que nous pouvons nous rendre heureux l'un et l'autre que je ne cesse d'espérer vous tenir un jour dans mes bras. J'ai pensé... Je connais un endroit sur l'île de Okushiri...

D'étonnement, Sakura arrondit les yeux.

- Qu'allez-vous me proposer ?

- Rien du tout, répondit-il, levant la main pour calmer son indignation. Je pense tout haut, voilà tout. Imaginez une presqu'île au bord de la mer, une maison de rondins avec tout le confort moderne. A votre porte, sous vos pieds, la plage de Isohara, ses petit bateaux à voile. Un feu crépite dans la cheminée. Pas d'enfants, pas de responsabilités, et un immense lit qui a abrité de nombreux amants depuis des générations. J'aimerais vous emmener là-bas, Sakura.

Pendant un instant, elle resta immobile, la fourchette en l'air, savourant les détails que Naruto venait de lui décrire.

- C'est impossible, dit-elle, baissant la tête.

- Pourquoi ? Regardez-moi et donnez-moi une seule bonne raison.

- Yumie.

Naruto resta silencieux un instant puis prit une longue inspiration.

- Nous savons que Yumie ne sera pas d'accord, n'est-ce pas ? Mais Yumie n'a que neuf ans et n'est pas en mesure de comprendre ou est son intérêt, d'accord ?

- Peut-être.

- J'ai une idée, Sakura. Et si Yumie et Takami arrivaient à s'entendre ? Ne pensez-vous pas qu'alors elle me tolérerait avec plus d'indulgence ?

- Sans doute. Mais pour le moment, Yumie est jalouse de l'attention que je porte à Takami et elle croit que Takami essaie de...

Elle s'interrompit, embarrassée.

- Je sais ce que Takami essaie de faire, Sakura, dit-il avec une immense douceur. Mais elle n'a que neuf ans, elle aussi. Je reste maître de mes décisions.

- De toute façon, elles ne sont pas amies et je doute qu'elles le deviennent jamais.

- Et si elles passaient ensemble un week-end entier sans nous ? Sous la surveillance de la gouvernante de Takami ?

- Je crois que ce serait un échec, dit Sakura, secouant la tête. Mais vous êtes très ingénieux.

- J'ai seulement très envie d'être seul avec vous, dit-il calmement, ses doigts retraçant le dessin de ses veines sur le dos de la main de Sakura.

Ce contact la fit frissonner.

- Réfléchissez, Sakura. Je vous en prie. Je lis dans vos yeux ce que vous ressentez.

De son pouce, il explorait les contours de sa main, en une caresse sensuelle et ses prunelles bleus brillaient de convoitises. La main de Sakura tremblait sous la sienne et, bien qu'elle essayât de parler, aucun son ne sortit.

Enfin, elle hocha la tête.

- Partons.

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