La Princesse d'Axerik

Chapitre 18 : Une révélation, un choix, un miracle.

3860 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 09/11/2016 22:55

« En vérité, elle s’appelle… Janice Quatlane. »

Il aurait dû s’en douter depuis le début. Des cheveux flamboyants de la même couleur que la pierre philosophale. Janice avait cette couleur de cheveux. Une voix harmonieuse avec le son des vagues. Les vagues. La mer. L’ode à la mer.

Une jeune fille. Une personne qui connaissait le professeur. Une personne qui ne voudrait pas qu’il meure.

La pierre philosophale. La vie éternelle. La diva éternelle.

Tout pointait vers Janice depuis le début.

Mais pourtant, pas un instant Luke n’avait songé que cela puisse être elle.

Pourquoi Janice ? Pourquoi aiderait-elle quelqu’un qui voudrait tuer le professeur ? Plus que tout, pourquoi un homme qui fait l’objet d’une légende ayant donné vie à une île la choisirait, elle ? Pourquoi maintenant, après cinq mille ans ? Pourquoi un tel mystère ? Pourquoi la fausse identité ? Pourquoi le professeur s’y attendait-il ? Pourquoi a-t-il été le premier à comprendre ? Pourquoi eux, qui savaient tout ce que le professeur savait ne comprenaient rien du tout ?

Tant de « pourquoi », mais pas un seul « parce que »…

« Luke, tu es sûr de toi ?

-Absolument.

-Tu dois la confondre avec cette Janice. Peut-être est-ce juste une ressemblance. »

Il secoua la tête. Hélas, non, ce n’était pas le cas.

« Non. C’est Janice, j’en mettrai ma tête à couper. Cette apparence avec cette voix, ça ne peut être qu’elle. »

Flora connaissait l’histoire. Luke et Layton la lui avaient racontée. Mais elle n’avait jamais vu Janice en vrai, et ne pouvait donc pas la reconnaître. Clive et Penelope ne connaissaient même pas l’histoire. Pourtant, Lopy semblait pensive.

« Janice Quatlane… Janice Quatlane… où est-ce que j’ai entendu ce nom ?

-Ce n’est pas improbable que tu en aies déjà entendu parler », lui expliqua Luke. « Janice est une célèbre cantatrice d’opéra. »

La jeune fille cligna des yeux sous l’effet de la surprise. Un instant, puis elle sembla se rappeler.

« Mais bien sûr ! » S’exclama-t-elle. « Ça me revient ! »

D’un geste rapide, elle glissa la main dans son sac et en sortit le journal. Le fameux journal…

« Le jour où le passager dans le métro m’a donné ce journal, j’ai dû survoler la dernière page pour trouver l’article que je cherchais. Il y avait tant d’autres d’articles insignifiants, parmi eux, un parlant de la disparition d’une certaine chanteuse ou je ne sais quoi. Je n’y avais pas trop prêté attention… »

Elle retourna le journal vers eux, pointant du doigt l’article en question.

« JANICE QUATLANE, LA CÉLÈBRE CANTATRICE, PORTÉE DISPARUE »

Luke sentit un frisson parcourir tout son corps.

« Nous avions tort sur toute la ligne », commença-t-il. « Si le professeur accordait tant d’importance à ce journal, c’est à cause de cet article, pas à cause de celui de Folsense. »

Au milieu de cette confusion, un détail s’éclairait enfin. Enfin, juste à moitié.

« Si Janice a disparu, comment se fait-il que nous n’en ayons jamais entendu parler ? » Demanda Flora.

« Le journal date du jour de notre départ », expliqua Lopy. « Je l’ai eu ce matin-là juste avant qu’on vienne ici. C’est probablement la première fois qu’on en parle, et comme ici, c’est isolé du reste du monde, nous n’en avons pas eu vent. »

Luke n’était pas convaincu.

« C’est impossible que Janice soit disparue il y a trois jours seulement ! Je veux dire… Fiona n’est pas apparue sur l’île il y a trois jours, n’est-ce pas, Clive ?

-Bien sûr que non. »

C’était la première contradiction concrète dans cette histoire, les autres (telle l’existence d’Axerik) étant beaucoup trop relatives.

« Peut-être que sa disparition n’a été révélée au public que ce jour-là», suggéra Clive. « Mais qu’en fait elle a disparu depuis un moment déjà. Ce genre de chose arrive avec les artistes.

-C’est logique. Mais la dernière fois que je l’ai vue à Londres, c’était il y a environ un mois. Elle est venue nous rendre visite à moi et au professeur dans son bureau. »

C’était le jour où le professeur et Luke avaient écouté la magnifique chanson de Janice tout en se rappelant l’histoire si unique qu’ils avaient vécue trois ans plus tôt.

« Depuis quand est-ce que la Princesse est ici ? » Demanda Penelope à Clive.

« Je ne sais pas trop. Mais quand moi, je l’ai vue pour la première fois, ça doit dater d’une quinzaine de jours. »

Ils avaient, a priori, réglé ce problème.

Luke prit le journal et lut rapidement l’article, espérant y trouver quoi que ce soit. Le professeur avait compris tant de choses grâce à cet article. Il devait absolument contenir une information cruciale.

« Alors ? »

Luke secoua la tête et rendit le journal à Penelope.

« Un article classique. À part l’information présente dans le titre, il n’y a pas grand-chose. Des choses comme « la police a commencé une enquête » et « pour l’instant, on ignore où peut se trouver la cantatrice. »

-Les journaux sont une véritable perte de temps », lâcha Lopy en le rangeant dans son sac.

Ils s’arrêtèrent un instant. Ils avaient découvert une chose qui leur avait fait oublier une autre tout aussi importante…

« Qu’allons-nous faire, désormais ? » Leur demanda Clive.

Le fameux choix entre arrêter l’enquête et risquer leurs vies.

« Janice veut certainement notre bien », remarqua Luke d’une voix triste. « Ça me désole vraiment de dire ça, mais je crois que nous devons l’écouter cette fois…

-Elle semblait vraiment inquiète », confirma Flora. « Elle en sait plus que nous alors, nous devons la croire. »

C’était impossible. Pour la deuxième fois qu’ils décidaient d’enquêter, pour la deuxième fois qu’ils abandonnaient.

Et à nouveau, tout semblait stagner. Tandis que d’habitude, avec le professeur, tout semblait allait parfaitement bien. On découvre le mystère, enquête, puis trouve la réponse. Là, ils tournaient en rond juste pour décider s’ils devaient enquêter ou pas !

Sauf que, parfois, dans ce genre de petits faits qui ressemblent à des obstacles, se cachent les plus grands indices menant à la vérité.

Si seulement ils n’avaient pas abordé la chose sous cet angle. Si seulement ils avaient cherché le pourquoi et non le comment.

Ils auraient déjà compris une bonne partie de ce qui se passait.

Mais, malheureusement, ils manquaient encore d’expérience.

Lâchant des soupirs de désespoir, ils décidèrent de ne pas commettre la même erreur que le professeur et de suivre les directives de Fiona. N’ayant pas le cœur à visiter l’île, ils rentrèrent directement.

 

Cette nuit-là fut pire que la précédente. Aucun des quatre ne put fermer l’œil. Ils avaient perdu, et quelque soit leur choix, ils allaient perdre.

Il ne restait plus qu’à attendre que le bateau rentre, pour rentrer aussi et « oublier » toute cette histoire.

Désormais, ils ne pouvaient rien faire. Seul un miracle pouvait changer la situation, mais les miracles n’existent pas, n’est-ce pas ?

~~~~~~~~~~~~~~

« Bonsoir, Princesse.

-Bonsoir. 

-Pourquoi êtes-vous si froide ? Vous devriez vous réjouir, votre rôle est presque terminé.

-Presque ? Je croyais que leur parler aujourd’hui allait être la dernière étape ? »

Il esquissa un petit sourire.                              

« J’aurais aimé que ce soit le cas, sauf que nous avons un petit imprévu. »

Un imprévu.

Il en était sûr depuis le début. Tout allait trop bien, beaucoup trop bien. Et voilà, un petit imprévu. Quelques secondes seulement, et il avait appris une chose qui bouleversait tous ses plans.

« Quel imprévu ? » Demanda la Princesse.

« Allons, votre rôle à vous est de me représenter. Vous n’avez pas à comprendre quoi que ce soit. »

Elle ne dit rien.

« J’ai une dernière chose à transmettre à nos chers amis.

-Bien. Mais promettez-moi juste une chose.

-Quoi donc ? »

Elle serra les poings. Il lui fallait tant d’effort pour rester forte en de telles circonstances.

« Promettez-moi que vous ne ferez plus de mal à personne. »

Il sourit à nouveau.

« Ça, ça dépendra d’eux. »

Elle sentit un frisson parcourir tout son corps. Sur son visage, elle ne parvenait désormais plus à cacher le choc et l’inquiétude qui la consumaient.

« Alors écoutez-moi bien… »

Il lui expliqua ce qu’elle devait faire. Et elle l’écouta, la même expression au visage.

« Bien, m’avez-vous compris ?

-Pas ça !

-M’avez-vous compris ?

-Oui… »

Il tourna les talons.

« Parfait. Dans ce cas-là, adieu, Princesse. Nous arrivons au dernier acte dans lequel vous apparaissez, tâchez de bien jouer votre rôle. »

Elle le regarda partir, les larmes commençant à se former dans ses yeux.

« Vous êtes la folie incarnée, Axerik. »

~~~~~~~~~~~~~~

Il sortit du palais et alla rencontrer la personne qui l’attendait dehors.

« Alors, tu as parlé à Fiona ?

-Oui…

-Et que va-t-il arriver, désormais ?

-Rien. Nous allons laisser les choses prendre leur cours naturel. Bientôt, tout sera fini. Tu auras ce que tu veux, et moi aussi. »

Ils commencèrent à marcher dans le noir. Même la lune était couverte par des nuages, cette nuit-là.

« Je sais que tu dois changer ton plan à cause de moi, et je me sens un peu stupide de ne pas t’avoir expliqué ce détail avant.

-Oui, c’est vraiment stupide, mais peu importe. »

Soupir. 

« Tu sais, je crois que je vais abandonner. Ça ne vaut pas la peine de prendre plus de risques. »

Il éclata de rire.

« Risques ? Allons, quels risques ?

-Le risque qu’ils découvrent quelque chose si on prolonge encore plus cette histoire…

-Ce ne sont que des enfants. Je ne perdrai jamais face à eux. »

~~~~~~~~~~~~~~

Le soleil se levait sur cette si étrange île qu’était Axerik, marquant le quatrième jour que nos protagonistes passaient là-bas. Luke ne comptait pas les levers de soleil. En fait, ce matin-là, il eut même de la peine à se sortir du lit.

Il ne voyait plus l’intérêt de se lever et d’aller dehors. Oui, pourquoi ? Pour faire semblant de visiter l’île ? Pour encore parler inutilement de ce qui s’est passé la veille ? Pour se faire traiter de gamin par Penelope ?

Ça ne servait à rien.

Il s’enfonça un peu plus sous sa couverture. Au moins, en dormant, il n’avait pas à se demander ce qu’il devait faire.

C’est là qu’il entendit des coups assez violents contre la porte.

Se levant d’un bond, il jeta un œil sur la montre murale et alla ouvrir. Six heures du matin. Qui pouvait venir à une heure pareille ?

« Bonjour… » commença-t-il somnolent. « Toi ! »

Penelope croisa les bras.

« Ne me dis pas que tu dormais encore !

-Il est encore tôt. »

Luke bailla, et la jeune fille haussa un sourcil.

« Alors comme ça, tu as déjà baissé les bras ! Et tu oses te dire futur gentleman et je ne sais quoi ? Gamin. »

La dernière réplique le réveilla immédiatement.

« Je n’ai pas baissé les bras. Nous avons baissé les bras, toi comprise ! »

Elle le regarda d’un air glacial.

« Je n’ai rien dit. »

Luke voulait retourner dormir. Il n’avait nullement envie de continuer à débattre avec elle dans le vide. Il n’en pouvait plus.

« Laisse-moi deviner », lui dit-il d’un air ennuyé. « Le professeur est si important pour toi que tu es prête à risquer ta vie pour lever le voile sur sa mort ? 

-Le professeur n’est peut-être pas important, mais le journal intime de mon grand-père, si. »

Luke la trouva terriblement égoïste.

« Eh bien, va le chercher toute seule. »

Penelope haussa les épaules.

« Bon, je m’en vais. De toute façon, si ça t’est égal de savoir que la Princesse est ici, c’est ton choix. »

Elle tourna le dos, anticipant parfaitement la prochaine réaction de Luke.

« Quoi ? La Princesse ? »

Penelope retourna la tête vers lui.

« Elle rôde autour du bateau depuis une vingtaine de minutes, mais comme tout le monde dort encore, personne ne l’a vue. »

Luke semblait choqué.

« Elle fait quoi ici ? 

-J’aurais dit qu’elle espionne, sauf que, comme tout le monde dort, il n’y a franchement rien à espionner.

-Alors ?

-Peut-être qu’elle nous cherche. »

Luke fronça les sourcils.

« À une heure pareille ! 

-Qui sait ? Cette fille est un peu bizarre. »

Penelope était mal placée pour parler. Déjà qu’elle était réveillée depuis au moins cinq heures quarante. 

« Bon, allons lui parler. Nous verrons bien ce qu’elle veut. »

Il s’apprêta à sortir, Penelope se mit à rire.

« Tu comptes aller parler à la Princesse en pyjama ? C’est… original. 

- Je vais aller me changer.

- Et je vais aller réveiller Flora entre-temps. »

Dix minutes plus tard, les trois « amis » se retrouvaient dehors. Fiona, qui était encore là, sembla étrangement soulagée de les voir.

« Ah, bonjour. Je voulais tant vous parler ! »

Flora et Luke bâillaient encore.

« Ça doit être urgent, alors ?

-Extrêmement. »

La Princesse avait un air très sérieux sur le visage. Plus encore, elle avait un air inquiet. Se tenant discrètement derrière elle, Virginia écoutait la conversation. Il n’y avait personne d’autre, pas même un garde.

La Princesse s’était déplacée, et pour la première fois, en personne, seule avec sa demoiselle de compagnie, et qui plus est, très tôt le matin. Elle était venue jusque-là pour leur dire quelque chose.

N’importe qui pouvait deviner que c’était quelque chose d’une importance considérable.

Virginia tendit une feuille à la Princesse. Une feuille que cette dernière donna à son tour aux trois enfants.

« Qu’est-ce que c’est.

-C’est la dernière partie de la légende d’Axerik. »

Ils observèrent la feuille.

« La dernière partie ? Je croyais que la légende se terminait en disant qu’un jour, une Princesse allait se montrer et offrir le pouvoir d’Axerik et tout le reste… »

Fiona secoua la tête.

« Ce dont vous venez de parler, c’est la légende qui circule entre les habitants de l’île, celle que tout le monde connaît. La véritable légende ne se termine pas ainsi ; elle a une suite. »

La Princesse inspira profondément.

« Croyez-vous en l’existence d’Axerik ? »

Parlant en même temps, ils donnèrent des réponses différentes. Flora dit oui, Penelope dit non, et Luke dit qu’il ne savait pas.

« Cette partie de la légende a une particularité, elle a été écrite par Axerik lui-même.

-C'est-à-dire ?

-La légende a une fin heureuse. Une Princesse, un mystère, un pouvoir à léguer. C’est la légende à laquelle tous les habitants croient. Cette fin, par contre, seuls Axerik et son envoyée la connaissent. Si je ne vous en avais pas parlé hier, c’est car je n’avais pas encore la permission. »

Qu’est-ce que tout cela voulait dire ?

« Il s’agit de la fin qui explique pourquoi Axerik a tué le professeur. »

Un choc. Un choc profond. Qu’est-ce que tout cela voulait dire ?

Fiona déglutit.

« Lisez, et vous comprendrez. »

Approchant doucement la feuille de son visage, Luke qui la tenait commença à lire.

« Un jour, un voyageur venu d’outre-mer parviendra à résoudre le mystère d’Axerik. Il osera défier Axerik et prétendre être assez sage pour résoudre son énigme. C’est pour cela qu’Axerik le tuera. 

L’énigme d’Axerik restera posée à jamais, et personne ne s’en approchera plus. Et si quelqu’un ose essayer, il aura la même destinée que cet homme. »

Luke arrêta de lire. Penelope et Flora crurent que la légende s’arrêtait là, mais Fiona parla à son tour.

« Continuez. »

Luke leva la tête vers elle. Penelope et Flora étaient choquées par ce qu’elles venaient d’entendre, mais leur expression n’était rien face à celle de Luke.

Il semblait plus que choqué, il était terrorisé. Son visage pâlissait de plus en plus, ses mains tremblaient et il était au bord des larmes.

Il secoua violemment la tête. Non, il ne voulait pas continuer !

« Continuez », répéta calmement Fiona.

« N…Non ! »

Penelope lui arracha la feuille, et lut à sa place. Même elle ne pouvait s’empêcher de devenir de plus en plus pâle en lisant.

« Vous, compagnons de cet homme, êtes-vous conscients de la chance que vous avez ? Si vous lisez ces mots, c’est Axerik vous accorde son ultime faveur.

Il vous défie.

Comprenez ce que votre compagnon a compris avant le coucher de soleil. Si vous y parvenez, il rendra votre compagnon à la vie. Si vous n’y parvenez pas, il vous tuera l’un après l’autre. Vous ne pouvez pas fuir, alors essayez. Vous ne réussirez pas. »

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