La Princesse d'Axerik

Chapitre 12 : Qu'est-il en train de se passer ?

3543 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 08/11/2016 15:41

Le regard glacial, un sourire plus que sadique accroché au visage, Penelope pointait son arme sur le pauvre Luke.

Penelope ne ressemblait pas à une tueuse. Elle donnait plutôt l'impression d'être une fille frêle et fragile. Sa peau pâle et sa maigreur pourraient presque lui donner l'air d'être malade.

Mais ça, bien sûr, c'est quand on ne connaît pas sa personnalité.

Quand on l'a entendu parler, quand on a vu le nombre de fois où elle a parlé avec mépris au professeur, quand on a vu sa colère le jour de l'accrochage avec Katia, quand on l'a entendue dire au professeur « Vous ne vous rendez pas compte de la bêtise que vous vous apprêtez à faire » le jour où il lui a proposé de venir vivre avec eux, quand on a vu sa réaction à la mort du professer, quand on a vu son opposition totale à l'idée de mener une enquête pour trouver l'assassin, enfin quand on a vu une arme dans son sac...

Quand on a vu tout ça, alors l'idée qu'elle soit une meurtrière n'est plus du tout impossible.

Et Luke, qui avait vécu toutes ces choses, se retrouvait maintenant devant une évidence qu'il aurait dû déduire il y a un moment.

« Toi ! Je t'ai toujours trouvée louche. J'aurais dû m'en douter que c'était toi ! »

La jeune fille sourit. Jamais elle n'avait été aussi effrayante.

« Parfois, la stupidité coûte sa vie à son propriétaire. Sur ce point-là, tu es exactement comme ton mentor... »

Luke la détestait. À cet instant, il la détestait plus que tout au monde.

« Eh bien adieu, Luke Triton. Ce fut un véritable déshonneur de t'avoir connu ! »

Ses doigts s'approchaient lentement de la gâchette sous le regard terrifié du pauvre Luke. Il ne voulait pas lui montrer qu'il avait peur d'elle, mais il avait réellement, terriblement peur.

Désolé, professeur, j'ai échoué.

Il ferma les yeux et attendit le coup de grâce. Une seconde. Deux secondes. Trois secondes...

Le coup de grâce n'arriva pas.

Il rouvrit les yeux pour voir une Penelope toute détendue, jouant avec le pistolet entre ses doigts, et le regardant avec un air de pitié.

Lorsqu'il la regarda avec son air surpris, elle éclata de rire.

« Pitoyable ! Tu es vraiment pitoyable ! » S'exclama-t-elle d'une voix étouffée de rire. « Comme si j'allais perdre mon temps à tuer quelqu'un comme toi ! »

Luke eut l'impression que son cerveau allait s'arrêter. Mais que se passait-il, à la fin ?

« J'avais une bonne raison de vouloir tuer Layton, mais toi... »

Elle lui lança un regard plein de mépris...

« Si tu veux mourir, trouves-toi un autre moyen. Je ne tue pas les gamins. »

Une seconde. Deux. Trois...

Luke se jeta sur elle. Violemment, il lui retira l'arme des mains puis, rassemblant toute sa haine, sa colère, et même sa tristesse, il lui donna un coup de poing assez fort pour la faire tomber.

Et si quelqu'un, à cet instant, avait osé lui dire que l'un des principes de base pour n'importe quel gentleman était de ne pas frapper une lady, il lui aurait hurlé de toute sa force que cette fille était tout sauf une lady. Et que quand même elle en serait une, il aurait préféré ne plus être un gentleman plutôt que de la laisser.

Cette fille, il avait toutes ses raisons pour la haïr. Elle était si insolente, elle était si inhumaine, elle était si orgueilleuse. Elle se moquait sans cesse de lui. Elle lui avait fait vivre la peur de sa vie...

Et surtout, par-dessus tout, elle avait tué le professeur Layton !

Plutôt mourir que de ne pas lui donner ce qu'elle mérite !

« Tu... tu me le paieras ! » Hurla-t-il alors que les larmes commençaient à glisser sur ses joues. « Des gens comme toi devraient disparaître de l'univers ! »

Penelope leva les yeux vers lui, écartant lestement ses cheveux pour qu'il puisse parfaitement voir l'expression de son visage. Elle n'était pas en colère, ni effrayée. Elle souriait toujours.

« C'est qu'il compte vraiment pour toi, le professeur ! Encore un point sur lequel nous n'arriverons jamais à nous entendre. »

Luke serra les poings. Ses larmes jaillissaient de ses yeux tremblants. Que se passait-il donc ?

« Je hais Hershel Layton. »

...

« Je le hais plus que tout. »

...

« Je ne sais même pas comment vous n'avez pas remarqué... »

Un bruit se fit entendre. L'arme que Luke tenait encore dans la main, il venait de la lâcher. Il était hors de question qu'il garde en main cette horrible chose qui avait tué le professeur.

Il allait la tuer de ses propres mains.

Se jetant à nouveau sur elle au moment même où elle allait se lever, le jeune garçon laissa sortir toute sa rage. Il était furieux. Il voulait la démolir.

« Eh ! » Hurla-t-elle. « Arrête un peu. Tu m'étouffes !

-Eh bien tant mieux !

-Luke ! »

Il agrippa le col de sa robe. Oui... il allait la tuer ! Il allait lui faire regretter ce qu'elle avait fait.

« Tu n'es vraiment qu'un idiot !

-C'est toi l'idiote !

-Eh bien vas-y, tue-moi ! Si tu en as le courage, fais-le ! L'arme est juste là par terre ! »

Luke la fusilla du regard.

« Je n'ai pas besoin de cette horreur ! »

Elle esquissa un sourire et Luke se demanda sérieusement comment elle pouvait sourire à un moment pareil.

« Parce que toi, tu n'es pas quelqu'un d'horrible ? »

Un regard interrogatif.

« Si tu me tues, alors tu ne vaudras pas mieux que moi. La vengeance est la justice des imbéciles, on ne te l'a jamais dit ? »

Sitôt ses mots prononcés, elle reçut un nouveau coup de poing.

« Je n'ai pas de lesson à recevoir d'une meurtrière. Encore moins de la meurtrière du professeur ! Claire était une si bonne personne, je n'arrive pas à croire que sa fille puisse être un tel démon ! »

Il serra ses deux mains autour de son cou. Sous l'effet de la fureur, il était prêt à l'étrangler quand soudain, un cri se fit entendre.

Luke et Penelope regardèrent immédiatement du côté de la porte restée ouverte. La femme de tout à l'heure, celle qui avait perdu sa nièce, était debout.

« Que... lâchez-là immédiatement ou j'appelle la police ! »

Luke s'exécuta, ne pouvant faire autrement. Penelope le poussa, et essaya de se lever.

La dame, apparemment touchée par l'aide que lui avait fourni la jeune fille un peu plus tôt, se rapprocha d'elle, inquiète.

« Allez-vous bien, mon enfant ? Vous êtes blessée... »

Penelope toucha légèrement sa joue où le dernier coup de poing avait laissé une trace de sang.

« Ce n'est rien. »

Mais la dame approcha du bureau.

« Ils mettent une trousse de secours dans chaque cabine normalement... Voyons voir... il me semble qu'elle était là... »

Elle commença à chercher dans les tiroirs alors que Penelope la rejoignait.

« Vous êtes sûre qu'il y en a une ?

-Euh... oui ! La dernière fois que je suis venue sur l'île, il y en avait une. »

Alors elle est déjà venue ici, songea Luke qui était encore par terre, ne trouvant la force de se relever.

« Eh bien on dirait qu'ils ont changé le système », déclara-t-elle finalement après avoir inspecté le dernier tiroir.

« Ne vous en faites pas », la rassura Penelope. « Ce n'est qu'une petite blessure de rien du tout. Inutile de s'en soucier. »

La dame sourit.

« M'en voilà rassurée. Nous étions en train de chercher Lily lorsque vous êtes partie si subitement. Je n'ai pas pu m'empêcher de m'inquiéter et, dès que j'ai trouvé ma nièce, je suis venue pour m'assurer que vous alliez bien, mais aussi pour vous remercier.

-Alors vous avez trouvé la petite Lily ? Ne vous inquiétez pas pour moi, si je suis partie si subitement, c'est parce que j'ai remarqué mon ami ici présent (elle jeta un regard vers Luke) était venu me voir. Je ne pouvais tout de même pas le laisser devant la porte ! »

Oui, c'est ça ! Songea l'apprenti du professeur. Dis plutôt que tu ne voulais pas que je découvre le pistolet que tu cachais dans ton sac.

« Ah ! Vous êtes donc amis ! J'ai vraiment cru qu'il allait vous tuer... »

Penelope et Luke s'échangèrent un regard noir, mais Lopy n'était pas du genre à perdre son-sang froid facilement.

« Oh non ! » S'exclama-t-elle en feignant un rire. « Ce n'est qu'un gamin comme les autres. Vous savez, les petits garçons peuvent être si immatures et leurs jeux si violents ! Mais il n'avait aucunement l'intention de me faire le moindre mal, croyez-moi. »

Tu peux parler. J'avais bien l'intention de te faire du mal, tu peux me croire.

Elle tourna le regard vers Luke et sourit.

« N'est-ce pas petit Luke ? »

Le « petit Luke » lui aurait bien donné un troisième coup de poing à cet instant même. À défaut, il se contenta de lui adresser un regard qu'il réservait uniquement à ses pires ennemis. Un regard qu'elle ignora royalement.

« Ma foi, je suis très soulagée de voir que ce n'est rien. Mais évitez ce genre de comportement à l'avenir, mon garçon. C'est d'accord ? »

Luke était furieux. Et le pire, c'était qu'il passait pour le méchant et qu'il ne pouvait rien faire.

La femme ramassa son sac à main qu'elle avait négligement laissé tombé lorsqu'elle cherchait la trousse de secours, et s'adressa à nouveau à eux.

« Vous voyagez sur ce bateau aussi ? Dans ce cas-là, permettez-moi de me présenter. Je m'appelle Mildred Brice, je suis institutrice. »

Luke leva un regard nonchalant vers elle. Ça lui était égal de savoir qui elle était et ce qu'elle travaillait. Tout ce qu'il voulait, c'était qu'elle parte pour qu'il puisse terminer son règlement de comptes avec Penelope. Il n'irait peut-être pas aussi loin que l'étrangler sur place, maintenant que sa colère était un peu (juste un peu) refroidie, mais elle lui devait des explications.

Après tout, pourquoi une jeune adolescente voudrait tuer le professeur ? Et pourquoi avoir choisi ces circonstances ?

Quel était le véritable sens derrière l'aide qu'elle leur avait fournie lorsqu'ils enquêtaient à Folsense ?

« Je m'appelle Penelope Koldwin. Enchantée. »

Après trois secondes de silence, Luke décida que la pauvre dame n'y était pour rien et qu'il se comportait vraiment mal à son égard. Elle ne savait pas qu'elle était en train de protéger une meurtrière. Ce n'était pas sa faute si Penelope n'était rien d'autre qu'une hypocrite.

« Luke Triton. Ravi de faire votre connaissance. »

Mais sa voix manquait tout de même de vie.

« Je suis très honorée moi-même. Bon, je dois vous laisser, sinon ma petite Lily va encore faire des bêtises. Nous nous reverrons surement alors, à bientôt ! »

Elle leur adressa un dernier sourire avant de s'en aller. Luke dirigea immédiatement le regard vers la jeune fille aux cheveux châtain clair. Il savait qu'elle allait en profiter pour fuir elle aussi.

Sauf qu'elle ne fuit pas.

Au contraire. À peine Mildred Brice sortie, Penelope ferma la porte à clé. Et se retourna vers Luke.

« Lève-toi du sol et assieds-toi sur une chaise, à la place », ordonna-t-elle.

Luke la regarda d'un air très sceptique.

« Tu es consciente que tu t'enfermes dans une pièce où il y a une arme à feu et la personne qui te hait le plus au monde, au moins ?

-Je ne suis pas idiote, Luke. » Sa voix était froide et son expression l'était autant. « Tout à l'heure, tu étais complètement contrôlé par la colère, mais là, je doute vraiment que tu veuilles me tuer alors que je suis la seule à pouvoir te donner des explications. En plus... »

Elle marcha jusqu'à son lit et s'assit sur ce dernier, prenant bien soin de lisser le bout de sa robe un peu froissée par l'accrochage avec Luke. Elle redirigea la tête vers ce dernier et son regard reprit son expression sarcastique habituelle.

« En plus, je suis certaine que tu ne serais même pas capable de tuer une mouche. »

En temps normal, ces mots l'auraient énervé, sauf qu'il était à bout. Il se leva et se jeta sur la chaise de bureau. Il en avait assez de cette mascarade.

Il n'était même plus sûr de vouloir savoir la vérité.

« Je ne suis pas venue ici pour tuer le professeur », commença la jeune fille en fixant le mur en face d'elle. Luke ne pouvait la voir que de profil. « Je transportais cette arme partout avec moi, et quand l'occasion s'est présentée, je l'ai saisie. »

Est-ce que cela voulait dire que c'était un meurtre prémédité ?

« Vous n'étiez pas là. Toi, Clive et Flora étiez perdus. Je suis rentée vite au palais, et je me suis infiltrée par l'une des fenêtres. Elles sont si basses, et comme je ne suis pas bien grande, je n'ai eu aucune difficulté à passer. J'ai un peu marché dans le couloir, et quand le professeur est passé, j'ai attendu que le garde qui le devançait s'éloigne un peu et... »

On ne ressentait aucun regret dans sa voix. Juste cette froideur accompagnée de ce regard vide fixant le mur.

Luke se rappela que ce jour-là, elle était venue d'un côté et Flora d'un autre. S'il avait su qu'il y avait des fenêtres au rez-de-chaussée, peut-être l'aurait-il suspectée.

« Je suis ensuite revenue de la même manière. Ni vu ni connu. Quand j'y repense, c'était le cadre parfait. N'importe quelle personne se trouvant sur place pourrait être suspecte, et la police ici est si inexpérimentée que personne n'a songé à nous fouiller. »

Clive l'avait dit auparavant. Axerik n'est pas un endroit très agité, alors la police n'est pas vraiment habituée à ce genre de choses.

« La chance s'est présentée à moi de tuer mon pire ennemi sans m'attirer des ennuis, tu comprends ? »

Elle tourna la tête vers lui. Et Luke ne put formuler qu'un seul mot.

« Pourquoi ? »

Elle tourna à nouveau la tête et souris au mur.

« Pourquoi ? Je crois te l'avoir déjà dit. Parce que je le déteste. Parce que je déteste Hershel Layton plus que n'importe quelle autre personne au monde. »

Luke se leva d'un bond, son visage reprenant ses couleurs.

« Cela n'explique rien du tout ! » Hurla-t-il. « Pourquoi le détestais-tu ? Comment pouvais-tu le détester alors que c'était quelqu'un de si bon et qu'il... »

Elle lui coupa la parole.

« Si tu étais un peu moins aveugle, tu n'aurais même pas besoin d'explications. Je suis sûre que même lui savait que je le haïssais. Il ne s'attendait juste pas à ce que j'aille aussi loin... il ignorait combien j'avais souffert par sa faute ! »

Souffert... par la faute du professeur ?

Penelope commençait à perdre son ton froid et détaché. Serrant ses deux poings, elle les frappa contre ses genoux.

« Il m'a énervée plus d'une fois. Et à chaque fois je lui donnais une chance. Et à chaque fois il refusait de la saisir. Je n'avais pas le courage de devenir un assassin ; je lui ai pardonné tant de fois mais... à chaque fois il me défiait. À croire qu'il voulait vraiment que je le tue. C'est lui l'unique fautif ! »

Luke ne comprenait vraiment rien à ce stade-là. Ce pourrait-il qu'il y ait des choses qu'il ignore ? Le professeur avait-il eut affaire à Penelope en dehors de ce que Luke savait ?

Les mots de la jeune fille vinrent le détromper aussitôt.

« Tu devrais savoir, pourtant. Mais tu n'es qu'un imbécile. »

Luke avança vers elle. Dans sa tête se débattaient tant d'idées et de questions qu'il en eut le vertige.

« Mettons que je sois un imbécile et explique-moi. »

Penelope prit un profond souffle.

« C'est ce que je m'apprêtait à faire. »

 

Qu'était-il en train de se passer ? Quel schéma cette histoire était-elle en train de suivre ? Luke avait l'impression que c'était la confusion totale. Le mystère principal complètement oublié, celui qui était venu pour le résoudre assassiné si subitement, l'identité de l'assassin si facilement révélée, le mobile n'ayant rien à voir avec le lieu.

C'était le festival de l'anarchie !

Et, si c'était l'affaire de Folsense qui repointait le nez, alors pourquoi cela devait-il arriver ici, à Axerik ? Qu'en était-il de la légende ? De la fameuse énigme ?

Était-ce juste le hasard qui avait conduit le professeur pour mourir dans ces lieux ? Luke en doutait.

La première fois que Luke se retrouvait sans le professeur, il était face à une histoire qui ne ressemblait à rien à toutes celles qu'il avait vécues avec son mentor.

Il allait devoir s'adapter, ou abandonner. Mais surtout, il allait devoir apprendre que la vérité est plus facile à comprendre qu'à trouver. 

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