La Princesse d'Axerik

Chapitre 21 : La fin ?

6923 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 10/11/2016 06:22

Un sentiment si étrange. Un mélange de peur, de curiosité, de terreur et de mélancolie.

Quelque chose que nous n’avons pas la chance d’essayer tous les jours.

La mort.

Être si proche de la mort… ressentir cette chose qui nous dit qu’on ne sera plus de ce monde d’ici peu. Être prêt à donner tout ce qu’on a, à sacrifier toutes les personnes qu’on aime pour y échapper, mais ne pas y arriver tout de même.

La mort doit surement être la chose la plus bizarre et la plus effrayante qui soit…

Et elle était là, debout au milieu d’une salle, dans un palais, dans une île perdue, à faire face à cette mort. Complètement vulnérable face à cet horrible tyran qu’était Axerik.

Elle ne pouvait plus fuir son sort.

Et à ce moment, Penelope Koldwin se rappela de ce qui s’était passé quelques jours plus tôt…

Est-ce le sentiment que j’ai fait vivre à Luke ? Se demanda-t-elle en revoyant la scène dans sa tête. Elle, pointant son arme sur le jeune garçon.

Mais cette fois-ci, elle savait bien que ce n’était pas pareil, qu’Axerik n’allait jamais l’épargner et se contenter de se moquer d’elle. Était-ce une punition du destin ?

Penelope pouvait sentir l’arme contre sa peau, passant à travers ses cheveux fins. Pire, elle pouvait même imaginer les doigts d’Axerik se rapprocher de la gâchette pour appuyer et la faire disparaître du monde à jamais.

La mort ne lui était pas du tout étrangère. Tant de personnes qu’elle connaissait étaient déjà mortes, parfois même devant elle : son père, Claire, Augustus et Violette Reinhold, Vladimir, Katia, la sœur de Claire qui était sa tante et dont elle ignorait même le nom, Bruno, Sofia, son grand-père, et enfin, le professeur.

Et pourtant, elle avait tout de même peur. Peur de la douleur ? De l’inconnu ? Un simple instinct humain ? Elle ne le savait pas. Elle savait juste qu’elle avait peur.

Et puis il y avait deux phrases qui se répétaient sans cesse dans sa tête. Deux phrases qu’elle avait dites elle-même à Luke.

« À chaque fois que j’essayais d’éviter le professeur, nos chemins se recroisaient. Et je perdais quelque chose à chaque fois. »

Eh oui, même quand le professeur est mort, leurs chemins allaient se recroiser. Et là, Penelope allait perdre la chose la plus précieuse qu’elle possédait.

Son âme. Sa vie.

Toutes ces pensées ne durèrent que quelques instants, mais la durée semblait interminable. Elle ne pouvait plus supporter cette sensation. Telle une personne qui s’est jetée d’un très grand bâtiment, qui attend d’atteindre le sol pour mourir, qui sait qu’elle ne peut plus revenir en arrière, qui ne veut pas atteindre le sol, qui meurt d’envie de l’atteindre…

Elle n’en pouvait plus. Ce sentiment était trop dur.

Elle ferma les yeux. Et alors, si elle mourait ? Avait-elle quelque chose à perdre ? Ce n’était pas comme si elle avait un objectif dans la vie, des personnes chères, des choses qui l’attachent à sa vie.

Elle n’était qu’une fille solitaire, sans amis, sans famille, sans endroit où aller. Dans son passé, elle n’avait que des plans qui avaient échoué et rien d’autre.

Elle ne servait à rien. Elle était inutile. Alors autant mourir, non ?

Et c’est là qu’elle se trouvait complètement contradictoire. Car, malgré son inutilité, malgré tout, elle voulait continuer à vivre et aurait tout donné pour qu’Axerik la laisse partir.

C’était trop dur.

« Alors, petite Penelope », lui dit Axerik. « Adieu. Je vous enverrai vos amis très vites pour que vous ne vous ennuyez pas. »

Elle voulait lui dire que ce n’étaient pas ses amis, mais elle savait qu’il la tuerait avant qu’elle ne puisse terminer sa phrase.

Alors à la place, elle ferma les yeux et se laissa faire. Ce n’était pas un acte de bravoure, mais juste un choix imposé.

Et elle attendit.

Et elle attendit…

Et elle attendit…

Il n’arriva rien. Elle rouvrit les yeux. Son regard tomba sur Luke et Flora qui étaient encore derrière la fenêtre. Leur regard était choqué…non, juste surpris, en fait.

Elle sentit l’inconnu derrière elle trembler. Mais que se passait-il donc ?

Elle voulait se retourner pour voir ce qui se passait, sauf qu’elle n’osait pas. Elle regarda alors à nouveau Luke et Flora en espérant déchiffrer quelque chose dans leurs regards.

Et là, une voix parla. Une voix féminine.

« Alors, allez-vous lâcher cette enfant, à présent ? »

Axerik lâcha un « hum » sur un ton hautin et narcissique qui lui allait très bien.

« Vous croyez vraiment qu’un simple couteau peut faire peur au très puissant Axerik ? » Demanda-t-il en ricanant.

Penelope essaya de reconstituer la scène dans sa tête. Alors, une femme qu’elle ne connaissait pas (puisque la voix lui était complètement inconnue) était en train d’essayer de la sauver, et ce, en menaçant Axerik avec un couteau.

Elle n’avait pas le temps pour se demander pourquoi une femme inconnue irait la défendre. Elle se dit plutôt qu’il ne fallait pas trop espérer quoi que ce soit. Axerik l’avait dit lui-même, ce n’est pas un petit couteau qui va l’arrêter. S’il a vraiment la pierre philosophale, alors il est même immortel.

Et s’il avait tremblé, c’était juste l’effet de la surprise. La preuve, il ne tremblait plus, maintenant.

Mais la femme ne semblait pas abandonner pour autant.

« Dans ce cas-là, tuez-moi à sa place ! »

Le cœur de Penelope ne fit qu’un bond. Qui, au monde, irait sacrifier sa vie pour elle ? Même une personne qui voudrait se suicider ne ferait pas ça !

Axerik commença à rire. Doucement, puis de plus en plus fort. Il avait toujours son arme pointée sur Penelope, et celle-ci n’avait plus peur, elle était juste très… perplexe.

« Ma foi, je peux toujours vous tuer avant elle, mais je ne vous promets pas de la laisser en vie, après.

-Je ne vous laisserai pas lui faire du mal ! »

Qui est cette personne qui me défend avec autant d’ardeur ? Se demanda Lopy, intriguée.

« Bien », lui répondit Axerik. « Je pourrai très bien vous éliminer tous et ici même, mais ce ne serait pas très amusant. Nous nous reverrons, et là je m’amuserai à tuer chacun de vous d’une manière différente. Nous nous reverrons, et plus tôt que ce que vous imaginez. »

Il détacha son arme et, en une fraction de seconde, une fumée épaisse leur brouillait entièrement la vue. La bonne vieille astuce que les méchants utilisent toujours pour s’échapper, et qui marche toujours…

Penelope se retourna, essayant de repérer la silhouette noire qui disparaissait dans la fumée. Elle plissa les yeux et regarda un peu autour d’elle. Et au fur et à mesure que la fumée se dissipait, elle pouvait distinguer les traits d’une personne qui était debout en face d’elle. Une femme, qui mettait la main sur sa bouche et son nez pour ne pas inhaler la fumée. C’était, à coup sûr, la femme qui l’avait sauvée.

Penelope s’approcha doucement d’elle, les yeux toujours plissés, la bouche légèrement entrouverte par la surprise. La femme lui fit signe de ne pas respirer, mais Penelope n’en fit rien.

Et là, elle se trouvait devant elle. Il n’y avait presque plus de fumée, et la femme enleva la main du visage. Penelope l’inspecta du regard. Sa vision était trouble ; elle était à moitié inconsciente. Le profond choc provoqué par l’attaque d’Axerik, de plus que la respiration des gaz et de la fumée, commençaient à donner leur effet.

Penelope perdit l’équilibre et elle tomba. La femme la rattrapa de justesse tandis que Luke et Flora sautaient par-dessus la fenêtre et couraient vers elle. Penelope leva le regard vers cette femme qui la regardait d’un air inquiet. Cette femme… elle ne connaissait peut-être pas sa voix, mais son image qu’elle n’avait vu que dans des photos serait à jamais gravée dans son esprit.

« Maman… » murmura-t-elle, les lèvres tremblantes.

Puis elle s’évanouit.

~~~~~~~~~~~~~~

Lorsque Penelope ouvrit les yeux, elle se trouvait allongée sur un canapé dans un petit salon. Elle porta les mains à son visage et se frotta doucement les yeux.

Elle ne connaissait pas l’endroit. Le canapé n’était pas ce qu’il y avait de plus confortable, et sa robe était complètement froissée. De plus, elle avait terriblement mal au bras gauche, et sa tête était tellement lourde qu’elle eut beaucoup de mal à se levait.

Où… suis-je ?

Tout d’un coup, son regard fatigué se réveilla et elle sursauta.

Elle venait de se rappeler ce qui lui était arrivé…

Axerik l’avait attaquée, il allait la tuer, puis une femme est venue et l’a, en quelque sorte, sauvée. Axerik est parti, et elle s’est retournée pour découvrir l’identité de cette mystérieuse personne.

C’était Claire. Oui, sa maman.

Claire qu’elle avait essayé de sauver… Claire qui était morte !

Penelope n’avait pas reconnu sa voix puisqu’elle ne l’avait jamais vue en vrai depuis qu’elle était bébé, mais elle a immédiatement reconnu son image. Claire qu’elle voyait dans les photos… Claire qui était sa mère.

Et c’est là qu’elle comprit pourquoi cette femme voulait tant l’aider. Aucune autre personne au monde n’aurait risqué sa vie pour elle. Seule une mère, sa mère, était capable d’une chose pareille.

Penelope se sentait tout à fait confuse. D’abord, que faisait sa mère décédée en ces lieux ? Claire était morte, et pourtant elle avait survécu une fois, mais Penelope savait bien qu’il n’y avait aucune chance pour qu’elle ait survécu à l’explosion une seconde fois. Non seulement ce serait trop beau pour être vrai, mais en plus, c’était carrément impossible !

Et pourtant, elle l’avait vue. Elle avait vu Claire, avec ses cheveux roux bouclés, ses grands yeux bruns, son regard si doux et un peu inquiet. Rien que la façon dont elle l’avait regardée prouvait que ça ne pouvait pas être quelqu’un d’autre.

Oui, elle avait la vision brouillée. Oui, elle ne l’avait vue que pour une seconde. Mais elle en était plus sure qu’elle n’était sure de quoi que ce soit d’autre.

« Maman… » murmura-t-elle en repassant l’image dans sa tête. L’image de la jeune femme la rattrapant dans ses bras alors qu’elle tombait, son regard si tendre porté sur elle. « Mais à quoi je pense… maman est morte depuis un bon moment… »

Elle enfonça son visage entre ses deux mains et soupira.

« Mais je l’ai vue ! »

Était-elle en train de sombrer dans la folie à cause de tous ces événements ? Était-ce juste un rêve qu’elle était en train de faire ? Peut-être qu’Axerik avait utilisé ses pouvoirs pour ramener Claire à la vie, il en semblait capable… mais pourquoi ? Pourquoi ramener à la vie une personne qui compromettrait vos plans comme Claire l’avait fait ?

Si ça se trouve, elle était déjà morte et c’est pour cela qu’elle revoyait sa mère décédée. Oui, Axerik avait dû la tuer…

« Mais dans ce cas-là, où suis-je maintenant ? »

Elle déplaça le regard à travers le salon. Il n’y avait personne. Pas de trace de Luke, Flora ou Clive. Ni de Claire, d’ailleurs. Ce qu’elle appréhendait par-dessus tout, c’était que la porte s’ouvre et qu’Hershel Layton débarque dans la pièce…

Si elle était vraiment morte (chose dont elle doutait fortement), alors la seule chose qu’elle souhaitait était de ne pas avoir à revoir le professeur.

Elle se leva et fit quelques pas dans la pièce, examinant un peu les alentours. Un salon normal, mais plutôt joli. Il y avait quelques canapés, un joli tapis, des meubles un peu désuets, et une table sur laquelle quelques assiettes et verres étaient posés. Apparemment, quelqu’un avait pris son goûter et n’avait toujours pas nettoyé.

Elle les compta. Il y avait en tout quatre verres et quatre assiettes, donc quatre personnes…

« Je me demande bien qui… »

Elle entendit une porte s’ouvrir et se retourna aussitôt. Qui était là ?

C’étaient Luke, Flora et Clive.

Penelope les dévisagea, un air sceptique sur le visage. Eux, semblaient plutôt ailleurs. Ils ne parlaient pas et avait tous un air de désarroi sur le visage.

Ils l’aperçurent alors et leurs visages s’illuminèrent immédiatement.

« Oh, Lopy ! » S’exclama Flora en accourant vers elle. « Tu t’es enfin réveillée ! Est-ce que tu vas bien ? »

Penelope l’arrêta immédiatement.

« Où suis-je ?

-Tu… tu es chez Clive », répondit la jeune fille, un peu surprise d’une réaction aussi brusque. « Tu as perdu connaissance, alors nous t’avons ramenée ici. »

L’autre jour, Penelope n’avait pas voulu aller chez Clive et avait préféré rentrer se reposer. Elle était la seule du groupe à ne pas connaître l’endroit.

« Et qui m’a sauvée ? Qui était cette femme qui menaçait Axerik et… »

Elle avait prononcé cette question avec encore plus d’emportement que pour la première, et ses trois amis s’échangèrent un regard furtif dont elle ne sut comprendre la signification.

« Une femme ? » Finit enfin par répondre Luke. « C’est Clive qui t’a sauvée. »

Penelope croyait avoir affaire à une mauvaise blague.

« Et je n’ai pas vraiment menacé Axerik », expliqua le concerné. « En fait, je suis venu au palais pour vous chercher, j’ai vu qu’il allait te tuer, alors j’ai essayé de rentrer par la fenêtre de l’autre côté pour faire quelque chose. Et là, il t’a lui-même lâchée et a dit quelque chose comme quoi il nous tuerait d’une manière plus originale ou je ne sais quoi… »

Elle ne comprenait plus rien. La voix qu’elle avait entendue n’avait rien à voir avec la voix de Clive, la femme qu’elle avait vue n’était pas Clive. Et pourtant on lui disait que c’était le cas.

« Non ! » Protesta-t-elle. « J’ai vu une femme, et pas n’importe quelle femme. J’ai vu ma mère ! »

Ils furent très surpris par une telle déclaration.

« Claire ? Mais tu as complètement perdu la tête », lui fit remarquer Luke.

« Ta maman est morte, Lopy. Tu le sais très bien… »

Oui, elle était morte. Mais elle l’avait vue quand même.

« Où est-elle maintenant ? » Insista la jeune fille.

« Mais puisqu’on te dit que ce n’est pas elle ! Écoute, tu étais en danger de mort, et avec la peur et tout, tu as dû te faire une illusion. »

Penelope serra les poings. Pourquoi mentiraient-ils ? Oui, pourquoi ? C’était complètement impossible. Allait-elle les accuser seulement parce qu’elle avait cru la voir ?

« Arrêtez de me mentir. Si c’est vraiment Clive qui m’a sauvée, alors à qui appartient le quatrième couvert sur la table, dites-moi ? » Dit-elle en pointant les verres et assiettes qu’elle avait comptés plus tôt. « À moins que vous n’ayez songé à inviter quelqu’un à goûter alors que nous sommes en danger de mort », termina-t-elle sur un ton ironique.

Les regards se portèrent sur la table qu’indiquait Penelope.

« Ah, ça ! » Déclara Clive en souriant gentiment. « Cette vaisselle ne date pas d’aujourd’hui. Parfois il m’arrive de laisser les choses trainer, surtout avec nos circonstances actuelles. 

-Oui, elle était déjà là quand nous sommes arrivés », confirma Flora.

« Et nous n’avons rien mangé du tout », termina Luke.

Ils parlaient comme une personne qui cherche absolument à se convaincre. Et Penelope trouva cette attitude assez louche.

« Vous… me dites la vérité ?

-Absolument.

-Bon… »

Elle baissa la tête et ne dit plus rien. Aurait-elle souhaité que les choses se soient déroulées autrement ? Avait-elle encore l’espoir de revoir une personne qui était définitivement partie ?

Un silence gênant s’installa. Que ce soit Claire qui ait sauvé Penelope ou pas, le problème principal existait encore. Axerik voulait toujours les tuer. Désormais, ils ne pouvaient plus enquêter ou chercher à résoudre l’énigme pour espérer survivre. Le délai était dépassé.

Et puis, s’il s’était retiré, ce n’était guerre par faiblesse. Il voulait juste jouer un peu plus longtemps avec eux.

En bref, ils se trouvaient dans une situation peu enviable.

Ils étaient debout tous les quatre, s’échangeant un regard qui, clairement, voulait dire : « que devons-nous faire ? »

Il faisait nuit. La maison était juste éclairée par quelques lampes à gaz, et le noir, le silence, tout cela ne faisait qu’alourdir encore plus une atmosphère qui était déjà insupportable.

 

« Axerik nous contrôle comme de vrais jouets », souffla Luke.

« Il doit vraiment s’amuser, lui si fort, à se moquer de quatre personnes aussi faibles que nous », se lamenta Flora à son tour.

« Et désormais », termina Clive d’une voix triste. « Nous sommes comme des condamnés à mort qui attendent d’être exécutés. »

Penelope ne dit rien.

Perdus dans leurs craintes, ils s’assirent sur les canapés et se perdirent chacun dans ses pensées. Cette peur qui commençait à les envelopper, elle était comme les hirondelles qui annoncent l’arrivée du printemps.

On dira que la mort et le printemps n’ont aucun point commun. En fait, si. Pour les deux, on ne peut jamais choisir quand ils arrivent.

Au milieu de ce silence mortel, des coups à la porte vinrent se placer. Les quatre personnes sursautèrent.

Clive se leva.

« C’est trop dangereux d’aller ouvrir la porte », l’arrêta Luke. « C’est peut-être Axerik qui…

-Je doute qu’Axerik ait besoin qu’on lui ouvre la porte », lui répondit-il simplement.

Il alla donc ouvrir, et les trois enfants le suivirent.

Ce n’était pas Axerik.

C’était Virginia, la demoiselle de compagnie de la Princesse. À l’exception de la fois où elle leur avait transmis le défi d’Axerik, Fiona ne s’était jamais rendue hors du palais depuis leur arrivée. Virginia travaillait pour la Princesse qui, à son tour, travaillait pour Axerik. Alors, fallait-il vraiment se réjouir ?

« Bonsoir », leur dit-elle très calmement. « Comment allez-vous ? »

« Nous allons très bien ! » S’énerva Luke. « Nous sommes juste en danger de mort à cause de votre Princesse et son maître mais nous nous portons parfaitement bien. 

-Allons… est-ce une erreur que de m’inquiéter pour vous ?

-Non, mais votre hypocrisie en est une ! »

Elle esquissa un sourire et secoua la tête.

« Bon. Je vais aller droit au but. C’est la Princesse qui m’a envoyée. »

Elle porta le regard sur une personne précisément.

« Dites-leur pourquoi. »

Les yeux de Flora s’écarquillèrent alors que ses trois amis la regardaient d’un air surpris.

« M…Moi ?

-Oui, vous. La Princesse vous avait parlé tout à l’heure, n’est-ce pas ? »

Flora se remémora son entrevue avec Fiona, l’après-midi même. En effet, la Princesse lui avait dit une certaine chose…

« Je le sais. Mais Axerik a dit qu’il vous tuerait « l’un après l’autre ». Certaines personnes mourront, c’est certain. Mais j’essaierai d’aider ceux qu’il n’aura pas encore tués avant qu’il ne fasse. Je limiterai le nombre de victimes. »

Avec tout ce qui s’était passé, Flora avait un peu oublié, mais là, ça lui revenait. Fiona avait promis de les aider, le soir venu, pour qu’ils ne se fassent pas tous tuer.

« Par miracle », expliqua Virginia en glissant une mèche de cheveux derrière son oreille. « Vous êtes tous en vie après le coucher du soleil. Je ne sais comment une chose pareille a pu arriver, mais la Princesse m’a demandé d’aider tous ceux qu’Axerik n’a pas encore tués. »

Luke, Penelope et Clive ne comprenaient rien.

« Fiona veut nous aider ? »

Virginia leur sourit.

« Oui.

-Mais pourquoi ?

-Elle a dit qu’elle ne voulait pas voir plus de sang couler sur son île. »

Fiona était Janice, et il était plutôt logique qu’une personne comme Janice ait ce genre de pensée. Cependant…

« Je croyais qu’elle ne pouvait pas désobéir à Axerik. »

Virginia haussa les épaules.

« Je ne suis qu’une demoiselle de compagnie. Je ne sais que ce que la Princesse veut bien me dire. »

Elle marqua un silence avant de reprendre le sujet principal.

« Bref, revenez à bord du bateau sur lequel vous êtes venus. La Princesse a ordonné qu’il quitte l’île dès demain matin, à la première heure. Ainsi, vous rentrerez chez vous et vous oublierez toute cette histoire à jamais. Axerik est peut-être très puissant, mais sa puissance ne dépasse pas les frontières de cette île. Dès que vous serez partis, vous serez en sécurité. »

Ils prirent un moment pour réfléchir à cette offre.

« Un instant ! » S’exclama Luke. « Clive ne peut pas quitter l’île à cause de sa sentence qui n’est toujours pas terminée, mais nous ne pouvons pas le laisser ici non plus ! »

Mais Virginia secoua à nouveau la tête.

« Ne vous inquiétez pas pour cela. Si trois de vous partent, je ne pense vraiment pas qu’Axerik ira s’attaquer contre le seul qui reste. Non, il vous trouvera surement lâches et se moquera de vous au lieu de s’énerver et de chercher à vider sa colère sur l’unique personne restante. Il se sentira fier de vous avoir fait peur au point que vous ayez fui et il ne vous accordera plus la moindre importance. La Princesse me l’a clairement expliqué. Et, bien que ce ne soit pas très flatteur pour vous, l’essentiel, c’est que vous surviviez, n’est-ce pas ? »

Elle dirigea le regard vers Clive.

« Cependant, après le départ de vos amis, tâchez, vous aussi, d’oublier cette affaire et continuez de vivre comme si de rien n’était. D’accord ? »

Il hocha la tête, et Luke dévisagea Virginia en se demandant s’ils pouvaient vraiment la croire.

« Bon », termina la demoiselle de compagnie. « Je vous ai tout expliqué. La Princesse m’a demandé de vous dire adieu de sa part, et elle vous souhaite une vie très heureuse. »

Elle fit une légère révérence et s’apprêta à partir lorsque Luke l’interrompit.

« Virginia, attendez !

-Oui ?

-Nous ne savons pratiquement rien de vous. Vous êtes la demoiselle de compagnie de la Princesse, et elle vous fait vraiment confiance. Comment vous a-t-elle choisie ? »

Luke ne savait pas pourquoi il continuait à poser des questions alors qu’il nétait plus question d’enquêter. Mais il était l’apprenti d’un détective amateur, et il ne s’entendait pas du tout avec une certaine fille qui détestait les interrogatoires, et pour couronner le tout, il était un enfant. Bref, il avait toutes ses raisons pour poser plein de questions.

Virginia ne se laissa pas surprendre pour autant.

« Pourquoi moi ? Oh, c’est probablement à cause de la langue.

-La langue ?

-Oui. Je vous l’ai déjà dit plus tôt : je suis l’une des rares personnes de l’île à parler et la langue locale et l’anglais. La Princesse avait besoin d’une personne qui puisse la comprendre, et en même temps transmettre ses ordres aux gardes.

-Attendez une minute ! Fiona ne parle que l’anglais ? »

Virginia hocha la tête.

« Oui. »

La Princesse d’Axerik qui ne parle pas la langue d’Axerik, c’était assez ironique. Cependant, comme ils savaient qui elle était vraiment, ils n’étaient qu’à moitié surpris.

« Et vous, Virginia, qui vous a appris l’anglais ?

-Ma mère était anglaise. Elle est venue ici pour faire du tourisme et a tant aimé les lieux qu’elle a décidé de s’installer ici. Alors vous pouvez dire que je suis à moitié anglaise. »

 Elle croisa les bras, un sourire aimable toujours accroché sur le visage.

« C’est si dommage que vous n’ayez pas pu trouver la réponse à l’énigme. Mais j’imagine que vous n’auriez jamais pu… »

Ils la dévisagèrent, ne comprenant pas ce que sa dernière phrase voulait dire.

« Pourquoi dites-vous cela ? »

Le sourire s’estompa.

« Parce que l’énigme est impossible à résoudre. 

-Mais le professeur l’avait pourtant résolue ! »

Virginia baissa la tête.

« Ce n’est pas pareil.

-Pourquoi ?

-Cela ne vous servira à rien de le savoir, maintenant.

-Peu importe, dites-le nous ! »

La demoiselle de compagnie détourna le regard et sa voix devint soudainement plus basse.

« Parce que lui, il a vu quelque chose que vous n’avez pas vu. »

Ils froncèrent tous les quatre les sourcils.

« Vous voulez dire qu’il sait quelque chose qu’on ignore ?

-Non. Je n’ai pas dit ça. J’ai juste dit qu’il avait vu quelque chose que vous n’aviez pas vu. »

Luke se frotta la tête.

« Ça revient au même, non ? »

Elle leva la tête et fixa de ses yeux brillants le jeune garçon.

« Voir et savoir, ce n’est pas la même chose. »

Et avant qu’il ne puisse placer une autre question, elle tourna les talons.

« Adieu. »

~~~~~~~~~~~~~~

Alors ça serait ça, l’issue de l’histoire ?

Luke, Flora et Penelope retourneraient à Londres, Clive continuerait de vivre à Axerik, et le professeur serait oublié comme s’il n’avait jamais existé.

Il y avait une autre option, bien sûr. Celle qu’ils meurent tous. Mais elle était encore pire.

Les voilà, devant un choix qui n’en était pas vraiment un. Ils allaient partir, et tout oublier.

Oublier, oublier, oublier. Ce mot n’arrêtait pas de se répéter depuis le début de cette histoire.

Une enquête ? Un mystère ? Ils étaient venus, avaient perdu quelqu’un, c’étaient débattus pour décider s’ils devaient enquêter ou pas, avaient finalement décidé que oui, ils allaient enquêter, avant d’être rebutés par les menaces de Fiona. Ensuite, ils s’étaient lancés dans un étrange jeu de survie, avaient perdu, et là, ils étaient en train de s’échapper pour éviter leur sort.

Cette histoire, elle ne ressemblait en rien à celles qu’ils avaient l’habitude de vivre avec le professeur. Oui, c’était le festival de l’anarchie.

 

Sinon, la visite de Virginia avait soulevé deux points.

D’abord, cette si étrange information qu’elle leur avait donnée. « Parce que lui, il a vu quelque chose que vous n’avez pas vu. » Qu’est-ce que le professeur avait vu, lui qui était mort dès son premier jour sur l’île ? Il ne s’était séparé d’eux que pour aller voir Fiona, mais eux aussi, ils ont vu Fiona.

Virginia avait raison. Cette information ne servait plus à rien.

Le second point était un peu plus… délicat que le premier.

Depuis leur arrivée sur l’île, ils n’arrêtaient pas d’entendre parler sur la puissance d’Axerik. Axerik, le maître des lieux. Axerik qui, depuis cinq mille ans, est toujours en vie. Axerik, qui avait lancé un défi insurmontable. Axerik, la force suprême de l’île. Axerik qui avait même pu vaincre le professeur. Axerik qui contrôlait tout.

Et pourtant, eux, trois enfants et un jeune homme en exil, allaient pouvoir s’échapper de lui. Comme ça, par miracle, au moment où il veut les tuer, Penelope est sauvée, et la Princesse se rebelle contre lui et décide de les aider. Et lui, aussi fort soit-il, ne se rend compte de rien et se contente de se moquer d’eux et de les oublier…

Ce genre de situation digne d’un conte de fée ne pourrait jamais arriver dans la vraie vie. Alors, pourquoi est-ce que cela arrivait tout de même ?

Et si, en fait, Axerik les contrôlait toujours ? Et s’il voulait qu’il en soit ainsi ?

 

C’était trop confus.

 

Perdus dans ce tourbillon d’idées, ils durent se plier au courant des événements. Luke, Penelope et Flora dirent adieu à Clive avant de retrouver le bateau qui les avait conduits sur cette île maudite.

« Je suis vraiment désolé que tu doives rester seul ici », s’excusa très sincèrement Luke.

« Non, si quelqu’un doit s’excuser, c’est plutôt moi. Après tout, c’est moi qui vous ai ramenés ici. Si je n’avais pas envoyé cette lettre, rien ne se serait jamais passé. »

Il semblait complètement abattu.

« Adieu, Clive. J’espère qu’on se reverra un jour.

-Adieu, Luke. Adieu, Flora. Adieu, Penelope. »

Et ils s’en allèrent, se doutant bien qu’ils n’allaient jamais le revoir.

~~~~~~~~~~~~~~

Mildred Brice soupira.

Les choses s’étaient arrêtées pour elle depuis déjà un moment. Elle se rappela des derniers mots qu’il lui avait adressés.

« Surtout, n’agis que si tu dois absolument agir. »

Elle s’assit sur son lit et laissa sa tête tomber contre ses deux mains. Ce n’était pas nécessaire d’agir. À partir du moment où elle l’avait compris, elle avait choisi de garder un rôle passif dans l’histoire.

Pourtant, elle avait fini par faire quelque chose.

C’était trop dur pour elle. Elle les voyait se débattre et tourner dans le vide, et elle possédait la carte maîtresse qui leur permettrait de tout comprendre. Elle ne pouvait pas ne pas la leur donner.

« C’est un cadeau pour toi, Luke. »

Et pourtant, elle commençait à regretter son acte. Elle aurait dû l’écouter.

Elle soupira une seconde fois. De toute façon, c’était trop tard. Elle leur avait déjà offert cet indice.

~~~~~~~~~~~~~~

La nuit était sombre et glaciale. Unie avec le sentiment d’être poursuivi par quelqu’un qui veut nous tuer, elle rendait le trajet entre la maison de Clive et le bateau terriblement terrifiant.

« C’est triste », murmura Flora, au bord des larmes.

« C’est très triste même », approuva Luke. « Mais ce qui me désole le plus, c’est qu’on doive lui mentir de la sorte. »

Il regarda Penelope qui les devançait et qui n’avait pas prononcé un mot depuis leur discussion sur sa mère. Elle était blême, et ses yeux semblaient sombrer dans le noir.

« Nous n’avons pas le choix », soupira Flora en essuyant les premières larmes qui commençaient à se former dans ses yeux.

 

Lorsqu’ils arrivèrent, chacun rejoignit sa cabine. Ils ne voulaient plus parler. Ils n’avaient plus rien à dire.

 

Les précédentes aventures que Luke et le professeur avaient vécues (parfois accompagnés de Flora), avaient souvent connu un dénouement triste. Mais jamais, jamais, ils n’avaient ressenti une chose pareille à la fin de l’une d’elles.

C’était une tristesse sans espoir.

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