La Princesse d'Axerik
Après presque vingt-quatre heures de son départ, le navire atteignit enfin les terres d’Axerik. Lorsque Layton, Luke, Flora et Penelope descendirent, ils furent surpris par le spectacle qui s’offrait à eux. Il n’y avait qu’un seul mot pour décrire cette petite île inconnue au milieu de nulle part.
Féerique.
C’était ça. Sur la plage, le sable doré brillait sous les raillons du soleil. La mer semblait plus bleue et plus limpide que jamais, de toutes petites vagues frappant de temps en temps. La brise marine était assez forte pour secouer les feuilles des arbres qui marquaient la fin de la plage, mais assez faible pour ne pas être désagréable. Un joli mélange de bleu, de doré, de vert et de brun donnait l’impression que l’endroit n’était rien d’autre qu’un magnifique tableau sorti tout droit de l’imagination d’un illustre peintre.
Le personnel du bateau leur a expliqué les derniers détails. Les repas seraient servis à bord du véhicule à des heures précises. La nuit, ils pourraient revenir pour dormir dans leurs cabines. Ils avaient donc le reste de la journée pour se balader dans l’île et la découvrir.
« Une dernière petite chose », avait précisé le commandant aux passagers avant que ceux-ci ne descendent. « Pour ceux qui ne connaissent personne ici, il vaut mieux ne pas vous séparer de notre guide. L’île est plus grande qu’elle n’en a l’air et les habitants parlent une langue que vous ne comprenez pas. Vous risqueriez de vous perdre. »
Nos quatre protagonistes n’étaient pas compris dans cette catégorie, vu qu’ils étaient essentiellement venus pour retrouver quelqu’un. Mais le professeur préféra rester avec le guide jusqu’à ce qu’ils retrouvent Clive. Après tout, ce dernier ne savait peut-être pas qu’ils étaient venus, et eux ignoraient où ils pourraient le trouver.
Quelques voyageurs s’en allèrent. Ceux qui étaient restés avec le guide l’écoutaient alors qu’il leur parlait de l’île. Il a parlé de la légende, celle dont Clive avait parlé dans sa lettre, mais très vaguement et avec presque aucun détail. Comme s’il s’agissait d’une simple légende, rien de plus.C’était peut-être le cas, de toute façon.
Ils restèrent longtemps au port (si, toutefois, on pourrait l’appeler ainsi. Il n’y avait que deux bateaux. Et l’un n’était rien d’autre qu’un petit bateau de pêche). Apparemment, le guide voulait les mettre au courant de tout avant la visite. Alors après la légende, ce fut un bref résumé de l’histoire de l’île, sa culture, la langue locale… tant de détails qu’un touriste normal aurait adoré connaître, mais que nos protagonistes n’étaient pas d’humeur à suivre.
Enfin, pas tous. Hershel était très attentif. Non seulement c’était toujours intéressant pour lui d’apprendre quelque chose de nouveau, mais aussi (et surtout), il se doutait que certaines de ces informations allaient être importantes pour la suite. C'est-à-dire, dans la résolution d’un mystère dont il ignorait encore la nature.
Luke avait essayé de l’imiter, mais il se lassa vite.Tout ce qu’il voulait, c’était revoir Clive et lui demander ce qui était arrivé, qu’est-ce qui l’avait obligé à croire à cette légende si incroyable. C’est pour cette raison qu’il commença à discuter avec Flora à voix basse en essayant de trouver des théories. Penelope, quant à elle, se contenta d’admirer l’endroit. Qui se souciait de l’histoire, de l’économie et de la culture lorsqu’on avait droit à un paysage aussi subjuguant ? Elle se surprit elle-même à penser que la vie dans cet endroit devait être un rêve.
Le système juridique de notre pays est fou, pensa-t-elle. Envoyer une personne ici en guise de punition !
Cela aurait pu sembler juste, a priori, sauf que c’était faux.
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« Voilà ! La visite peut désormais commencer. »
Après avoir parlé pour une bonne demi-heure au moins, le guide décida de passer enfin à l’essentiel. Le professeur, son apprenti, sa fille adoptive et leur nouvelle amie s’apprêtaient à le suivre lorsqu’ils entendirent une voix les appeler. Appeler le professeur, plus exactement.
« Professeur ! Professeur Layton ! »
Ils se retournèrent pour voir un jeune homme s’approchant à grande vitesse. C’était lui qui appelait le professeur.
Il leur fallut quelques secondes pour le reconnaître.
En effet, maintenant qu’il avait changé de coupe de cheveux et de vêtements, il avait l’air réellement différent. Le temps qu’ils puissent réaliser que c’était lui, il les avait déjà rattrapés.
« Professeur, commença-t-il, haletant, mais souriant aux anges. Je suis réellement heureux de vous revoir.
-Clive ! Tu as drôlement changé ! S’exclama Luke. Oh ! Pardon, je ne devrais pas me montrer si familier… »
Le jeune homme dirigea son regard vers le garçon qu’il avait prétendu être quelques mois auparavant.
« Ce n’est pas grave. » Il lui fit un clin d’œil. « Nous sommes la même personne, après tout ! »
Puis il dirigea le regard vers la jeune fille brune debout devant le professeur.
« Bonjour, Flora. Comment vas-tu ? »
Flora était toujours un peu effrayée. Depuis qu’il l’avait kidnappée, elle avait peur de lui. Et en plus, il n’avait jamais présenté ses excuses. Néanmoins, elle essaya de garder un visage stoïque et de répondre aussi gentiment que possible.
« Bonjour, Clive. Je vais très bien, merci.»
Clive aperçut alors la quatrième personne qui était restée en retrait, tenant son sac à bandoulière très fermement et regardant autour d’elle avec un air légèrement émerveillé. Il plissa le front.
« Ah ! C’est vrai que tu ne la connais pas, remarqua Flora. C’est Penelope Koldwin, notre amie.
-L’amie de Flora, corrigea froidement Luke.
-C’est notre amie à tous les trois !
-Jamais ! Pas moi et surtout pas le professeur.
-Mais… »
Penelope soupira.
« C’est bon, Flora. De toute façon, ça m’est complètement égal d’être amie avec Luke. »
Clive sourit poliment.
« Enchanté, Penelope. »
Elle leva le regard vers lui et le dévisagea avec un air indifférent. Elle n’allait tout de même pas dire « moi de même » alors que ce n’était pas le cas, tout de même.
Heureusement, Hershel intervint pour sauver l’ambiance tendue qu’avaient générée la petite dispute entre Luke et Flora et le comportement étrange de Penelope.
« Alors, Clive, cette lettre ?
-Je suis vraiment heureux que vous ayez répondu à mon appel. Venez, je vais vous faire visiter l’île, et on parlera de cette légende. »
Il commença à marcher, suivi des quatre autres personnes.
« Vous savez, dit-il après quelques minutes de silence. J’ignorais complètement que vous alliez venir. J’ai juste par hasard croisé un voyageur qui m’a dit qu’un bateau venant de Londres venait d’arriver. Je me suis dit que vous seriez peut-être venus.
-C’est vrai que certaines personnes qui ne sont pas restées avec le guide sont parties plus tôt, remarqua Luke.
-C’était un homme très étrange, je dois avouer… mais bref, j’imagine que vous préféreriez en savoir plus sur autre chose.
-Nous ne demandons que ça. »
Clive s’arrêta brusquement.
« Vous avez lu la légende, pas vrai ?
-Oui, et ?
-Il s’est passé quelque chose de très étrange prouvant à tout le monde que ce n’était pas qu’une simple légende. »
Ça, ils s’en doutaient.
« Mais que s’est-il passé ? Demanda Luke.
-Vous souvenez-vous de la dernière partie de la légende ? »
Clive se retourna vers eux.
« Elle vient de se concrétiser. »
Un jour, une jeune fille va se présenter. Elle aura une voix harmonieuse avec le son des vagues et des cheveux flamboyants de la même couleur que la pierre philosophale. Cette fille sera la porteuse du pouvoir d'Axerik, et il suffira de répondre à une seule question qu'elle posera pour obtenir ce pouvoir.
Il avait tout prévu. Et c’était en train d’arriver.
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La princesse d’Axerik se releva, ferma le livre et le rangea dans l’étagère où il se trouvait. Elle jeta un dernier regard sur celui-ci, puis quitta la bibliothèque.
Alors qu’elle arpentait le couloir conduisant à cette pièce isolée du palais, elle entendit des pas venir vers sa direction. Elle ralentit le pas et, plissant les yeux, elle déplaça le regard vers le tournant du couloir.
Quelques secondes plus tard, sa demoiselle de compagnie apparut devant elle. Soulagée, la princesse se décrispa et avança.
« Ils sont arrivés », informa la demoiselle de compagnie.
La princesse ne répondit pas.
« Qu’allons-nous faire ? » Reprit la jeune fille.
Toujours aucune réponse.
La jeune demoiselle de compagnie regarda sa maîtresse avec hésitation, jusqu’à ce que celle-ci réponde enfin.
« Ce que nous allons faire ? Jouer notre rôle, tout simplement. »
-Mais alors…
-Je t’avais dit que tout était joué. Sais-tu pourquoi ?
-Heu… non…
-Parce qu’Axerik est bien plus puissant que nous tous réunis. Tout simplement. »
Ayant dit cette dernière phrase, la princesse reprit sa marche suivie par son accompagnatrice qui semblait un peu confuse. Bien que craintive, elle ne pouvait s’empêcher d’attendre avec impatience pour voir ce qui allait arriver.
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« Quoi ? La princesse est apparue ? Comme dans la légende ? S’exclama Luke.
-C’est ce qui est arrivé, confirma Clive. Il y a quelques jours seulement, une jeune fille nommée Fiona s’est présentée au conseil des chefs d’Axerik, un groupe formé des plus vieux sages de l’île qui prennent toutes les décisions importantes ici, et a affirmé être la personne dont Axerik parlait dans sa légende. Elle correspondait en effet trait pour trait à la description donnée dans la légende. Et depuis ce temps, elle séjourne au palais qui a été bâti il y a très longtemps pour attendre son arrivée. »
Penelope afficha un air incrédule.
« Rien que ça ! N’importe quelle fille aurait pu être la princesse d’Axerik, alors. Pour peu qu’elle ait les cheveux rouges !
-C’est vrai que seuls deux critères avaient étaient mentionnés dans la légende, agréa le professeur. Le premier est que ses cheveux aient la même couleur que la pierre philosophale. Et le second, une voix harmonieuse avec le son des vagues, est un critère assez imprécis. On pourrait l’interpréter comme on veut… »
Clive secoua la tête.
« Il n’y a pas que ça, sinon jamais personne ne l’aurait crue. Non, Fiona a aussi réalisé des miracles qu’une personne normale n’aurait jamais pu réaliser. Au début, j’ai refusé d’y croire. Voyez-vous, les habitants de cette île sont isolés du reste du monde. Ils ne savent rien des dernières inventions et technologies, et un simple jeu d’optique pourrait les duper. C’est pour cela que j’ai voulu voir ses « miracles » de mes propres yeux. Alors j’ai assisté à l’une des représentations qu’elle a donnée devant les quelques personnes qui refusaient encore de la croire, et…
-Et ensuite ? Demanda Luke avec impatience.
-Ce qu’elle fait ne peut être expliqué par la logique. »
Les quatre personnes furent comme choquées par cette réponse. Dans leur for intérieur, ils n’arrivaient pas à concevoir que les miracles puissent réellement exister. Même le professeur qui détestait porter des préjugés, ne trouva pas les paroles de Clive très cohérentes.
« Quel genre de miracles accomplit-elle ? » Demanda-t-il.
Le jeune homme exilé sourit alors.
« Je pense qu’il vaudrait mieux que vous voyiez cela de vos propres yeux. Le seul problème, c’est qu’elle ne donne plus ce genre de représentations, désormais que tout le monde la croit.
-Y a-t-il un moyen de lui parler ? Interrogea le professeur.
-J’imagine que oui. Elle est toujours au palais, mais je ne sais pas si elle reçoit des gens. »
Penelope reprit la feuille où la légende était écrite et qu’elle avait gardée après l’avoir lue aux autres. Elle balada le regard sur celle-ci puis releva la tête.
« Je croyais que la princesse poserait une question, et que celui qui pourrait y répondre obtiendrait le pouvoir d’Axerik.
-C’est ce que des gens de l’île ont essayé de faire, expliqua l’ancien journaliste. Ils sont partis voir la princesse et ont demandé quelle était cette question. »
L’espace d’un instant, les quatre voyageurs se demandèrent quel genre de question cela pouvait être. Une énigme, sans doute, mais quel genre d’énigmes ? Surement pas une énigme facile. Mais le professeur pourrait-il la résoudre ?
« Et quelle fut sa question ? » Demanda Flora, toute enjouée.
Mais Clive secoua à nouveau la tête.
« Ne vous réjouissez pas trop vite. C’est loin d’être facile… »
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« Quoi ? Encore une autre personne ? »
La princesse d’Axerik, Fiona, était assise sur son trône. Elle se demandait combien de personnes allaient continuer à venir lui parler dans la journée.
« Cet homme a étudié les légendes de l’île pendant plusieurs années, expliqua la demoiselle de compagnie. Peut-être parviendra-t-il à trouver la réponse ? »
Fiona éclata de rire.
« Quel sens de l’humour ! Allez, faites-le entrer. »
Quelques instants plus tard, l’homme en question était devant la princesse. C’était le treizième visiteur de la journée et il était persuadé qu’il n’allait pas échouer. Avec une voix très déterminée, il demanda à la porteuse du pouvoir de lui poser sa question.
Fiona se redressa sur sa chaise. D’un ton ferme, elle répéta ce qu’elle avait dit aux douze précédents.
« Trouvez la question que je veux vous poser, et répondez-y ! »
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Il quitta la salle après être resté muet pendant plusieurs secondes. Il était furieux, déçu, et tout ce qu’on pourrait s’imaginer être à sa place. Quant à la princesse, elle se leva en déclarant qu’elle allait faire une pause, et quitta la salle du trône à son tour, suivie par sa très fidèle demoiselle de compagnie.
« C’est ridicule ! Chuchota un des gardes à son collègue. Qui pourrait répondre à une question pareille ? »
L’autre garde lança un regard autour de lui avant de répondre à voix basse.
« Mais as-tu entendu ce que Virginia a dit ce matin ?
-Elle a dit quelque chose ?
-Oui. Elle a dit que la princesse lui avait dit… que tout ceci allait bientôt se terminer. »
Il fronça les sourcils.
« Tu veux dire… que quelqu’un va élucider ce mystère ? »
Mais l’autre garde semblait sceptique.
« Elle ne l’a pas précisé, mais je pense pas que ce soit le cas. Non, j’ai un mauvais pressentiment.
-Ah bon ? Quel genre de pressentiments »
Il regarda à nouveau autour de lui de crainte que quelqu’un ne l’entende.
« Virginia et la princesse ont un comportement très étrange ces derniers temps. J’ai l’impression que quelque chose de terrible va avoir lieu sur cette île et dans ce château.
-Arrête de dire n’importe quoi. »