La Princesse d'Axerik

Chapitre 10 : Le crépuscule d’une vie, l’aube d’une aventure.

3292 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 08/11/2016 15:25

Chapitre VII : Le crépuscule d’une vie, l’aube d’une aventure.

C’était une journée très spéciale.

Il faisait si beau. Le ciel semblait s’étendre vers l’infini. La mer était calme et sereine. Le sable brillait sous un soleil estival prononcé.

  

C’était une journée très spéciale.

Axerik était un endroit magnifique de nature, mais tous les habitants s’accordaient pour dire qu’ils n’avaient pas connu une journée pareille depuis un moment. Ce n’était pas juste le temps qui était agréable. Il y avait comme quelque chose dans l’air… quelque chose qui remplissait de bonheur et de joie les habitants et les quelques touristes arrivés ce jour-là.

 

C’était une journée très spéciale…

Car personne n’avait imaginé en se levant le matin, qu’une journée aussi pleine de vie allait se terminer avec un assassinat.

 

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Il ne se passa pas grand-chose après la découverte du cadavre, hormis l’état de confusion général qu’on pourrait imaginer dans ce genre de situation. Luke et Flora étaient sous le choc. Ils n’arrivaient pas à y croire. Ils se disaient qu’il devait y avoir une erreur. Peut-être qu’il était encore en vie, juste blessé. Peut-être que cette personne n’était pas le professeur, juste quelqu’un d’autre déguisé.

N’importe quelle excuse aurait pu faire l’affaire, mais le professeur ne devait pas mourir…

Mais il fallait se rendre à l’évidence. La vie n’est pas un roman policier. Et quand la mort arrive, rien ne peut la repousser, rien ne peut la retarder, et personne ne viendra nous dire que nous faisons erreur et que la personne que nous croyons morte est en fait toujours en vie.

Ce genre de chose n’arrive jamais dans la vraie vie.

C’est alors que le temps semble s’arrêter. On oublie les mystères, on oublie les énigmes, on oublie l’île magnifique et on oublie nos propres sentiments. On ne sait plus rien. On ne veut plus rien savoir.

On se retrouve face à une réalité qu’on ne peut pas accepter, ni renier. Une réalité qu’on n’aurait pu imaginer et qui pourtant vient d’arriver.

Le professeur Hershel Layton est mort.

Qu’il soit mort assassiné, et dans une île isolée du reste du monde, ces détails importaient peu. La seule chose à laquelle ils arrivaient à penser, la seule et l’unique, c’était ça.

Le professeur Hershel Layton est mort.

Et bien que pour les quatre personnes, ce n’était la première fois qu’ils voyaient quelqu’un mourir, cette fois-ci avait un gout spécial. Pour chacun d’eux, et pour des raisons différentes, la mort du professeur avait un impact très fort.

Le professeur Layton l’avait dit une fois. « La vie est ainsi, Luke, pleine d’événements inattendus. On ne sait jamais quand une personne peut nous quitter… »*

Mais savait-il en le disant qu’un jour, cela s’appliquerait sur lui ?

 

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Même dans de telles circonstances, la princesse ne se montra pas. Elle fit transmettre ses ordres à travers ses gardes : pour éviter de créer une confusion générale, il fallait garder cette histoire secrète pour un moment. Le corps du professeur fut transporté quelque part en attendant son enterrement ; et ses amis durent quitter le palais après avoir promis de respecter l’ordre de la princesse.

« Un meurtre, avait expliqué Clive, n’est pas une chose qui court les rues, ici. Même la police locale n’a pas vraiment d’expérience dans ce genre d’enquêtes. C’est pour ça que la princesse ne veut pas que les habitants apprennent quoi que ce soit. »

Mais personne n’était d’humeur à prêter attention à ce genre de détail. Même si Fiona n’avait rien dit, ils n’avaient pas le cœur d’aller propager cette nouvelle. Flora pleurait comme elle ne l’avait jamais fait auparavant. Elle était si abattue qu’elle ne trouvait même pas la force de dire à ses amis qu’elle avait été témoin des derniers mots du professeur. Elle se sentait coupable… pourquoi n’avait-elle rien fait ? Pourquoi n’avait-elle pas compris en entendant les paroles de Fiona ? Le professeur était la dernière famille qu’il lui restait, et elle venait de le perdre.

Luke, lui, n’arrivait même pas à pleurer. Pleurer voudrait dire qu’il acceptait déjà ce qui était arrivé, et ce n’était pas le cas. L’apprenti du professeur était l’une des personnes les plus proches de lui. Et le fait qu’il ne soit plus là… Luke refusait d’y croire. Le professeur n’était pas mort… il devait y avoir une explication.

Il devait y avoir une explication. Même s’ils venaient de voir son corps sans vie, même si le professeur « vivant » ne se montrait pas, même si nous mourrons tous un jour ou l’autre, même si…

Le professeur ne pouvait pas mourir…

Clive ne disait rien. Seul son regard trahissait le choc profond qui s’emparait de lui. Il se sentait coupable, terriblement coupable. C’était lui qui avait ramené le professeur en ces lieux. C’était lui qui l’avait poussé à entrer dans ce palais pour ne plus jamais en sortir.

Et quant à Penelope… elle ne disait rien, ne trahissait aucune émotion spéciale. Elle serrait doucement la main de Flora pour l’aider à marcher, et l’expression de son visage était assez… spéciale. Ce n’était pas du chagrin, pas de la surprise, pas un calme forcé ou une tentative de rester courageuse. Non, c’était autre chose…

Mais les autres n’ont rien remarqué.

 

Ce n’était pas une sensation qu’on pourrait vivre tous les jours. La mort a ce côté mystérieux qui la rend si effrayante que même les personnes les plus courageuses en ont peur.

Chagrin, douleur, reniement de la réalité, larmes, culpabilité, voici les sentiments qui s’emparent de nous au premier abord lorsqu’on apprend la mort de quelqu’un. Mais ce genre de sensations ne dure jamais éternellement.

Bientôt, elles s’effondrent pour laisser place à quelque chose de nouveau. Et en l’occurrence, ce « quelque chose de nouveau » était bien évident.

Le professeur Layton était mort, oui. Mais il avait également été tué. Et ce tueur était encore libre. Et le mystère de la princesse n’avait pas encore été résolu.

Et tant de questions restaient sans réponse.

Qui ? Comment ? Et surtout pourquoi ?

Ils étaient encore sous l’effet du choc, mais cette situation était très temporaire.

Et bientôt, nos amis allaient devoir comprendre que la mort du professeur devait (aussi dur que cela puisse paraître de l’avouer) être traitée comme n’importe quel autre meurtre qui intervient notre chemin lorsqu’on enquête sur quelque chose.

La mort du professeur n’allait être que le premier acte d’une histoire très longue. Une histoire qui touchera présent, passé et futur. Une histoire douloureuse et horrible. Une histoire qui ne se limite pas à Axerik, ou à Londres, ou à la personne d’Hershel Layton.

Mais ça, ils ne pouvaient pas encore le savoir.

 

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À l’entrée du palais, une jeune fille blonde parlait avec les gardes dans une langue bizarre. Elle semblait leur dicter des consignes. Puis, tournant les talons, elle rentra à nouveau dans l’immense demeure, et se dirigea vers une pièce bien précise.

Elle poussa la porte et, faisant le moins de bruit que possible, entra et ferma celle-ci derrière elle.

« Princesse… » murmura-t-elle en regardant l’autre jeune fille qui était assise sur le bord d’un lit très grand et très luxueux. Celle-ci fixait le sol d’un air vide, la tête baissée, les deux mains posées sur ses genoux.

La jeune fille leva le regard vers elle.

«Pourquoi… est-ce arrivé… si vite ? »

Ses larmes qui s’étaient finalement estompées commençaient à refaire face. La jeune fille blonde s’approcha d’elle et, s’accroupissant, posa ses deux mains sur celles de la Princesse.

« Vous saviez bien que ça devait arriver.

-Oui, mais… je… »

Elle éclata en sanglots.

« C’est bon, reprit l’autre. Ce n’était pas de votre faute à vous seulement. Nous sommes toutes les deux fautives. »

Elle sentit que ses propres yeux commençaient à devenir humides.

« Non, toi tu n’es pas fautive. C’est moi l’unique coupable, M…»

La princesse allait terminer sa phrase mais l’autre jeune fille l’arrêta.

« Ne le dites pas. Vous savez que nous n’avons pas le droit. »

La Princesse redirigea le regard vers le sol.Ce n’était pas de la tristesse, c’était de la douleur.

« Je sais. Je le sais, Virginia. »

Virginia serra la Princesse de Fiona dans ses bras.

« J’ignore qui doit le plus s’excuser à l’autre. Vous au professeur… ou moi à vous. »

 

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L’enterrement du professeur eut lieu le lendemain. Luke, Clive, Flora et Penelope y assistèrent, ainsi que quelques gardes envoyés de la part de la Princesse pour prendre les choses en main. À part ça, les villageois n’ayant pas été avisés du malheureux incident, il n’y eut personne d’autre. Et Fiona ne se montra toujours pas.

Le lieu choisi fut la grande forêt de l’île, celle où Clive avait rencontré l’homme qui lui avait appris l’arrivée du bateau de Londres. Tout d’un coup, l’aspect splendide et subjuguant de cet « endroit magnifique » s’estompait pour laisser place à une atmosphère sinistre, sinon triste.

Un enterrement, cela vient nous rappeler que la mort de cette personne n’était pas qu’un terrible cauchemar, mais bien une réalité. Ce jour-là, Flora pleurait encore, mais un peu moins que la veille. Clive gardait le même air dépassé. Penelope gardait la même expression indéchiffrable. Seul Luke avait changé.

Et si, la veille, il avait été silencieux et glacé par l’effet du choc, ce jour-là, debout devant la tombe du professeur Layton, il ne pouvait plus arrêter de pleurer.

Il a pleuré plus que le jour où Gaïa est morte, plus le que jour où il a dû quitter le professeur à cause du travail de son père, plus que Flora la veille, même plus que le jour où le professeur avait été transformé en statue de pierre. Il a pleuré comme il ne l’avait jamais fait auparavant.

Une fois le corps du professeur recouvert de terre, l’un des gardes apporta une pierre tombale sur laquelle le nom « Hershel Layton » était gravé et la déposa. Elle n’avait rien de beau ou de somptueux, mais personne ne s’en souciait.

Ceci ayant été fait, les gardes leur adressèrent froidement une formule de condoléances (que Clive prit soin d’expliquer tant bien que mal aux trois autres) et s’en allèrent. C’était fini. L’enterrement du célèbre Professeur Hershel Layton se limitait à cela. Une cérémonie donnée par trois enfants, un jeune homme en exil, et trois gardes, dans une forêt au milieu de nulle part sur une île au milieu de nulle part.

« C’est très ironique, n’est-ce pas ? Murmura Clive à Penelope, la seule personne qui était dans un état lui permettant de l’écouter et de lui répondre.

-Je ne crois pas que ça ait la moindre importance pour lui, désormais, répondit-elle en fixant la tombe du professeur.

Sa voix était étrangement calme. Elle n’avait même pas levé le regard vers lui lorsqu’il lui avait parlé, et Clive trouva son attitude assez bizarre. Il voulait lui demander ce que la mort du professeur voulait dire pour elle. Elle ne semblait pas assez proche de lui pour être affectée autant que Luke et Flora, mais en même temps, il fallait avoir un cœur de pierre pour rester impassible devant un tel événement. Il ouvrit la bouche pour poser sa question, mais son attention se porta immédiatement sur autre chose.

Si Flora commençait à se calmer un petit peu, Luke lui, était en pleine crise. Comme s’il venait juste de réaliser ce qui venait de se passer. Il était accroupi par terre, et ses larmes glissaient sur ses joues aussi rouges que le reste de son visage. C’était comme si son propre père venait d’être enterré.

« Luke… »

Flora, serrant doucement son petit mouchoir mauve entre les mains, le regardait d’un air attristé. Clive s’approcha pour essayer de le réconforter, mais s’arrêta simplement car il ne savait pas quoi dire. Et Penelope, regardant toujours la tombe du professeur Layton, ne se retourna même pas.

Le jeune garçon porta alors sa main à son visage et essuya d’un geste rapide ses larmes. S’appuyant contre le sol, il se leva et rajusta la casquette qui lui cachait la moitié du visage. Puis regarda droit vers ses trois compagnons.

Dans ses yeux, un air nouveau venait de naître. Quelque chose qui ressemble à de la détermination avec un peu de colère. Finies les larmes. Fini le comportement de gamin. Il était temps de faire honneur au professeur Layton et d’agir en parfait gentleman !

« Je trouverai l’assassin du professeur Layton. Mes pieds ne quitteront pas cette île tant que je ne l’aurai pas trouvé. »

 

C’est ainsi que le tournant de l’histoire changea complètement. Ils étaient venus pour résoudre le mystère de la Princesse. Les voilà désormais cherchant à trouver celui qui a tué Hershel Layton. Oui, la vie est vraiment imprévisible.

Cependant, il paraissait plus que probable que les deux affaires se chevauchaient. Souvent, pour trouver une vérité, nous devons en dévoiler plusieurs. Et nos quatre protagonistes s’attendaient à ce qu’ils recroisent dans leur chemin cette légende d’Axerik.

Ce qu’ils ne savaient pas, c’était que leur ennemi les observait de très près, et qu’il ne comptait pas se faire avoir très facilement.

Ils veulent jouer ? Bien, nous jouerons.

 

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Un endroit inconnu. Une heure inconnue. Et deux personnes inconnues debout l’une en face de l’autre.

« Alors c’est toi qui as tué Layton ? Cela ne me surprend qu’à moitié.

-Ah bon ?

-Disons… que quelques signes m’ont préparé à recevoir une telle nouvelle.

-J’ai chamboulé tous tes plans, pas vrai ?

-Oui… mais cela m’arrange.

-Je m’en doute. »

Silence.

« Et sinon, pourquoi est-ce que tu viens me le dire, à moi, comme ça, tout d’un coup ? Tu te sens coupable ? »

Nouveau silence.

« En réalité… j’ai besoin d’aide. Et tu es la seule personne à qui je puisse m’adresser. »

Nouveau silence.

« Alors, m’aideras-tu ? »

Sourire.

« Il s’avère que j’aie moi-même besoin d’aide. Et si nous faisions un pacte ?

-Tu sais très bien que je ne peux pas refuser.

-Oui. Après tout, l’enjeu est très important pour toi.

-Je crois qu’aucune autre raison au monde n’aurait pu me persuader de le tuer. Pas même si ma propre vie était en danger.

-Eh bien je peux tout à fait comprendre. »

Un autre silence.

« Je t’aiderai. »

 

 

*Pour la citation du professeur, voir Professeur Layton et l’ultime énigme, chapitre 8.

 

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