La Princesse d'Axerik

Chapitre 15 : Un souffle de vie.

3846 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 08/11/2016 11:34

Il n’arrêtait pas de réfléchir. Les choses semblaient aller parfaitement bien pour le moment. Certes, il y avait eu un petit imprévu, mais il était parfaitement rentable pour lui. Mieux encore, d’autres événements étaient venus opérer en sa faveur. Il était comme quelqu’un qui naviguait sur un voilier, et le vent soufflait exactement de la manière dont il avait besoin.

Mais il y avait juste un petit problème.

Tout était trop parfait. Et, par expérience, il savait que ce n’était pas normal.

Il n’était pas naïf. Il se doutait que tôt ou tard il y aurait quelques obstacles. Il espérait juste qu’ils ne soient pas impossibles à repousser.

De toute façon, son objectif principal était déjà atteint. Tout ce qu’il ferait désormais serait juste des finitions.

« De toute façon, cela fait déjà un bon moment que je ne me suis pas amusé », se dit-il alors qu’il faisait le point sur son progrès. « Et maintenant que Hershel Layton n’est plus là, je peux pleinement en profiter. »

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Penelope et Luke marchaient. La jeune fille tenait ferment son sac, désormais très léger puisque le livre avait été volé et l’arme jetée à la mer. Luke, lui, joignait les mains derrière le dos et observait les alentours.

« Tu te rappelles du chemin ? » Demanda Lopy.

« Bien sûr ! Un gentleman fait toujours attention à la route qu’il emprunte.

-Je parie que le professeur ne t’a jamais dit une chose pareille. »

Elle marqua un silence, puis reprit sur un ton plus sérieux.

« Je me posais une question.

-Ah ?

-Puisque Mildred Brice est essentiellement venue pour voler mon livre, alors pourquoi s’est-elle présentée ? Ce n’est pas très malin de nous révéler elle-même son identité… »

Luke regardait encore droit devant lui.

« Si ça se trouve, elle nous a donné une fausse identité.

-Tu penses ? Je l’espère. »

Luke pencha le regard vers elle.

 

« Ah bon ! Pourquoi donc ?

-Je me disais que le prénom Mildred était plutôt joli. C’est dommage qu’une femme comme elle puisse le porter. »

Luke la regarda comme on regarde les malades mentaux.

« J’espère que tu n’es pas sérieuse.

-Si, je le suis. »

Souhaiter que la voleuse du journal intime ait une autre identité, et donc compliquer l’enquête davantage, juste pour qu’une femme qu’on n’aime pas ne porte pas un prénom qu’on trouve joli, Luke trouvait ça plus qu’absurde.

« Et tu penses que c’est vraiment une institutrice ? » Demanda à nouveau Penelope.

« Impossible. Les institutrices ont l’habitude avec les enfants. Si elle en avait vraiment été une, elle n’aurait pas perdu sa nièce.

-Mais nous avions conclu que Lily n’existait probablement pas…

-Pourquoi est-ce qu’une institutrice irait tuer le professeur ? »

Penelope haussa un sourcil.

« Peut-être par ce qu’elle est jalouse car elle voudrait enseigner à l’université, elle aussi ?» Ironisa-t-elle.

Luke ne supportait vraiment pas qu’elle prenne la mort du professeur à la légère comme ça. Mais que fallait-il espérer d’une fille qui était prête à le tuer elle-même ? Qu’elle soit triste et qu’elle le pleure ? Surement pas…

« Penelope, je peux te poser une question ?

-Oh, mon Dieu ! Cette vieille habitude de me faire des interrogatoires s’est transmise du professeur à son apprenti ! Tu sais que je déteste ça.

-Ça n’a rien à voir avec l’enquête.

-Alors pourquoi demander ?

-Pourquoi est-ce que tu dois tout compliquer ? » S’énerva Luke.

« Bon… juste une question. »

Luke s’arrêta de marcher. Elle en fit de même.

« Maintenant que le professeur est mort, regrettes-tu ce que tu allais faire ? Es-tu triste, ou au moins un peu bouleversée par sa mort ?

-Non. »

Elle reprit sa marche. Une autre personne, si elle ne regrettait vraiment pas, aurait gardé le silence ou évité la question, mais pas Penelope. Ce n’était pas son genre. Se rendait-elle au moins compte que ce qu’elle venait de dire était horrible ?

Lorsque Luke se remit de sa stupeur, elle était déjà bien loin. Il dut courir pour la rattraper.

À ce moment même, il pensait à deux choses.

La première était naturellement Penelope. Il n’arrêtait pas de se creuser la tête pour savoir ce qu’elle cachait, sauf qu’il ne trouvait rien du tout.

La seconde, c’était Mildred. Il se rendait compte que cette femme n’était pas si bête qu’elle n’en avait l’air. Elle avait pris soin de porter des lunettes de soleil et un chapeau qui cachait une bonne partie de ses cheveux. S’il la revoyait à nouveau, il aurait probablement du mal à la reconnaître. Sur le coup, il n’avait rien remarqué. Ce n’est pas si surprenant de voir une femme avec un chapeau et des lunettes de soleil en plein juillet à bord d’un bateau. Mais là, il en était sûr, elle était déguisée. Pire, sa voix était ridiculement fine, beaucoup trop pour que ça soit sa voix naturelle. Oui, elle avait même songé à camoufler sa voix pour rester parfaitement anonyme.

Une femme comme ça ne pouvait décidément pas leur révéler son vrai nom aussi facilement. Et Luke commençait sérieusement à se demander qui elle pouvait bien être…

 

Luke continua de courir pour rejoindre Penelope, incrédule d’un petit détail qui était pourtant très proche.

Après tout, ce n’est que dans les romans que la sensation d’être suivi existe. Dans la réalité, quand quelqu’un nous suit, on ne se rend généralement compte de rien.

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Dur. C’était beaucoup trop dur d’attendre.

Elle se sentait menacée. Elle était dans l’insécurité totale. Elle approchait de la limite.

« Mais à quoi pense-t-il, à la fin ? » Maugréa-t-elle dans son for intérieur.

Il savait. Elle le lui avait dit. Elle lui avait dit qu’elle n’avait pas le temps, que c’était une urgence, que la chose était très importante pour elle. S’il en était incapable, il n’avait qu’à le lui dire. Elle trouverait une autre alternative ou accepterait simplement son sort et laisserait tomber.

Sauf que lui promettre de lui venir en aide, mais mettre autant de temps, alors qu’il savait bien qu’elle ne pouvait pas attendre… pourquoi cela devait lui arriver à elle ?

Elle savait que tout allait être une question de temps. Ce n’était pas une question de vie ou de mort, bien sûr. Mais elle le désirait plus que tout.

Elle voulait réaliser cet ultime désir. Elle voulait voir cette personne qu’elle ne pouvait pas atteindre autrement. Cette personne si proche et si éloignée à la fois. Cette personne pour qui elle avait vécu, pour qui elle avait tout sacrifié.

Mais pour voir cette personne, elle dépendait de lui. Elle savait qu’il allait l’aider ; il n’était pas contre elle. Mais le problème, c’était qu’il avait ses propres aspirations et ses propres problèmes, et qu’il était naturel qu’ils passent avant ses problèmes à elle.

Elle voulait voir cette personne, lui parler, et lui mentir une dernière fois.

Sauf qu’elle pouvait sentir la fin arriver. Arriver très vite…

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« Clive… »

Le jeune homme se retourna. Derrière lui, Flora marchait à lents pas, le regard baissé.

« La Princesse d’Axerik… quel genre de personne est-elle ? »

Il esquissa un sourire. Il l’avait remarqué, que Flora appréhendait un peu l’entrevue avec la Princesse.

« Je ne l’ai vu qu’une seule fois dans une représentation publique. Ce n’est pas le genre de personne qui se montre beaucoup.

-Oui, mais… comment est-elle ?

-C’est une personne très humble malgré son statut. Elle est très belle et très gentille, apparemment. Tu n’as pas à t’inquiéter, elle ne fait pas peur du tout. »

Flora détourna le regard.

« Mais… mais je n’ai pas peur ! »                                       

Elle hésita, joignant les deux mains nerveusement.

« Je sens quelque chose de bizarre à propos d’elle. Et je n’ai pas l’impression que nous avons affaire à un humain, mais plutôt à une sorte de créature mythique… en fait… je crois bien que j’ai un peu peur d’elle. »

Clive lui adressa un sourire rassurant.

« Tu n’as pas à t’inquiéter. De toute façon, ce n’est pas comme si quelque chose pouvait vraiment nous choquer, après la mort du professeur. 

-C’est vrai », admit Flora.

Ce n’était pas vrai.

 

Ils continuèrent à marcher lorsqu’ils aperçurent deux silhouettes avancer au loin. Deux silhouettes qui se distinguaient par un style vestimentaire qui n’avait rien à voir avec le style local.

« Ce sont Luke et Lopy ! » S’exclama Flora.

Elle courut vers eux. Oui, elle était très heureuse de les revoir. Plus lentement, Clive la suivit.

« Vous veniez nous voir ? » Demanda Luke en regardant Flora puis Clive.

« Oui. Nous avons tant de choses à vous dire ! 

-Figurez-vous que nous aussi, nous avons des nouvelles. »

Les yeux de Flora brillèrent de curiosité.

« Ah bon ? Raconte ! »

Penelope jeta un regard vers Luke. Elle se demandait vraiment comment il allait commencer l’histoire de « Penelope la pseudo-meurtrière. »

« D’abord, le journal intime du grand-père de Penelope a été volé. »

Les yeux de Penelope s’écarquillèrent légèrement. Pourquoi avait-il sauté directement à ça ?

« Vraiment ? » S’étonna Flora. « Oh, pauvre Lopy, tu dois être vraiment en colère…

-Tu ne sais même pas à quel point », répondit-elle très froidement.

Luke reprit la parole.

« Nous avons conclu que c’est une certaine Mildred Brice, une voyageuse à bord du bateau, qui a volé le livre. Mais Mildred Brice n’est probablement qu’un pseudonyme. »

Il leur expliqua comment celle-ci était entrée pour remercier Penelope de l’avoir aidée à chercher sa nièce, puis comment elle en profita pour dérober le journal intime. Penelope l’observait en silence, se demandant pourquoi il ne disait rien à propos de l’arme et de ce qui était arrivé avec elle.

Et comme il n’avait pas mentionné l’arme, il ne put leur faire part du fait que cette Mildred puisse être celle qui a vraiment tué le professeur, ne pouvant leur expliquer le raisonnement menant à un tel résultat.

S’il se donne autant de peine, se dit Penelope. Alors il a une idée derrière la tête…

« Et ce vol a-t-il un rapport avec ce qui est arrivé au professeur ? » Demanda Clive.

« Possible. C’est une piste qu’il faudra suivre. »

Flora bailla.

« C’est tout ce que vous avez ? Je suis déçue. »

C’est juste qu’on te raconte pas tout, lui répondit intérieurement Lopy.

« Vous avez mieux ? » Demanda Luke, un peu vexé.

« Bien sûr ! Attendez un peu de voir... d’abord…

-Flora, s’il te plaît », lui lança Penelope. « Nous ne sommes pas dans une compétition et nous ne sommes pas des équipes adverses. Alors arrête de te vanter et sois un peu plus brève. »

Flora cligna des yeux, et ne dit rien d’autre. Clive répondit à sa place.

« Tu veux de la brièveté ? Soit. Pour tout te résumer, nous avons rencontré la demoiselle de compagnie de la Princesse, nous avons obtenu une audience avec la Princesse pour demain, nous possédons désormais les affaires du professeur, nous savons que la police se limite aux soldats de la Princesse et qu’ils ne mèneront aucune enquête, Flora a été témoin de la dernière discussion entre le professeur et la Princesse Fiona, et nous savons désormais que, selon la Princesse, c’est Axerik qui a tué le professeur. »

Luke et Penelope le regardèrent pendant trois secondes sans rien dire. Il avait parlé si vite, énumérant une à une leurs découvertes. Devant tout ça, la petite théorie sur Mildred Brice proposée par Luke et Lopy semblait si insignifiante.

« D’accord. En fait, vous avez le droit de vous vanter… »

Ils ne savaient pas sur quelle information réagir en premier. Ils arrivaient à peine à assimiler ce qu’il avait dit.

« Flora a été témoin de la dernière discussion entre le professeur et la Princesse ! » S’étonna Luke.

« Axerik a tué le professeur ! » Poursuivit Penelope.

 

Il leur fallut un bon moment pour tout expliquer. Ils leur racontèrent d’abord la visite de Virginia et tout ce qui s’en est suivi…

« Vous n’avez pas remarqué que je portais la valise du professeur ? » Demanda Clive.

« Nous étions surement trop préoccupés… »

Puis ils leurs apprirent que, le lendemain matin, ils iraient voir la Princesse…

« C’est Virginia qui nous a accordé cette faveur.

-Eh bien… disons que ça arrive drôlement vite.

-En tout cas, nous ne pouvions pas demander mieux. Je suis sûr que Fiona nous révélera des choses intéressantes. »

 

Ils passèrent ensuite à la pièce la plus intrigante… le récit de Flora.

Celle-ci leur expliqua comment elle en arriva à écouter ce que le professeur et Fiona avaient dit. Puis, fermant les yeux, éveillant le plus profond de sa mémoire, elle leur répéta ce qui avait été dit.

« Bien le bonjour, Princesse Fiona. 

-Bonjour… professeur Layton. Vous ne semblez pas bien surpris.

-Disons… que je m’y attendais.

-Vraiment ? Eh bien, professeur, j’imagine que vous avez déjà deviné une bonne partie de la vérité.

-Je pense que… »

Il y eut cette petite interruption durant laquelle la demoiselle de compagnie est entrée et s’est excusé de déranger. La Princesse lui demanda alors de rester et la présenta au professeur. Flora ne manqua pas de mentionner ceci.

« Vous disiez, professeur ?

-Je pense que… j’ai tout compris. 

-Puisque vous avez tout compris, alors il ne vous reste plus rien à faire ici. Partez ! 

-Pas avant que le coupable soit puni comme il le mérite.

-Professeur, pour l’amour de Dieu, partez ! 

-Vous-même ne savez pas toute la vérité.

-Vous non plus ! Écoutez, en ce moment la vérité compte peu. Ne vous mesurez pas à lui… ne vous mesurez pas à Axerik !

-Axerik n’est…

-Partez ! »

Flora termina. Elle ne manqua pas de retracer chaque émotion, chaque détail qui lui semblait utile et dont elle parvenait à se souvenir. Une fois qu’elle arrêta de parler, elle releva la tête.

Clive semblait toujours aussi intrigué. Luke affichait un visage plus que choqué. Penelope restait calme, mais une lueur d’inquiétude brilla dans ses yeux.

« Je… n’aurais jamais imaginé une telle conversation… » Dit Luke avec le peu de voix qu’il lui restait.

« Cela ressemble plus à une mise en garde désespéré qu’à autre chose », remarqua Clive. « Savait-elle ce qui attendait le professeur ? »

Penelope croisa les bras.

« Pour moi, ce n’est qu’une affreuse comédie. Axerik ? Franchement, qu’est-ce qu’un homme mort qui n’existe peut-être même pas vient faire là-dedans ?

-Je suis d’accord que c’est un peu bizarre mais… pourquoi jouerait-elle la comédie ? »

Luke enfonça la tête dans ses deux mains.

« Pourquoi cette histoire est-elle si compliquée ? »

Il respira un fond. Si le professeur avait été là, il aurait dit qu’il fallait essayer de voir les choses séparément.

« Demain, allons voir la Princesse, et là, nous aurons peut-être quelques réponses. 

-C’est le meilleur choix à faire. »

En fait, c’était le seul choix.

« Et sinon, nous devrions conduire la valise du professeur quelque part », suggéra Clive. « Ce serait inutile de continuer à la transporter avec nous partout… »

Luke sursauta.

La valise du professeur… les affaires du professeur… le journal du professeur !

« Le professeur a dit à la Princesse qu’il avait tout compris », s’exclama-t-il tout d’un coup, une lueur d’espoir brillant dans ses yeux. « Si ça se trouve, il a inscrit ces dernières découvertes dans son journal, comme il le fait toujours ! »

Les trois visages s’illuminèrent aussitôt. Le journal du professeur, c’était la dernière trace d’une personne qui savait tout mais qui n’était plus là pour le raconter.

Et avec l’entrevue prochaine avec Fiona et les quelques pistes disponibles, un nouveau souffle de vie venait de s’emparer à nouveau de cette affaire.

Cet après-midi-là, ils n’ont pas montré une énorme excitation pour enquêter comme le matin même, devant la tombe du professeur. Pourtant, leur détermination à trouver la vérité était plus grande que jamais.

Ce qu’ils ignoraient, c’était que c’était ça, l’erreur que Layton avait commise.

 

Tâchez de ne pas répéter ses erreurs…

En ce moment la vérité compte peu…

Tu veux la vérité ? Je trouve que c’est très risqué…

 

Ignorant tous ces mots qui avaient été dits, ils décidèrent d’ouvrir la valise du professeur…

 

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