La Princesse d'Axerik

Chapitre 11 : Ce n'est pas si facile...

4114 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 06/08/2016 01:03

Il n’y a rien de plus douloureux dans la vie qu’une chose vraie. Une vérité qui nous poignarde en criant « Alors, qu’est-ce que tu va faire maintenant ? » Avec un ton moqueur et méprisant. On ferme les yeux. On les ouvre. Et elle est toujours là. On pleure. On se lamente. On souhaite qu’elle disparaisse. Et elle est toujours là. On espère que c’est juste un cauchemar. On s’attache aux derniers petits espoirs inexistants. Et elle est toujours là.

Luke avait décidé que cette vérité n’allait pas le vaincre.

Il savait que trouver le meurtrier n’allait pas rendre le professeur à la vie. Il savait qu’il n’était qu’un enfant vulnérable. Il savait qu’il avait affaire à quelqu’un de si intelligent et de si fort que même le professeur Layton avait perdu face à lui.

Mais il voulait quand même défier cette vérité.

« Je trouverai l’assassin du professeur Layton. Mes pieds ne quitteront pas cette île tant que je ne l’aurai pas trouvé. »

Clive et Flora le regardèrent.

« Luke… »

Les dernières larmes qui n’avaient pas encore séché brillaient encore sur son visage. Flora prit un profond souffle, et avança vers lui.

« Si c’est ainsi, alors moi aussi je veux aider. Je n’ai jamais été utile au professeur de son vivant, mais maintenant qu’il est… mort… »

Elle secoua violemment la tête pour s’empêcher de pleurer à nouveau.

« Maintenant qu’il est mort, je ne veux plus continuer à être la petite fille faible qui ne fait que s’attirer des problèmes et se faire sauver. J’aiderai à trouver cette horrible personne qui a osé faire cet horrible acte ! »

Clive avança à son tour vers Luke et Flora et posa une main sur l’épaule de chacun.

« Vous aurez besoin d’un adulte pour une tâche pareille. Ma situation ici est assez délicate compte tenu de mon statut d’exilé, mais je ferai de mon mieux pour vous aider, ne serait-ce que pour la langue. »

Luke et Flora, pour la première fois, parvinrent à sourire. Un sourire faible, hésitant, mais ils sourirent quand même. La tâche s’annonçait très ardue, mais au moins, ils n’allaient pas être seuls.

Les trois regards se dirigèrent alors vers la dernière personne qui n’avait pas encore parlé. Les bras croisés, le regard fixé sur la tombe du professeur, Penelope se tenait toujours en retrait. Mais ils avaient encore espoir qu’elle accepte de les aider.

« Lopy… » Appela Flora.

La jeune fille se retourna. Il n’y avait sur son visage ni larme ni sourire. Juste une expression très neutre.

« Le professeur m’a accueillie chez lui, et c’est le père adoptif de Flora. En plus, je ne peux pas être la seule du groupe à refuser de participer à l’enquête. Et je ne vous cacherai pas que je suis très curieuse d’apprendre l’identité de cet assassin. Alors oui, je vous aiderai.»

Le visage des trois autres s’illumina. À un moment, ils avaient vraiment cru qu’elle allait refuser.

Mais Penelope esquissa un sourire qui n’avait rien à voir avec les leurs.

« Vous pensiez vraiment que j’allais dire ça ?

-Hein ? »

Elle avança jusqu’à eux.

« « Je trouverai l’assassin du professeur», « Je ne veux plus être une fille faible », « je ferai de mon mieux pour vous aider malgré ma situation ». Vous vous croyez dans un jeu ou quoi ? »

Elle parlait comme un adulte qui grondait des enfants pour une bêtise qu’ils auraient commise.

« Tout ça est vraiment mignon, mais permettez-moi de vous demander une chose : ouvrez les yeux. Nous sommes venus ici juste pour accompagner le professeur pour résoudre un mystère qui n’a rien à voir avec cet assassinat. Nous ne savons rien du tout, nous ne comprenons même pas la langue parlée ici. Nous n’avons aucune influence, aucune force. Et malgré tout, vous voulez qu’on se lance dans une aventure risquée et presque impossible. Et pourquoi ? Dans quel but ? Et alors, si vous trouvez cet assassin ? Vous vous vengerez ? Est-ce vraiment ce que vous voulez ? Si c’est le cas, alors je suis vraiment désolée pour le professeur qui avait des amis comme vous ! »

La détermination qui avait gagné Luke, Flora et Clive fut tout de suite refroidie par ces mots. D’abord sous forme de colère contre cette personne qui osait parler de la sorte, leur sensation vira très vite au doute. Avait-elle raison ?

Mais une personne n’était pas d’accord avec tout ça.

« Écoute, si tu n’as pas envie de te fatiguer, alors fais ce que tu veux, mais ne viens pas me formuler des excuses aussi faibles en espérant me remettre en question. Je ne renoncerai pas à ma décision.

-Tu me sembles bien têtu, pour un gamin. »

Luke commençait vraiment à en avoir assez de cet appellatif.

« Le « gamin » avec qui tu parles n’est pas aussi naïf que tu crois. Tout ce que tu as dit, tu crois que je ne le savais pas ? »

Elle ne répondit pas. Luke enchaîna.

« Je ne vais pas argumenter ni t’expliquer pourquoi je veux trouver celui qui a tué le professeur. Si tu ne veux pas nous aider, alors à la bonne heure ! Ce n’est pas comme si tu servais à quelque chose ! »

Offusquée, la jeune fille répliqua immédiatement.

« Parce qu’un gamin stupide qui croit pouvoir attraper un tueur tout seul, ça sert à quelque chose ? »

Flora les regrada, choquée. Ça lui faisait de la peine de voir ses deux meilleurs amis se disputer comme ça, surtout dans un moment pareil. Elle tenta alors de les arrêter.

« Luke, Lopy, ce n’est vraiment pas le moment, alors arrêtez !

-Flora, honnêtement », lui dit Luke. « Tu devrais mieux choisir tes amis. 

-Allons, Luke, le professeur serait vraiment déçu de t’entendre parler comme ça », essaya-t-elle de le raisonner. « Ce n’est pas du tout digne d’un gentleman ! »

Luke se figea immédiatement. Il était là, debout devant la tombe de son mentor, en train de se comporter d’une manière qui aurait terriblement déçu ce dernier, en train de prouver à Penelope qu’il n’était vraiment qu’un gamin. Il commençait à vraiment avoir honte de lui-même.

« Je suis désolé, Flora. » Dit-il simplement en baissant la tête.

Le silence s’installa. Ils étaient encore troublés par la mort du professeur, troublés par la querelle qui venait d’avoir lieu, troublés par les mots de Penelope, troublé par un fait qu’ils venaient juste de réaliser.

Tous les quatre, ils pouvaient sembler assez proches, mais ce n’était pas le cas. Luke et Flora se connaissaient depuis un moment mais n’étaient toujours pas assez proches, Clive était juste quelqu’un avec qui ils n’avaient vécu qu’une seule aventure (et, qui plus est, sous une autre identité), et Penelope n’était qu’une fille au caractère difficile qui n’arrivait à s’entendre avec personne.

En fin de compte, la seule chose qui les liait, c’était le professeur. Et le professeur n’existait plus.

Alors est-ce qu’une équipe pareille pouvait vraiment arrêter un assassin ?

Même Luke ne pouvait plus se mentir à ce stade-là. Ils en étaient incapables.

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Un silence lourd régnait alors que nos quatre protagonistes reprenaient leur chemin pour rentrer. Personne n’avait plus rien dit depuis que Luke s’était excusé.

 

Penelope marchait la première. Derrière elle, Clive et Flora, et finalement Luke qui avait repris l’expression qu’il avait eue le jour de la mort de Layton. Pourquoi est-ce que les choses devaient se passer ainsi ? Pourquoi est-ce que les personnes qu’il prenait pour ses amis semblaient soudain si loin ?

Lorsqu’une personne meurt, songeait-il. Ce n’est pas juste elle qui disparaît, mais aussi toutes les choses qu’elle nous apportait. Le professeur donnait tout son sens à notre équipe, et sans lui, nous ne sommes plus capables de rien.

 

Ils s’arrêtèrent à la sortie de la forêt. Et une question très pertinente fut aussitôt posée par Flora.

« On part où, maintenant ? »

Flora, Clive et Penelope s’échangèrent un regard.

« Vous pouvez venir chez moi », suggéra le jeune homme. « Nous allons nous reposer un peu puis je vais vous faire visiter l’île. »

Il sourit aimablement aux autres en espérant que ça détendrait un peu l’atmosphère.

« C’est une bonne idée », s’exclama Flora en se mêlant à son jeu. « On y va ? 

-Ça me changera les idées », répondit Luke en soupirant.

Penelope tourna les talons.

« Allez-y sans moi. Je suis fatiguée. Je vais revenir au bateau et me reposer dans ma cabine. »

Et avant même que Flora ne puisse lui demander de rester avec eux, elle s’était déjà éclipsée.

« Cette fille est une experte lorsqu’il s’agit de partir au pire moment », souffla Luke.

Et sur ce, lui, Clive et Flora s’en allèrent.

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« Ouah ! C’est délicieux ! » S’exclama Flora en avalant une gorgée du thé que Clive venait de lui servir.

« N’est-ce pas ? C’est une spécialité locale. »

Il allait ajouter « J’aurais adoré en faire goûter au professeur », mais préféra ne pas le dire.

« Et ta maison est si grande et si jolie », reprit-elle avec enjouement. « Tu as même un jardin, c’est sublime. »

Clive se mit à rire.

« On ne dirait pas un prisonnier, n’est-ce pas ? Et dire qu’à Londres, même un bon citoyen aurait du mal à se procurer une maison pareille ! 

-Décidément, cette île est remplie de belles choses ! »

Clive et Flora discutaient et rigolaient, tandis que Luke se tenait toujours en retrait. Il n’avait même pas envie de goûter à ce thé qui plaisait tant à Flora. Flora et Clive… ça se voyait à des kilomètres qu’ils essayaient d’avoir l’air joyeux pour le calmer.

« Cette île est remplie de belles choses » ? Une île où le professeur a été tué n’a rien de beau. Voilà ce que Luke voulait leur hurler. Mais il savait qu’au fond, ils étaient aussi déprimés que lui.

Son esprit commençait à ressasser les événements qui ont précédé la mort du professeur. Non pas dans le but d’enquêter, non, ils avaient tous abandonné cette idée, désormais, mais juste car c’est ce que tout le monde fait lorsqu’une personne meurt, que ce soit une mort naturelle ou pas. On se rappelle des derniers instants qu’on a vécus avec cette personne. Ces instants où on ignorait encore qu’elle ne serait bientôt plus parmi nous.

La dernière fois qu’il avait vu le professeur vivant, c’était lorsque ce dernier s’est séparé d’eux pour aller voir la Princesse. Celle-ci avait exigé de ne voir qu’une seule personne, et le professeur était parti.

Luke se creusait la tête pour se rappeler de la dernière chose qu’avait dit le professeur. Il les avait salué avant de partir, mais sinon, juste avant, qu’avait-il dit ?

Le souvenir revint vite au jeune apprenti.

« Garde-le. »

Le professeur avait parlé à Penelope. Il était même revenu rien que pour lui rendre un simple journal. Penelope avait dit qu’il contenait un article sur Folsense, mais ne donna pas plus de détails.

Luke sursauta.

Folsense ! Il y a quelques mois, le professeur avait résolu une affaire de meurtre à Folsense. Et là, tout d’un coup, un journal apparaît et parle pour la première fois de cette affaire déjà oubliée. Le professeur lit ce journal. Et comme par hasard, le jour même, il se fait assassiner.

Et puis il avait tant insisté pour que Penelope garde ce journal. Cela ne pouvait pas être une coïncidence.

« Luke, qu’est-ce qu’il y a ? » Demanda Flora en remarquant le choc qui commençait à se dessiner sur le visage du jeune garçon.

Luke se leva.

« Je suis très fatigué moi aussi », dit-il à ses deux amis. « Je vais rentrer. »

« Toi aussi ! » S’exclama Flora, déçue. « Mais Luke, nous allions visiter l’île et… »

« Je suis vraiment désolé, mais il faut que je parte. Clive, merci pour ton accueil.»

Et il se leva puis partit en courant.

« Ce n’est pas possible ! Pourquoi sont-ils comme ça ? » Se lamenta la jeune fille.

« Il faut le comprendre », lui expliqua Clive en posant une autre assiette devant elle. « Il est encore très triste, et il a besoin de repos. »

« Sans doute… » murmura-t-elle en plantant sa fourchette dans le nouveau plat.

 

Luke était essoufflé, mais il continuait de courir. Il ne voulait rien dire à Clive et à Flora car il n’était pas sûr de lui-même, mais il fallait vraiment qu’il rentre au bateau au plus vite.

Il avait découvert une chose très dangereuse.

Non, il avait abandonné, aussi bien que les autres, l’idée de mener une enquête. Mais il ne s’agissait pas de cela. C’était pour autre chose.

Le professeur a été assassiné à cause de ce journal, il en était sûr. Il a vu quelque chose et c’est pour ça qu’il a été tué. Et, si c’était le cas, alors une autre personne était en danger.

Penelope.

Après tout, elle et le professeur étaient les seuls à l’avoir consulté. Et si le professeur avait remarqué quoi que ce soit, alors surement elle aussi. Elle était partie seule au bateau, et courait donc un grand risque.

Elle était probablement la prochaine cible de l’assassin.

Et, bien que Luke n’appréciât pas vraiment cette personne, il ne pouvait pas la laisser mourir. En tant que gentleman, en tant qu’humain, il ne pouvait pas.

Son esprit est allé très loin alors qu’il courait toujours en essayant de se souvenir du chemin. Penelope avait joué un rôle-clé dans l’histoire de Flosense, trois moi auparavant. Elle était la cible parfaite.

« Pourvu que je n’arrive pas trop tard ! »

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Penelope ouvrit la porte de sa cabine et entra. L’endroit était plutôt petit, mais comme elle n’avait pas habité dans une maison très luxueuse depuis ses six ans, ça ne la dérangeait pas vraiment.

Elle enleva son sac et le posa sur la table. À peine ceci fait, elle entendit frapper à sa porte. Légèrement surprise, elle alla ouvrir.

Une femme d’âge mûr se tenait devant elle. Elle semblait assez troublée.

« Excusez-moi, mon enfant, ma nièce s’est perdue et je n’arrive pas à la retrouver. N’est-elle pas rentrée dans votre cabine ? »

Penelope secoua la tête.

« Non, je viens juste d’entrer. »

La femme s’affola encore plus.

« Oh mon Dieu ! Qu’est-ce que je vais faire ? 

-Je peux vous aider à la chercher, si vous le souhaitez », suggéra Lopy.

« Vraiment ? Oh merci, vous êtes un ange ! »

La dame s’en alla et Penelope la suivit. Elle ferma la porte et sortit ses clés, puis les rangea aussitôt. Ça ne servait à rien de fermer à clé. Il n’y avait presque personne à bord du navire à une heure pareille, et l’enfant ne s’était probablement pas bien éloignée.

Elle partit donc avec la femme chercher sa nièce.

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Luke arriva enfin au bateau. La cabine de Penelope était juste entre la sienne et celle de Flora. Il fallait qu’il s’y rende au plus vite.

Il avait un terrible pressentiment.

Le bateau était quasiment vide. C’était normal, puisqu’il était encore jour et que la plupart des voyageurs étaient en train de se balader dans l’île. L’heure était donc parfaite pour un criminel pour s’infiltrer et commettre un meurtre sans que personne ne le remarque.

Un terrible pressentiment…

Il arriva à la chambre de Penelope, et frappa nerveusement à la porte. Une fois. Deux. Aucune réponse. Il poussa la poignée et la porte s’ouvrit. Elle n’était pas fermée à clé.

Il poussa la porte et entra tout en appréhendant ce qui l’attendait.

La chambre était vide.

Luke fut étonné. N’avait-elle pas dit qu’elle rentrait se reposer ? Où était-elle ? Et pourquoi la porte était-elle ouverte ?

Un terrible pressentiment…

Il remarqua soudain le sac dont la jeune fille ne se séparait jamais posé sur la table. Elle l’avait encore avec elle ce matin. Cela voulait dire qu’elle était bien venue dans cette cabine.

Il avança vers la table. Le journal… Penelope l’avait rangé dans son sac. Il fallait absolument qu’il voie ce qu’il contenait. Fouiller dans les affaires des autres n’était pas du tout de son genre, mais les circonstances étaient spéciales, et une vie était peut-être en danger.

Il ouvrit le sac. Et commença à chercher ce fameux journal. Le sac qui, d’ailleurs, ne contenait pas grand-chose. Le gros livre de Penelope, le journal intime de son grand-père, occupait presque toute la place. Luke le retira pour mieux chercher tout en se demandant comment elle pouvait transporter partout avec elle une chose aussi lourde.

Et soudain, son sang se glaça, et un frisson parcourut tout son corps.

C’était à cause de ce qu’il venait de voir.

Le journal était bien là, mais il n’eut même pas le temps de le regarder. Il y avait une autre chose dans le sac de Penelope Koldwin.

Une arme à feu.

Les yeux écarquillés, le corps tremblant, Luke fixait cette arme… lorsque soudain, il entendit des pas venir vers lui.

Un terrible pressentiment…

Il leva lentement la tête. Penelope Koldwin était debout devant lui.

« Alors comme ça, ton cher professeur ne t’a jamais appris qu’il était mal de fouiller dans les affaires des gens ? »

Son cœur ne fit qu’un bond.

« Penelope… cette arme… »

La jeune fille lui lança un sourire sadique.

« Elle appartenait à monsieur Bruno, qui ne s’en est d’ailleurs jamais servi. Maintenant qu’il est mort, elle est à moi. »

D’un geste brutal elle la retira de son sac. 

« Et c’est pour ça que je l’ai ramenée avec moi. Pour tuer Hershel Layton ! »

Luke se glaça. Non !

« Non ! 

-Si. »

Penelope regarda l’arme à feu, puis à nouveau, Luke.

« Tu semblais très choqué par la mort de ton mentor. Bon, dans ce cas, tu n’as qu’à le rejoindre… »

Lorsqu’elle leva l’arme et la pointa vers lui, Luke comprit, mais un peu trop tard, la nature de ce terrible pressentiment.

Il était venu pour la sauver, et allait devenir sa victime.

 

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