Amour ou loyauté

Chapitre 12 : Douzième chapitre

Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/11/2016 18:11

Douzième chapitre

 

 

 

 

 

 

Yumie était-elle une enfant gâtée ? Cette question préoccupa longtemps Sakura. Elle résonna inlassablement dans son esprit tout au long des jours pluvieux qui suivirent, la persécutant au cours des nuits froides et humides qu'elle passa à analyser l'éducation de sa fille. Enfin, elle dut regarder la vérité en face. Des changements s'imposaient.

- Faire mon lit et ranger ma chambre tous les matins ? répéta Yumie, son petit nez froncé de mécontentement. Mais je ne sais, maman.

- Justement, il est grand temps d'apprendre, répondit Sakura, regardant sa fille assise en face d'elle à la table de la cuisine.

- Et la vaisselle le soir ? Quand ferai-je mes devoirs ?

- Peut-être devras-tu moins regarder la télévision si tu manques de temps, suggéra Sakura.

- Que se passe-t-il, maman ? Tu as parlé de moi à quelqu'un ? demanda Yumie, l'oeil soupçonneux. Ou tu as lu un de ces livres qui te disent comment élever les enfants.

- Pas du tout.

Elle ne mentait pas. Naruto n'avait pas parlé de ces considérations matérielles. Les réformes qu'il avait suggérées étaient beaucoup plus profondes.

- Alors pourquoi ? demanda Yumie, interrompant le cours de ses pensées.

- Parce que tout à coup, j'ai réalisé que tu en prenais un peu trop à ton aise à la maison. Lorsque papa et moi avons divorcé... commença Sakura, étudiant la réaction de sa fille devant ce sujet épineux.

Le menton de Yumie se mit à trembler.

- Lorsque nous avons divorcé, continua Sakura, nous étions tous deux très concernés par ton bien-être et depuis qu'il est parti, je crois que je t'ai un peu gâtée, pensant bien faire.

- Mais comment puis-je être heureuse avec tout ce travail supplémentaire ? grommela Yumie, picorant des miettes de pain. Et mon plâtre ? s'écria-t-elle, essayant par ce biais d'attendrir sa mère.

- Tu t'y habitueras.

Avec un soupir à fendre l'âme, Yumie se leva, ramassa son assiette et se dirigea vers l'évier.

- A propos, Yumie, dit Sakura nonchalamment. Tu ne m'as jamais raconté ce qui s'était passé lorsque tu t'es cassé le bras. Takami t'a-t-elle frappée ? Explique-moi.

Elle retint sa respiration, observant le dos de Yumie qui se raidit tout à coup.

- Non.

- Non quoi ? insista Sakura, pressentant que la discussion n'allait pas être aisée.

- Non, elle ne m'a pas frappée, avoua Yumie d'une petite voix.

- Alors comment a-t-elle pu le casser ?

- Elle ne l'a pas vraiment cassé... Mais c'était sa faute !

- Pourquoi ? demanda Sakura avec la ferme intention d'élucider ce mystère une bonne fois pour toutes. Qu'a-t-elle fait alors ?

- Elle a dit... elle a dit...

- Qu'est-ce qu'elle a dit, Yumie ?

- Que toi et son papa étiez amoureux l'un de l'autre et que vous alliez vous marier. Je ne savais pas comment l'arrêter...

Son petit corps tremblait comme une feuille et Sakura se précipita pour la prendre dans ses bras.

- Oh, Yumie, comme tu as dû souffrir...

Un tourbillon de pensées contradictoires tournait dans sa tête. Amoureux ? Naruto l'aimait-il ?

- J'ai essayer de la frapper, continua Yumie, et j'ai glissé...

- Et tu t'es cassé le bras, conclut Sakura caressant la petite tête secouée de sanglot.

Sakura se souvint avec un serrement de coeur des mots durs qu'elle avait lancés à Naruto dans le salon de coiffure.

- Tu aurais dû me le dire, Yumie.

- Je te demande pardon, maman. Mais Takami se trompe, n'est-ce pas ? Tu n'es pas amoureuse de son papa, hein ?

Sakura resserra son étreinte autour de sa fille et ses yeux s'embuèrent de larmes. Yumie leva la tête vers elle.

- Tu n'es pas en train de pleurer, j'espère.

- Moi ? Bien sûr que non ! répondit Sakura avec un sourire faussement enjoué. Je suis juste un peu enrhumée. Je vais maintenant te laisser faire la vaisselle. Il est bientôt l'heure de ton émission préférée.

Une fois la porte de sa chambre refermée, Sakura laissa échapper un profond soupir de détresse. Oubliant momentanément ses soucis, elle se remémora leurs étreintes passionnées, comment Naruto, amant attentionné, avait exploré chaque parcelle de son corps, distillant en elle un plaisir ineffable. Pourtant, jamais il n'avait prononcé le mot "" amour "".

Avec un geste d'impatience, elle chassa ces pensées de son esprit. La vie devait continuer. Elle était responsable d'un commerce et ses livres de compte avaient un besoin urgent d'être mis à jour.

Après s'être rafraîchi le visage et brossé les cheveux, elle descendit l'escalier, décidée à oublier définitivement Naruto Uzumaki.

 

 

- Joyeux anniversaire, maman !

Sakura se réveilla en sursaut et, ensommeillée, se cala sur son oreiller. Yumie, les yeux brillants, se tenait au pied de son lit.

- Voici ton cadeau.

Timidement, elle lui tendit un paquet. Se frottant les yeux, Sakura chassa le rêve qui la poursuivait chaque nuit avec insistance, vérifiant comme chaque matin qu'elle était bien seule dans son lit et qu'aucun homme aux yeux bleus n'était allongé près d'elle.

- Merci, Yumie ! s'exclama-t-elle, essayant de dissimuler à la petite fille sa tristesse.

- Ah maman, tu ne vas pas pleurer !

- Tu me connais, je suis une sentimentale. J'ai eu de la chance de ne pas éclater en sanglots au cours de la soirée d'anniversaire que tu avais organisée pour moi avec les Gloss. Mais voyons ce cadeau.

Les mains tremblantes, Sakura défit la ficelle de couleur. Petit à peit, un embrouillamini de rubans colorés et de morceaux de papier bariolés apparut. Sakura contemplait l'objet avec curiosité, ne sachant comment le prendre.

- C'est un mobile, s'écria Yumie fièrement, sautillant de joie. Un mobile de cerfs-volants !

Cerf-volant. Naruto.

Enfin, elle trouva la ficelle supérieure et éleva le mobile devant elle.

- Tu vois, maman, j'ai pris du papier que j'ai colorié dans lequel j'ai découpé sept prismes de la même couleur que ceux de toutes les Gloss. Pour les cadres, j'ai utilisé des allumettes et j'ai mis des petits rubants de tissu pour faire les queues.

Son babillage heureux emplissait la pièce comme un rayon de soleil. Sakura contempla un instant le mobile.

- Oh, Yumie, c'est le plus beau cadeau que j'aie jamais eu.

- Ah maman, voilà que tu te remets à pleurer, dit la fillette, se précipitant pour lui essuyer les yeux.

- Pardon, Yumie. Je suis stupide. C'est un si beau cadeau...

Jamais Yumie ne saurait que ses larmes étaient destinées à l'homme qu'elle aimait, à ces moments heureux qu'ils auraient dû tous partager.

- Je vais l'accrocher dans le salon. D'accord ?

- C'est parfait.

- J'y vais tout de suite, offrit Yumie. Habille-toi pendant que je prépare ton petit déjeuner. Ou préfères-tu le prendre au lit ?

- Non, non, la rassura Sakura. Je te rejoins à la cuisine.

Elle s'habilla à la hâte. Yumie n'avait jamais fait la cuisine seule et sa mère se sentait un peu inquiète. Elle enfila rapidement une robe rose, pour mettre ses cheveux en valeurs. Puis, apaisant ses craintes, se réprimandant de toujours se faire du souci, elle procéda à son maquillage, prenant son temps pour appliquer le mascara et l'ombre à paupières rose assortie à sa robe. Elle se brossa soigneusement les cheveux, tandis que les premiers rayons de soleil jouaient avec leurs reflets roses éclatants.

La pluie n'avait pas cessé depuis quelques jours mais pour son anniversaires, le soleil était au rendez-vous. Par ce petit détail, Sakura essaya de faire naître en elle le plaisir et l'excitation qu'elle ressentait d'ordinaire à chacun de ses anniversaires. Ses parents allaient l'appeler et, comme chaque année, sa mère lui dirait que son cadeau était parti à la poste.

Mais la perte de Naruto oblitérait sa joie habituelle. Avec un soupir, elle reposa sa brosse à cheveux sur la coiffeuse et rejoignit Yumie à la cuisine.

- Assieds-toi là, ordonna l'enfant lorsque Sakura apparut sur le seuil. Et ferme les yeux.

Une odeur de toast brûlé chatouillait les narines de Sakura. Mais, sans rien dire, elle s'exécuta.

- Tu peux ouvrir les yeux, maintenant.

Devant elle, Yumie avait disposé une assiette de toasts calcinés accompagnés de deux oeufs sur le plat trop cuits.

- Joyeux anniversaire !

- Quel festin ! s'exclama Sakura. Tu me surprendras toujours, Yumou.

- Dépêche-toi, tout va refroidir. Mais avant de commencer, fais un voeu.

Sakura ferma les paupières et souhaita de toutes ses forces que le ciel lui apportât une autre chance avec Naruto aujourd'hui. Rouvrant les yeux, elle croisa le regard indéchiffrable de sa fille.

S'interrompant de temps à autre pour vanter les mérites de la cuisinière, Sakura avala tant bien que mal, son petit déjeuner, espérant qu'il lui restait quelques comprimés dans le tiroir de sa table de nuit.

Sakura s'émerveillait de la transformation de sa fille depuis ces deux dernières semaines. A travers ses nouvelles responsabilités, Yumie se sécurisait, avait plus confiance en elle. Avec l'ironie du sort, si Naruto Uzumaki entrait dans la pièce à ce moment, Yumie serait peut-être à présent suffisamment mature pour l'accepter.

Mais il ne viendrait plus, songea Sakura avec un soupir de lassitude.

- Maintenant, sors de la cuisine. Je vais te faire un gâteau, lui enjoignit Yumie.

Ramassant le journal du matin, Sakura ouvrit la porte du vestibule et une bouffée d'air frais l'accueillit, soulevant le mobile que Yumie avait accroché dans un coin du salon.

- Je vais m'installer sur le perron, cria-t-elle en direction de la cuisine.

- Comment ? Tu n'es pas encore partie ?

- Est-ce une façon de parler à sa mère le jour de ses trente ans ? plaisanta-t-elle, essayant de cacher sa détresse à sa fille.

- Mais vas-tu déguerpir ? s'écria Yumie, venant se planter devant elle, les poings sur les hanches, petite réplique de sa mère, à l'exception des yeux noirs dont elle avait hérités de Sasuke.

Pendant une fraction de seconde, Sakura l'imagina adulte et vécut à l'avance la douleur de la séparation. Pourrait-elle supporter seule cette épreuve ? Avec un sourire forcé, elle lui ébouriffa les cheveux et sortit.

Un pâle soleil réchauffait les marches du perron de bois, achevant de fondre la gelée nocturne. Sakura s'approcha de la balancelle et s'assit, le journal sur les genoux.

Le regard perdu dans le lointain, elle contempla un instant les montagnes qui se dressaient à l'horizon, leur sommet couvert de neige. Malheureusement, elles lui rappelèrent l'excursion ou, pour la première fois, Naruto l'avait tenue dans ses bras. Avec un soupir, elle déplia le journal.

Au moment ou elle baissait les yeux sur la plage littéraire, un éclair rouge s'éleva dans le ciel, lui faisant relever la tête. Un cerf-volant. Son coeur battit à coups précipités lorsqu'elle réalisa que quelqu'un, dans le parc, se trouvait à l'autre extrémité de la corde tendue. Naruto ? Non, c'était un cerf-volant ordinaire, trop petit et trop inintéressant pour un amateur chevronné comme lui.

Un deuxième cerf-volant, bleu cette fois, rejoignit le premier. Sakura se demanda s'ils étaient attachés ensemble. Son coeur se serra. Une seule personne en ville était capable de faire voler plusieurs cerfs-volants à la fois.

Trois ! Fascinée, elle contemplait les gracieuses structures dansant au soleil. Soudain, à quelques mètres des premières, une tache de couleur orangée apparut, suivie d'une rouge et d'une jaune.

- Yumie, viens ici une minute ! appela Sakura, au comble de l'excitation.

- Qu'y a-t-il, maman ? demanda Yumie, arrivant toute essoufflée, une cuillère à la main.

- Regarde ! 

Douze cerfs-volants planaient maintenant à droite des trois premiers.

- C'est M. Uzumaki, n'est-ce pas ? murmura Yumie, son regard inquiet tourné vers le visage de sa mère.

- Je crois bien, Yumou.

Transfigurée, elle fixait les quinze cerfs-volants ondulant dans le ciel.

- Regarde ! Voilà une troisième chaîne qui commence un peu plus loin !

- Mais... maman ! Il y a quelque chose d'écrit dessua. Chaque cerf-volant porte une lettre. B-O-N-A-N-N-I...

- Bon anniversaire, murmura Sakura, rejoignant sa fille qui avait couru à la grille du jardin.

La troisième chaîne de cerfs-volants n'était pas tout à fait complète, mais elle devinait déjà les lettres qu'elle allait bientôt lire.

- Oh, Naruto...

Sentant peser sur elle le regard insistant de Yumie, Sakura réalisa qu'elle avait parlé tout haut.

- Tu l'aimes, hein ? dit Yumie, le visage empreint d'une triste résignation.

Sakura encadra le visage de sa fille entre ses mains. Etait-elle prête à accepter la décision qui venait de se former dans son esprit ?

- Oui, Yumie. Mais je ne t'en aime pas moins. Me crois-tu ?

- Je... Va-t-il vivre avec nous ? Avec Takami ?

- Je ne peux pas te répondre, Yumie. J'ignore ses sentiments actuels. Il ne m'a jamais dit qu'il m'aimait.

- Mais s'il te le disait, tu l'épouserais, hein ?

Sakura rassembla son courage pour passer outre le regard angoissé que Yumie levait vers elle.

- Oui.

- Et moi ?

- J'ai retourné ce problème dans ma tête des millions de fois, Yumie. Tu es importante pour moi, très importante. Mais mon bonheur compte également. Si je te sacrifie ma vie, il ne restera rien de moi et je ne crois pas que ceci soit fait pour nous rendre heureuses l'une et l'autre. Me comprends-tu ?

- Non.

Sakura étudia un long moment le petit visage buté.

- J'espère que tu comprendras un jour.

- Vas-tu rejoindre M. Uzumaki au parc ?

- Oui.

- Et vas-tu le ramener ici ?

- S'il le désire, oui. Ton gâteau est-il dans le four ?

- Oui, soupira Yumie.

- Alors peut-être Naruto et Takami viendront-ils le partager avec nous.

- C'est ton gâteau, maman, tu en fais ce que tu veux.

Oh Yumie ! Y aurait-il toujours la guerre entre Naruto et elle ? Sakura pouvait-elle vivre ainsi déchirée entre leurs deux hostilités ? Elle leva un regard plein d'espoir vers les cerfs-volants. Il fallait essayer. Naruto l'attendait.

- Je ne serais pas longue.

Elle embrassa tendrement sa fille et sortit du jardin, accélérant l'allure à chaque pas. Ce n'est qu'avec effort qu'elle résista à l'envie de courir. Qu'allait-elle lui dire ? Elle n'en savait rien. Takami serait-elle là ? Pourraient-ils se parler devant elle ?

Son coeur battait à coups précipités lorsqu'elle aperçut enfin les deux silhouettes dans la clairière. Takami tenait la ficelle qui reliait les trois premiers cerfs-volants, tandis que Naruto courait à droite et à gauche, vérifiant la fixation des deux autres chaînes. Takami découvrit la première sa présence et avertit son père. Il s'immobilisa soudain, lança quelques instructions à sa fille et se précipita à sa rencontre. Sakura s'arrêta, indécise. De loin, elle le regarda avancer de sa démarche assurée et elle vit sur lui le chandail blanc qu'il portait à l'île d'Okushiri. Etait-ce intentionnel ?

Son agitation s'apaisa lorsqu'il fut devant elle, la dévorant des yeux, incrédule.

- Bonjour, Sakura. Joyeux anniversaire !

- Je... je te remercie, balbutia-t-elle. Les cerfs-volants sont si beaux...

- Tu es arrivée plus tôt que prévu. Takami et moi avions apporté un pique-nique, pensant que nous passerions la journée entière à t'attendre.

- La journée ! Tu serais resté toute la journée ?

- C'est une idée de Takami. Elle ferait n'importe quoi pour toi. Quant à moi, je n'ai fait que suivre ton conseil.

- Je ne comprends pas, fit-elle, interloquée.

- Souviens-toi, lorsque tu m'as dit...

Lentement, le souvenir refit surface, et ses joues s'empourprèrent.

- Tu veux dire lorsque je t'ai dit d'aller te consoler avec tes cerfs-volants ?

- Exactement ! Tu vois ? Je t'ai prise au mot. Je ne pouvais me faire à l'idée de ne jamais te revoir.

Dans son regard, elle lut toute la douleur qu'il avait ressentie et instinctivement, sa main se tendit vers sa joue. Mais Naruto arrêta son bras.

- Pas ici, Sakura. Pas tout de suite. Avant, il faut que nous parlions.

Sakura accusa sans broncher sa rebuffade.

- Que faisons-nous alors ?

- Je ne sais pas, répondit-il avec un haussement d'épaules. A vrai dire, je n'ai rien prévu après les cerfs-volants. J'ignorais si tu viendrais et je me suis refusé à penser au-delà d'aujourd'hui.

- Eh bien, me voici. Aimeriez-vous venir à la maison partager mon gâteau d'anniversaire.

- C'est un bon début. Yumie est-elle au courant ?

- Je lui ai dit.

- Et elle a sauté de joie, je suppose, dit-il avec un sourire ironique.

- Non, Naruto. Mais tant pis.

Naruto prit une profonde inspiration.

- Peux-tu nous aider à rentrer les cerfs-volants ?

- Avec plaisir !

Elle lui emboîta le pas. Rien n'était résolu. Aucune concession n'avait été faite mais elle se sentait revivre. Il lui avait tendu la main, leur avait offert à tous deux une dernière chance. Maintenant, le dénouement de leur histoire mouvementée dépendait d'elle uniquement.

Tous trois ensemble, Naruto à la plus longue chaîne, Sakura à l'intermédiaire et Takami à la plus courte, ils ramenèrent les cerfs-volants à terre. A grand renfort d'éclats de rire, ils les entassèrent tant bien que mal dans l'habitacle étroit de la Porshe. Sakura ne put s'empêcher de remarquer comme ils s'entendaient bien tous les trois. Réussiraient-ils à attirer Yumie dans la chaleur de leur camaraderie ? Ils ne tarderaient pas à le savoir.

A leur grande surprise, elle les attendait adossé à la balancelle sur le perron.

- As-tu vu les cerfs-volants, Yumie ? s'écria Takami, courant à sa rencontre.

- Ils étaient beaux, répondit calmement Yumie avant de se lever avec l'expression d'un prisonnier partant aux galères.

- Mais tu n'as plus de plâtre ! Depuis quand ? continua Takami avec curiosité.

- Hier. Voulez-vous un gâteau ?

Naruto et Sakura échangèrent un regard. Yumie était raide comme un manche à balai, mais au moins essayait-elle de les accueillir avec politesse.

- Oui, Yumie, avec plaisir, répondit Naruto, sur le même ton.

- J'espère que vous aimez le chocolat.

- Formidable ! cria Takami, ravie, sans paraître remarquer la politesse exagérée de sa camarade. Tu as vraiment fait un gâteau toute seule ? ajouta-t-elle, sur un ton empreint d'admiration.

- Bien sûr, se rengorgea fièrement Yumie. Il était pour cet après-midi, mais comme vous êtes tous là...

- J'ai une idée, s'exclama Naruto. Il est presque l'heure de déjeuner. Va donc chercher notre pique-nique dans la voiture, Takami. Il y assez de sandwiches pour nous quatre.

- Quelle bonne idée, papa ! Vous voyez, madame Haruno ? Je vous avait dit qu'il était génial !

- Mais... commença Yumie, contrariée.

- Il y a du poulet froid, des sandwiches au jambon et une salade de pomme de terre, l'interrompit Takami. Papa a un appétit féroce !

L'humeur de Yumie se radoucit en entendant énumérer ses plats favoris.

- Ensuite, nous mettrons le couvert pendant que papa et ta maman se reposent au salon.

Partagée entre le désir de surveiller sa mère et l'amusement de préparer le repas avec une petite fille de son âge, Yumie hésitait. Sakura eut une inspiration subite.

- Si tu veux, Yumie, tu peux sortir une belle nappe. Car c'est jour de fête, aujourd'hui.

Cette suggection balaya ses dernières résistances et son petit visage s'éclaira.

- Et le service du dimanche ? Et les couverts en argent ? D'accord, allons-y Takami ?

 

 

Naruto et Sakura pénétrèrent dans le salon comme dans un sanctuaire. Elle s'assit sur le canapé, espérant qu'il viendrait l'y rejoindre. Mais il porta son choix sur un fauteuil de l'autre côté de la pièce. Il croisa les doigts et les contempla pensivement avant de parler.

- Sakura, je te dois des excuses pour la scène que je t'ai faite dans ton salon de coiffure. Je n'avais pas le droit de critiquer la manière dont tu élèves ta fille. La mienne est loin d'être parfaite. Considère donc ce que j'ai dit comme...

- Attends, Naruto. Certaines choses que tu m'as dites étaient justes.

- Et alors ? Cela ne justifie pas le fait que j'ai exprimé mon opinion sur quelque chose qui ne me regardait pas.

Sakura sentit son coeur chavirer. Avait-il perdu tout intérêt pour elle et Yumie ? Elle se redressa et croisa les mains sur ses genoux, comme une écolière sur le point de réciter une leçon.

- Néanmoins, je te suis reconnaissante de m'avoir ouvert les yeux sur certaines de mes erreurs.

- Par exemple ?

- Je me laisse influencer par Yumie et par ma faute, elle vit dans un cocon. A partir de maintenant, les décisions que je prendrai tiendront compte de mon propre bonheur, autant que le sien.

Elle fixait le trou noir de la cheminée et ne remarqua pas la lueur d'intérêt qui passa dans les yeux océans.

- J'ai trop besoin de certaines choses, moi aussi, finit-elle doucement, regrettant aussitôt ses paroles.

Elle révélait plus qu'elle n'en avait eu l'intention l'état d'esprit dans lequel elle se trouvait. Devinerait-il, par-delà ses paroles, qu'elle était tombée amoureuse de lui ? Si tout ce qu'il désirait était de s'excuser et la quitter en bons termes, il ne devait à aucun prix soupçpnner la profondeur de ses émotions.

- De quoi as-tu besoin, Sakura ?

Elle pesa la question, la prenant pour de la compassion, alors qu'elle s'était attendue à un désir brûlant. Elle avait tout gâché et se rendait bien compte à présent qu'il souhaitait se sortir de cette situation embarrassante en homme du monde.

Elle lui fit face, espérant que le désir qu'elle sentait croître en elle passerait inaperçu. De quoi avait-elle besoin ? De ses bras, de ses mains, de sa bouche, de sa compréhension, de son réconfort. De son amour. Tout à coup, elle refusa d'afficher plus longtemps une indifférence qu'elle ne ressentait pas et, levant les mains en un geste d'impuissance, elle haussa les épaules et le gratifia d'un sourire désarmé.

- Je vais te paraître bizarre, mais je te promets de ne  plus jamais t'importuner. Je suis dans une impasse. Car c'est de toi dont j'ai le plus de besoin.

Elle eut un rire léger.

- Mais comme je ne peux te demander de t'occuper d'une femme dont la fille est si agressive, je crois qu'il vaut mieux...

- Sakura ! s'écria-t-il, agrippant les accoudoirs du fauteuil comme pour ne pas tomber. Nos deux filles sont dans la cuisine en train de préparer le repas comme les meilleures amies du monde et tu me dis que tu as besoin de moi.

- Mais c'est toi qui l'as demandé !

- Oui, mais je m'attendais à un discours sur ta liberté, le genre de philosophie si chère aux femmes d'aujourd'hui. Et tu me dis que...

Incapable de continuer, il la fixait intensément.

- Le déjeuner est prêt ! cria Takami, sur le seuil.

- Nous reprendrons cette discussion plus tard, Blanche Neige, dit Naruto doucement, se levant. A propos, qui a fait ce mobile ?

- Yumie.

- Ah bon ? Tout espoir n'est pas perdu alors, plaisanta-t-il, offrant son bras à Sakura.

Sans un mot, elle le suivit dans la cuisine.

- Ne temble pas ainsi, murmura-t-il contre son oreille. Tout ira bien, Sakura.

Sakura avait le vertige mais elle se força à sourire en entrant dans la cuisine.

- Vous nous avez préparé un festin de roi, les enfants ! dit-elle avec un regard appréciateur sur la jolie table. Et ton gâteau a l'air si bon, Yumie !

- J'ai un peu râté le glaçage, s'excusa la petite fille, la bouche couverte de chocolat.

- Je suis allé un jour dans un restaurant très chic, commenta Naruto, et le glaçage du gâteau ressemblait comme deux gouttes d'eau au tien, Yumie.

- Vraiment ? interrogea la petite fille, sceptique.

- Exactement.

Yumie eut un soupir de soulagement.

- Avons-nous bien mis la table ? demanda anxieusement Takami.

- Tout est parfait, ma chérie, répondit son père. Sakura, assieds-toi en face de moi. Je ne veux pas te quitter des yeux.

Sakura rougit, inquiète de la réaction de Yumie à ces mots.

- Vous voulez la regarder parce qu'elle est jolie ? demanda-t-elle, se glissant sur une chaise à côté de sa mère.

- Oui, répondit Naruto avec simplicité.

- Vous avez raison. Elle est très belle.

Ses yeux allaient de Naruto à sa mère, tandis que les prémices d'un sourire se dessinaient au coin de ses lèvres.

- Ce gâteau était délicieux, s'écria Naruto avec un soupir de satisfaction, reposant sa fourchette sur la table.

- Merci, dit Yumie avec un sourire reconnaissant. En reprendrez-vous ?

- Avec plaisir, mais un peu plus tard. Lorsque vous reviendrez du cinéma.

Naruto plongea sa main dans la poche de son pantalon, à la recherche de son portefeuille.

- Je suis sûr que vous mourez d'envie d'aller voir le nouveau film de science-fiction, n'est-ce pas ?

- Oh oui ! L'as-tu vu, Yumie ?

- Non, répondit celle-ci. Mais j'aimerais bien. Puis-je y aller, maman ?

- Je n'y vois aucun inconvénient, balbutia Sakura.

- Voici de l'argent pour les entrées et les pop-corns à l'entracte, offrit Naruto, tendant à Takami un billet de cinquante dollars. Vous pouvez vos promener un peu après, mais ne soyez pas de retour dans plus de trois heures. D'accord !

- D'accord ! s'exclamèrent les petites filles, courant chercher leur manteau.

- Yumie, j'ai oublié de te dire que les chatons étaient sevrés. En veux-tu un ? demanda Takami enfilant son blouson dans le vestibule.

- Bien sûr ! répondit Yumie, claquant la porte derrières elles.

Naruto se tourna vers Sakura, lorsque le bruit de leur cavalcade se fut estompé.

- Les petits nains sont partis, Blanche Neige, et le Prince Charmant requiert votre présence au salon.

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