La Lune, le Soleil, et l'Etoile au milieu

Chapitre 18 : Soleil couchant

8874 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 18:58

Rey se tient au bord d’un trou noir, la tête en feu alors qu’elle essaie de démêler la situation.

Devant elle, le vaisseau de Kylo. Elle peut le voir à l’oeil nu, elle en est sûre, une forme floue et lointaine, suspendue dans l’espace comme un arrêt sur image. Parce que c’est bien de ça dont il s’agit. Elle pourrait rester plantée là mille ans et Kylo serait toujours dans ce vaisseau, tombant lentement vers une mort certaine. Ce genre de pensée lui fait mal au crâne, parce qu’elle mourrait de vieillesse avant qu’il ne meure des suites de ses blessures.

Je pourrais rentrer et aller chercher de l’aide, se dit-elle. Il n’ira nulle part de toute façon. Mais qui l’aiderait? La Résistance proposerait au mieux de lui donner une impulsion pour le pousser dans le gouffre. Le Premier Ordre, mené par de nouveaux Officiers, ferait probablement pareil. Sa propre mère elle-même n'était pas d’avis de le ramener. La seule autre personne dans l’univers qui aime assez Kylo pour vouloir le sauver, c'est Tam.

Rey replie les bras sur la console et laisse tomber sa tête endolorie sur l’oreiller qu’ils forment. La zone violette n’est pas sans retour. Il n’a pas encore glissé au-delà du point de non-retour, et avec un moteur assez puissant on doit pouvoir arracher un vaisseau à la gravité. Le vaisseau de Rey ne lui sera d’aucune utilité. C'est un simple transporteur conçu pour la durée et la stabilité plus que pour la performance.

Mais le vaisseau de Kylo est un des meilleurs jamais conçus par le Premier Ordre. Au vu de ses dimensions et de son poids, ses engins ioniques sont totalement surdimensionnés, et Rey a déjà tenu leur puissance au creu de sa main le jour où elle a tenté de le tenir au sol à l'aide de la Force pour empêcher Kylo de s'échapper. Il lui avait effectivement échappé à l’époque, et on dirait bien qu’il compte recommencer aujourd'hui. Aller à sa rencontre impliquerait de se soumettre à la même dilatation temporelle que lui. Pour chaque minute passée à l’aider, il s’écoulerait un mois sur Kalboth, et ce serait un mois de plus d’attente pour Tam.

Est-ce que Kylo en ferait autant pour elle?

Rey se mordille la lèvre, n’ayant pas la réponse. D’accord, il l’a autorisée à s’enfuir avec Tam, et c’était un acte de générosité inespéré, et Rey n’est pas certaine de vouloir risquer sa vie et son avenir pour un homme qui ne le ferait pas pour elle.

Mais ce n’est pas la question, se dit-elle sans y croire. Il faut porter secours aux gens, qu'ils te le rendent ou non.

Et personne d’autre qu’elle ne le fera.

Elle effectue les calculs sur l’ordinateur du vaisseau et estime que dans le laps de temps qu’il lui faudra pour atteindre le vaisseau, démarrer ses moteurs et quitter la zone, cinq mois se seront écoulés dans le reste de l’espace. Cinq mois ne sont pas tant que ça à sacrifier, si ça permet à Tam d’avoir son père à ses côtés pour le reste de sa vie.

Mais personne ne peut simplement se volatiliser cinq mois sans la moindre explication, se dit-elle. Elle prépare une borne, qu’elle laissera en orbite stable, qui émettra sur les ondes de la Résistance. Elle appuie sur le bouton d’enregistrement et prend une profonde inspiration.

“Ceci est un message pour la Résistance, pour mon fils Tam, Général Organa, Colonel Finn Yevin, et brigadier Général Poe Dameron. Ici Rey. Si vous trouvez ce message, alors vous aurez certainement déjà compris où je suis partie. En terme de distance je ne serai pas loin de l’endroit où vous trouverez cette borne, mais il me faudra beaucoup de temps pour en revenir. Quand vous entendrez ceci, je serai en train d’essayer de sauver… T-tous les survivants du Vaisseau de Commande du Premier Ordre. Si j’échoue…”

Sa voix se déchire et se brise et elle prend un instant pour s’éclaircir la gorge. “Quoi qu’il advienne, je veux que Tam sache que je l’aime. Que je suis là, et serai toujours là même si nous ne pouvons plus nous voir. Prend soin de Leia jusqu’à mon retour, Tam. Et Finn, je sais que tu veilleras sur mon fils, tout comme Poe et BB8. Je vous aime tous très fort et je rentrerai bientôt, c'est promis.”

Ses derniers mots sont à peine audibles et elle presse de bouton de fin un peu trop vite, espérant qu'ils ne l’entendent pas sangloter. Longtemps, elle hésite. Elle pourrait effacer le message et rentrer à la maison… Laisser Kylo Ren à son triste sort.

Mais Rey est incapable d’une telle cruauté, même si tout serait plus simple si c'était le cas. Elle installe l'émetteur et se redresse, prenant son courage à deux mains. A présent déterminée, elle démarre les moteurs et monte la puissance au maximum. Il faut aller aussi vite que possible. Chaque seconde qui passe est une journée de perdue.

Plusieurs alarmes s’enclenchent, lui signalant l’entrée dans la ceinture verte. Il n’est pas trop tard pour faire demi-tour. Rey les réduit au silence en poussant quelques interrupteurs et fixe son regard sur le vaisseau devant elle. L’intensité de la gravité augmente, tentant de l’attirer dans une direction tandis que son vaisseau lutte pour garder son cap.

C'est une vision étrange que celle du vaisseau suspendu se mettant progressivement en mouvement, comme s’il revenait à la vie. Plus Rey approche, plus elle réalise la vitesse à laquelle il va, filant à une allure affolante à laquelle Rey va devoir monter si elle espère aborder. Bien qu’elle ne soit pas au niveau de Poe Dameron dans une aile-X, Rey en donnerait tout de même pour leur argent à ceux qui la défieraient à la course. Forçant sur les commandes, elle manœuvre pour se caler sur la trajectoire du vaisseau, enflammant ses réacteurs à toute puissance pour résister à l’attraction de la gravité. Elle est si proche. Elle repère le sas d'amarrage d’urgence sur le dessus du vaisseau et franchit l’espace qui les sépare, l’alignant avec son propre sas.

Quand elle entend le sifflement prometteur d’un amarrage réussi, elle pourrait bondir de joie, mais elle n’a pas de temps, même pour ça. Elle s’empare de son sabre-bâton et se précipite sur le sas. Elle peine à ouvrir les mécanismes grippés et saute enfin dans la cabine, large et noire, du vaisseau de commande.

La première chose qu’elle remarque c'est le manque d'oxygène. Le sifflement aigu du gaz lui confirme que le dioxyde de carbone emplit les lieux depuis déjà plusieurs minutes. Les masques à oxygène ont été déployés. Rey en décroché un du mur et le tien sur sa bouche en regardant autour d’elle. Deux stormtroopers gisent au sol près de la console de pilotage. Elle les retourne, et bien que leurs corps soient encore chauds, ils n’ont plus de pouls. La console de commande carbonisée qui fait des étincelles comme si elle venait d'exploser en est probablement la cause.

Puis Rey lève les yeux et le voit.

Il est exactement comme dans le rêve qu’elle fait chaque nuit. Sur le dos, adossé au mur comme s’il y avait été projeté. Il tend la main… Et maintenant elle voit au sol le masque à oxygène de la vision de Tam. Un instant, Rey n’ose pas bouger. Il doit être mort, pense-t-elle. Personne ne peut baigner dans une telle mare de sang et survivre.

Puis la douleur lui déchire l’épaule et elle réalise qu’elle perd un temps précieux.

“Ben,” chuchote-t-elle en se précipitant vers lui, s’agenouillant à son côté. Les doigts tremblants, elle saisit l'autre masque et l’appliquer sur sa bouche et son nez. Il a la peau glacée.

“Ben, tu m’entends? Kylo?”

Il a un pouls.  C’est si faible qu’elle le sent à peine, et quand elle retire sa main cette dernière est couverte d’un sang noir et épais. Rey voit distinctement sa blessure à présent, la déchirure de ses vêtements et le blanc de l’os à vif en dessous. Elle déglutit difficilement. Comment a-t-il pu simplement lui tourner le dos et s’en aller alors qu’il était mutilé à ce point, et qu’elle ne s’en soit même pas rendue compte?

“Je reviens tout de suite,” chuchote-t-elle à l’homme silencieux, et elle court au fauteuil de pilote. Un autre cadavre de stormtrooper y est assis. Elle s’apprête à le dégager sans autre forme de procès quand le corps pousse un grognement irrité qui la fait sursauter.

“Hé!” Elle redresse le stormtrooper, lui donnant une bonne secousse. “Reprend toi!”

Mais la femme est tant en manque d'oxygène qu’elle est à peine consciente. Rey se démène pour lui retirer son casque blanc et place un autre respirateur sur son visage avant qu'elle ne perde à nouveau conscience.

“Écoute,” dit-elle, quand le regard de la femme reprend vie. “Ce vaisseau est en train de basculer tête la première dans un trou noir - il faut nous sortir de là.”

“De quoi?” La femme bouge à gestes lents, désorientée. “Il y a eu une explosion… Une sorte de…d’éclat nous a percuté et puis…”

Rey n’a plus de patience à ce stade. “Peu importe. Tourne ce vaisseau dans l’autre sens et lance les moteurs à fond! Vite!”

“Oui, Monsieur,” dit la stormtrooper d’une voix pâteuse.

Combien de minutes se sont écoulées? Combien de mois?

Rey essaie de ne pas y penser et de se concentrer sur le matériel de Premiers Soins. Tout est dissimulé dans un panneau au mur, où le Premier Ordre a dû les ajouter en dernière minute, visiblement sans avoir anticipé qu'il y en aurait certainement besoin. Rey trouve de la gaze stérile, des pansements, un défibrillateur et des bandages. Elle prend le tout, l’apporte à Kylo, et commence à élargir la déchirure dans ses vêtements pour atteindre la blessure.

“On avance?” Lance-t-elle au pilote.

“Il y a un vaisseau amarré à notre sas,” répond mollement la femme.

“Éjecte le, c'est un poids mort,” crie-t-elle en retour, et c'est avec soulagement qu'elle entend les verrous se libérer. Au moins le pilote commence à réagir. “Maintenant par pitié, sors nous d’ici!”

Elle revient à Kylo. Sa peau est d’une pâleur de mort, au point que les mains de Rey paraissent brunes et écarlates en comparaison, tandis qu’elle applique les pansements sur la blessure.

Ils n’ont pas été conçus pour des blessures si profondes, et ne retiendront le sang que quelques instants.

Il en a perdu tellement que c'est probablement déjà trop tard, de toute façon.

“Sale type,” murmure-t-elle pour elle-même. “J'espère ne pas avoir fait tout ça pour rien.”

Il tressaille alors, comme s’il avait détecté l’insulte. Sa tête se redresse et il lève la main pour caler le respirateur sur son visage. Il risque surtout de le faire tomber, alors Rey lui met une tape sur les doigts.

“Pas touche. Je t’interdis de t’étouffer avant d’être mort d’hémorragie.” Elle donnerait n’importe quoi pour un pistolet à agrafes, là tout de suite. Ce serait le seul truc en mesure de le garder en un morceau. Il dit quelque chose. Elle n’en est pas certaine, parce que tout ce qu’elle voit c'est le mouvement de sa gorge et la vapeur sur le masque à oxygène. Elle se penche en avant pour mieux entendre.

“Rey...”

“Oui, je suis là.” Elle est soulagée qu’il soit assez vif pour la reconnaître.

“... es revenue…”

“Oui.”

“...idiote…”

“Tu as perdu beaucoup de sang alors je vais laisser passer pour cette fois,” lui dit-elle, appliquant une épaisseur de gaze supplémentaire sur sa plaie. “Mais je tiens à te faire savoir que je risque ma vie, et beaucoup plus, pour tes beaux yeux, alors un ‘merci’ serait bienvenu.”

Elle attend sa réponse, mais il semble avoir de nouveau perdu connaissance.

“Ça y est on bouge?” Crie-t-elle au pilote.

“Notre chute est ralentie - mais j’arrive pas à nous arracher…”

“Même en tirant sur le carburant atmosphérique?”

“C’est uniquement pour les décollages-”

“Utilise tout! Et évacue la zone de cargo s’il le faut!”

Elle revient encore à Kylo. Le plus gros de sa plaie est couvert, mais du sang goutte encore de son épaule, où le muscle est tranché. “Pardon pour ça,” murmure-t-elle, avant de remonter son épaule et de l’emballer dans davantage de gaze. Il inspire avec difficulté au moment même où une vague de douleur transperce l’épaule de Rey. Cette partie là du Lien de Force, Rey s’en passerait bien. Cela dit, sans cette douleur, Rey n’aurait jamais pensé à se lancer à sa recherche.

“C’est mieux,” chuchote-t-elle. Elle l’adosse doucement à la cloison et fouille dans le reste de la boîte médicale à la recherche de quelque chose - n’importe quoi, d’utile. Il y a une seringue et une poche d’antiseptique. Probablement pas idéal, mais il faudra faire avec. Rey déchire sa manche renforcée jusqu’au dessus de son coude et se met en quête d’une veine.

Ce n’est pas facile, avec la condensation à l'intérieur du masque et la vision limitée par ce dernier. Sans parler des secousses violentes qui agitent le vaisseau alors que le pilote brûle un nouveau réservoir de carburant. Rey se concentre. Sa main cesse de trembler. L’aiguille trouve la veine et Rey pousse un soupir de soulagement quand l’antiseptique s’écoule enfin. Il gagnera un peu de temps, espère-t-elle, même si ce n’est pas grand chose.

“Le dernier chargement est largué!” Crie le pilote. “Nous avons tout essayé et nous continuons à tomber.”

Ce n'est pas ce que Rey espérait entendre. Elle se dirige vers le siège du copilote et passe en revue les commandes, cherchant autre chose à larguer. Mais visiblement le pilote a retrouvé ses esprits et a déjà bazardé tout ce qu’il pouvait à l’exception de la cabine dans laquelle ils se tiennent. Rey tente de détourner l’alimentation des armes vers les moteurs, mais ça ne change rien. Le vaisseau n’est simplement pas assez puissant pour résister à l’attraction éternelle d’un trou noir.

“J’ai tellement cru…” Chuchote-t-elle, levant les yeux vers les étoiles, si incroyablement nombreuses et lumineuses. De sa vie elle n’avait jamais vu autant d’étoiles. “J’ai vraiment cru que ça marcherait.”

Combien de temps est passé à présent? Quinze minutes? Vingt? Elle est partie depuis deux ans, à présent.

Je suis tellement désolée, Tam.

Quelque chose bouge à l’extrémité de son champ de vision et elle se retourne pour voir Kylo reprendre conscience et tenter à nouveau de retirer son masque. Rey va le rejoindre et lui prend la main, la serrant fort en s’agenouillant. Les yeux noirs de Kylo s’ouvrent difficilement et se tournent vers elle.

“Je t’avais dit de partir…” Grince-t-il, les yeux se fermant sous une nouvelle vague de souffrance.

“Je l’ai fait.” Dit-elle, retirant la cape qu’elle a sur les épaules pour en faire un coussin qu'elle glisse derrière sa tête. “Je suis revenue.”

“Mais Altan…”

“Il est hors de danger,” dit-elle, se sentant soudain vide.

Il se force à ouvrir les yeux, et elle peut voir sans son expression la confusion et la suspicion. “Alors pourquoi… Revenir?”

“Tam ne m’aurait jamais pardonné de ne pas le faire,” dit-elle.

Peut-être croit-il cette explication, ou peut-être est-il simplement trop épuisé pour garder les yeux ouverts. Il se laisse aller contre l’oreiller de fortune, peinant à respirer.

“Menteuse,” souffle-t-il avec une satisfaction évidente.

“Pas la peine de crâner,” lui dit-elle doucement. “On se dirige droit dans un trou noir, tu sais.”

“Je sais.”

Il a l’air si serein à cette idée qu'elle fronce les sourcils. “Surtout pas de raison de s’inquiéter, hein,” dit-elle.

“A quoi bon m’inquiéter… Quand… Tu le feras pour… Deux,” il doit se taire pour reprendre son souffle. “Il y a des morts bien pires.”

“Écartelé atome par atome ne correspond pas précisément à mon idée d’une mort agréable,” lui dit-elle.

“Les radiations… Nous tueront… Bien avant.”

“Je crois que ta blessure va t’achever le premier.”

“... Juste une égratignure.”

“Évidemment. Où avais-je la tête?”

Il retombe dans un lourd silence, épuisé par l’effort de parler. Rey écarte délicatement les mèches de cheveux noirs qui collent sur son front moite et glacé. Sous ses genoux, le vaisseau cesse de vibrer et de vrombir. Tout devient calme et silencieux. Elle se tourne vers le pilote.

“Voilà, j’ai tout tenté… Les batteries à ions sont vides,” dit la femme, et elle ne semble pas savoir quoi ajouter. Rey a l’impression qu’elle se met à prier.

Alors, c'est tout. Combien de temps à présent? Elle a l’impression qu'une heure s'est écoulée. Combien d’années à l’extérieur? Quel âge a Tam à présent? Lui a t’elle manqué? A t’il découvert ce qui lui était arrivé?

Rien de tout cela n’a l’air réel.

“Il va s’en remettre.”

Rey se tourne vers Kylo. Lit-il dans ses pensées?

“Il est solide,” dit-il.

“Il ne devrait pas avoir à l’être,” dit-elle, la gorge serrée. “J’aurais dû être là pour lui.”

“Il tient de toi… Et tu as grandi dans l’adversité comme une fleur dans le désert. Il va s’en tirer.”

Rey ferme les yeux. Ça doit être la chose la plus gentille qu’il lui ai jamais dit, et donc il va bientôt mourir. Elle lui serre la main et tente de retenir ses larmes. Il n’aimerait pas qu’elle pleure. Mais quand elle pense à toutes les choses qu’elle ne verra pas, son cœur se brise. Elle aurait tellement voulu le voir grandir. Se faire des amis. Rencontrer l’amour. Devenir un homme. Devenir un homme bien. Et maintenant, le fil de sa vie s’écoule sans elle.

Des larmes brûlantes emplissent ses yeux et elle se tourne vers les panneaux vitrés derrière lesquels elle voit les étoiles, si brillantes et si nombreuses qu’on ne voit presque pas de noir entre elles. C'est magnifique. Mais ils doivent approcher du point de non retour, car d’étranges nuages de gaz tourbillonnent autour d'eux, ainsi que des éclats de lumière bleue.

Kylo se tourne pour suivre son regard, mais le mouvement leur envoie une décharge douloureuse à tous les deux. Il remarque sa grimace, et après un instant de perplexité, son expression s’éclaircit. “Tu le sens aussi.”

Elle acquiesce gravement. “Notre Lien est revenu pendant ton sommeil, Ben. Ça fait des mois que ta souffrance est aussi la mienne.”

“Pourquoi maintenant?”

Rey détourne les yeux, ne parvenant pas à soutenir son regard. “Je crois… Je crois qu’il n’est revenu que parce que je l’ai voulu assez fort. C'est comme s’il avait attendu une invitation.”

“Alors tu reconnais…que nous sommes faits l’un pour l’autre.” Il est en train de mourir d’hémorragie et c’est à peine si son cœur bat, et pourtant il trouve le moyen d’être insupportablement triomphant.

“Nous allons être écrabouillés ensemble dans une autre dimension, alors que je crois pas qu’on ait vraiment le choix,” soupire-t-elle.

“Pourrait être pire.”

“Je vais juste faire ça, les lister, ça me remontera le moral.” Elle attend sa réponse, mais comme rien ne vient elle réalise qu’il a de nouveau glissé dans l’inconscience. Peut-être pour la dernière fois. Peut-être est-ce mieux ainsi.

Rey arrange sa position jusqu’à se trouver assise contre le mur. Installée ainsi, elle peut soulever la tête de Kylo et jusqu'à ses genoux et continuer de presser sa plaie. Il n’est pas en mesure d’objecter. Une autre salve de turbulences secoue le vaisseau et Rey lève les yeux vers la pilote qui l’observe prudemment.

“Vous savez vous y prendre avec lui,” remarque la femme. “Je croyais que seul Maître Altan pouvait lui tenir tête.”

“Il n’est pas aussi méchant qu’il le prétend,” dit Rey, la main sur le torse de Kylo, pour s’assurer qu’il respire encore. “Quel est ton nom?”

“AN-241,” répond-t-elle.

“C'est comme ça que les gens t’appellent?” Demande Rey, se souvenant de ce que Rey lui a dit au sujet des Stormtroopers.

“Certains m’appellent Twofer,” dit la pilote à voix basse, comme si elle craignait que Kylo l’entende.

“Twofer, combien de temps nous reste-t-il?”

La pilote jette un œil aux écrans de sa console. “Les radars sont à la peine, mais il y a des radiations droit devant. Nous y entrerons dans moins d’une heure à mon avis.” Puis elle ajoute, “Ça ira probablement vite. Vous allez simplement avoir envie de vomir et ensuite vous perdrez connaissance.”

Rey a déjà envie de vomir, mais elle se doute bien que c'est le stress. “Ça n’aurait pas dû se passer ainsi.” Dit-elle, plus pour elle-même que pour Twofer. “J’allais ouvrir une nouvelle académie. J’allais éloigner Tam de la Résistance, l’emmener à un endroit où il serait à l’abri de l’Obscurité et où il aurait grandi entouré de gens comme lui. Et à la naissance du bébé, il aurait eu un petit frère ou une petite sœur… Avoir quelqu’un comptant sur lui lui aurait peut-être permis de garder les pieds sur terre. Mais c'est trop tard.”

“Vous êtes enceinte?” Demande Twofer, surprise.

La réponse de Rey est interrompue par une secousse du vaisseau, comme s’il venait de percuter quelque chose. Un autre éclat bleu illumine les fenêtres.

“Probablement juste des nuages de gaz…” Dit Rey sans certitude.

“Je n’aime pas ces éclairs bleus. Ils disparaissent trop vite pour les saisir, mais il y en a de plus en plus.” dit Twofer, pile au moment où un autre flash jaillit du néant et secoue de nouveau le vaisseau. Il dure une demie seconde de plus que les autres, juste assez pour graver son image sur la rétine de Rey.

“C’est un trou de ver!” S’écrie-t-elle.

“C'est impossible,” dit Twofer.

Mais impossible de se tromper devant le tourbillon bleuté du vortex, crépitant dans et hors de ce monde comme un feu d’artifice. Quand une bouche s’ouvre et tient ses éclats en place quelques secondes, même Twofer change d’avis. “C'est un trou de ver!”

“Ça doit être une réminiscence de la tempête, dit Rey. La tempête de Force s’est dissipée dans le système, mais si elle s’est étendue aussi loin que cette zone où le temps est ralenti à l’extrême, peut-être qu’elle fait encore rage.

Un autre flash, et le vaisseau penche brutalement comme si son aile avait accroché quelque chose. Rey serre Kylo contre elle pour lui éviter de glisser à travers la pièce comme le matériel médical.

“Ces trucs ont déchiqueté la flotte de l’Ordre, et maintenant c'est notre tour,” dit Twofer d’un air grave.

“Peut-être…” Murmure Rey. Elle se dit que ça n’a plus d’importance. Les radiations les tueront bientôt. Kylo se sera vidé de son sang bien avant ça. Et même s’ils survivent à tout ça, ils seront atomisés, électron par électron, par l’intense gravitation au cœur du Trou Noir. Le risque d'être déchiquetée par un trou de ver la touche assez peu dans l’immédiat.

Mais Rey observe avec intérêt les larmes bleutées qui s’ouvrent et se ferment autour d'eux. Plus elle les regarde, et plus elles ont l’air de rester ouvertes.

“Il se passe quoi si on vole dans l’un d’eux?” Demande Rey à Twofer.

La pilote secoue vivement la tête. “Elles disparaissent trop vite - et le trou noir aspire tout. La lumière, la masse, et les tunnels hyperspaciaux. Sauter dans un trou de ver ici, nous mènerait presque à coup sûr droit au cœur du Trou Noir.”

“Mais pas forcément, si?” Devant l’expression stupéfaite de Twofer, Rey ajoute, “de toute façon nous allons mourir. Alors qu’avons-nous à perdre?”

“Et comment comptez-vous faire ça?” Demande Twofer. “C’est comme vouloir capturer un éclair.”

“Ce n’est pas aussi compliqué que tu le penses,” dit Rey. Avec soin, elle dépose la tête de Kylo sur l’oreiller de fortune et essuie ses mains couvertes de sang sur sa tunique en se dirigeant une nouvelle fois vers le siège du copilote. “Il n’y a qu’à anticiper sa prochaine apparition.”

“Oui, c'est bien le problème-”

“Je m’en occupe.” Elle prend les commandes secondaires en main et vérifie les contrôles. Il y a toujours assez de puissance pour manœuvrer, même si les moteurs principaux sont à sec. “Ça pourrait marcher… Mais tu vas devoir faire exactement ce que je dis.”

Twofer n’a pas le choix et elle le sait. Malgré le regard de pitié qu’elle lance à Rey comme si cette dernière avait perdu la tête, elle allume les réacteurs latéraux et attend, les mains sur le manche de contrôle.

ReyRey s’incline vers la baie vitrée, contemplant la beauté étrange de l’espace au dehors. Les étoiles sont plus brillantes que jamais d’un côté, faisant presque un mur lumineux qui dégouline dans l’obscurité qui entoure le trou noir. La fréquence des éclairs bleus diminue, se dit-elle, mais par contre il sont plus longs, plus proches, plus clairement identifiables comme des ouvertures de trous de ver même s’ils disparaissent toujours trop vite pour les atteindre. Elle les surveille attentivement, écoutant les vibrations de la Force - ce n’est pas facile quand la Force elle aussi est déformée par l’attraction de la gravité. Comme tout le reste, elle s’y écoule, ayant ici moins de l’océan tranquille que du torrent bouillonnant se déversant dans un puits sans fond. Projeter ses sens revient un peu à jeter un bâton dans un torrent et espérer qu’il reste en place.

Mais petit à petit elle en comprend le tracé. Les tourbillons qui apparaissent dans le sillage d’un mouvement de Force juste avant un vortex commencent à prendre forme. Certains sont trop petits. Certains sont trop loin. Puis Rey ressent une tension énorme dans la Force quelque part à sa gauche.

“Trois cent degrés, Fonce,” dit-elle à Twofer. “Fonce!”

Twofer manoeuvre, et dans la fraction de second où apparaît le vortex, elles s’y insèrent.

C’est comme poser un pied hors de l’espace, droit en enfer.

Rey pousse un cri quand une décharge terrifiante l’arrache de son siège. Les rares lumières encore allumées s’éteignent et des étincelles jaillissent de la console de pilotage. Elle a la sensation de tomber en chute libre. L’espace autour d’eux est un flou de lumières et d’ombres dans lequel Rey ne distingue rien, et pendant un instant, elle se demande si c’est ça que ça fait, de tomber dans un trou noir.

Kylo est étendu un peu plus loin. Quand le vaisseau se met à tournoyer de manière incontrôlable, il se met à glisser - Rey se jette au sol pour le retenir. Si les bandages se défont maintenant, il se videra de son sang en un instant. C’est idiot de s’inquiéter de ça maintenant, se dit-elle. Un vrombissement assourdissant remplit l’air - ou sa tête - et c’est le son de leur mort certaine. Elle en est sûre. Elle en est si sûre qu’elle enfouit son visage contre le torse de Kylo et attend, comptant les secondes qui la séparent de la mort.

Une seconde devient deux, puis trois, puis Rey perd le fil dans sa panique et recommence. Il se passe une éternité, ou alors simplement quelques secondes, quand tous les bruits et éclats cessent d’un coup et que de son ventre vient une sensation qu’elle connait bien, et le vaisseau quitte l’hyperespace.

Twofer, qui s’est ficelée sur son siège, s'arqueboute et pousse des jurons. “ACCROCHEZ VOUS!”

Rey ne peut pas faire beaucoup plus pour sa vie que se cramponner à la structure. Elle sent le vaisseau dégringoler, pas à travers l’espace mais balloté par la gravité typique d’une atmosphère. Et là où il y a une atmosphère, il y a généralement un sol. Ça ne serait pas de bol, pense-t-elle, d’avoir réalisé l’inconcevable et s’être échappée d’un trou noir, pour s’écraser ensuite

Mais le crash ne vient pas.

Leur descente ralentit - ils vont assez vite pour pour que son estomac proteste, mais pas assez pour les secouer dans tous les sens. L’instant d’après le vaisseau est de nouveau maîtrisé, descendant doucement jusqu’à ce qu’elle sente un impact prometteur et une vibration quand ils se posent au sol. Rey écoute le grincement de la structure qui reprend son poids sous la pression de la gravité.

“Bien joué,” souffle-t-elle à Twofer dans le silence qui suit. Elle ne croit pas qu’elle-même aurait réussi à reprendre le contrôle du vaisseau sans les moteurs principaux

“Je n’y suis pour rien…” dit Twofer.

Rey relève la tête et essaie de voir par la baie vitrée. Le ciel d’un bleu très pâle lui apparaît, parsemé de nuages dodus qui emplissent son coeur d’une nostalgie amère. Étourdie et endolorie, Rey se détache de Kylo et se redresse. Elle a les mains en sang, mais cette fois c’est le sien - elle s’est agrippée si fort aux aspérités du sol que ses doigts ont été entaillés. Mais Kylo respire toujours, et c’est tout ce qui compte.

“Où sommes nous?” Demande-t-elle.

“Je ne sais pas, notre carte est obsolète,” dit calmement Twofer. “C’est une planète océanique avec une atmosphère respirable, pour ce que j’en vois.

Rey se relève sur ses jambes et avance avec difficulté jusqu’à baie du vaisseau pour jeter un oeil. Des rochers noirs et escarpés couverts de mousse et d’algues lui apparaissent, et au-delà… une mer d’un gris bleuté dont elle a l’impression de sentir le parfum.

“Je n’arrive pas à le croire…” chuchote-t-elle. “Nous sommes sur Ahch-To.”

“Où ça?” dit Twofer avec indifférence.

Rey se précipite sur la console pour abaisser le levier d’ouverture de la rampe, ignorant les avertissements de Twofer. La porte s’abaisse en grinçant, mais se bloque avant l’ouverture complète. C’est suffisant pour qu’une rafale d’air salé balaie le visage de Rey. Elle arrache son respirateur et inspire profondément, comme si elle n’avait pas respiré d’air pur depuis des années.

“Attendez!” s’écrie Twofer, en voyant Rey escalader l’ouverture et descendre la rampe.

Ses pied se posent sur l’étrange côte cristallisée qu’elle connaît bien après des années de formation ici même - des colonnes hexagonales de roche noire dessinent un motif ondulé, comme des escaliers. Les vagues se fendent contre leurs parois et Rey s’accroupit un moment pour tremper sa main dans l’eau glacée, écumeuse, à la fois pour rincer le sang de ses doigts mais aussi pour que la piqûre du sel la convainque que tout ceci est réel.

Pourquoi ici, plutôt qu’ailleurs? Elle n’avait pas vraiment pris le temps de réfléchir à l’endroit où les mènerait le trou de ver, mais ici est bien le dernier endroit qu’elle aurait imaginé.

“Parce que c’est ici que je t’ai trouvée.”

Rey se retourne, sursautant à l’intrusion de cette voix d’homme.

Près du vaisseau, une silhouette est assise sur les rochers noirs, dissimulée sous un manteau d’un noir délavé. Un masque d’argent patiné couvre son visage.

Voici l’homme de ses visions… De ses pires cauchemars. Rey est pétrifiée, et peine à respirer. La rumeur des vagues contre les rochers semble s’amplifier, résonnant dans ses oreilles alors qu’elle observe la créature qui se tient devant elle. Il est bien réel. Aussi réel que la mer glacée. Aussi immuable que la roche. Aussi présent qu’elle l’est elle-même, et Rey n’a plus l’impression de toucher le sol, comme si sa perception de la réalité s’était libéré et qu'elle flottait sans rien à quoi se retenir.

“Tam,” souffle-t-elle finalement, soudain nauséeuse.

“Plus personne ne m’appelle comme ça,” dit-elle.

Les mains de Rey couvrent sa bouche et sa vision s’emplit de larmes douloureuses. Son garçon - son merveilleux garçon au merveilleux sourire a disparu. C'est comme s’il était mort.

Elle secoue la tête, son corps entier refusant de croire que l’homme devant elle est tout ce qu’il en reste. “Je n’aurais pas dû partir,” hocquette-t-elle. “Que t’est-il arrivé? Qu’ai-je fait?”

Elle ne sent plus ses jambes. Ses genoux tremblent fort, ses mains tressaillent contre son visage, ne supportant plus de faire face à l’erreur épouvantable qu’elle a commise.

Des mains gantées se posent doucement sur ses poignets, l’aidant à se relever. Ses mains sont si grandes. Il la dépasse de toute sa hauteur, même si Rey est  courbée et tremblante, incapable de relever sa tête.

“Je n’avais jamais réalisé combien tu étais jeune,” dit-il, et il a la même voix que son père, bien qu'il ait perdu leur accent Corrélien. “Mais ne perds pas espoir trop vite. Regarde. Ils approchent.”

Elle entend le vrombissement de moteurs rompant la sérénité de l’atmosphère d’Ahch-To. Même si ses yeux sont plein de larmes, en levant la tête elle devine la silhouette d’une navette filant à l’horizon.

“Tam est sur ce vaisseau, il t’attend.”

Rey jette à l’homme devant elle un regard stupéfait. “Mais-” S’est-elle trompée? Elle saisit soudain sa main et le sonde de la Force, avant même de réaliser ce qu’elle fait. Il abat ses barrières mentales, l’expulsant avec fermeté, mais pas avant qu’elle ait perçu suffisamment de lui pour avoir la certitude qu’il est bien Tam. Elle le sait au fond de son coeur, comme seule une mère peut le faire.

“Je suis désolée d’avoir mis si longtemps,” dit-il. “Ca m’a pris des années de maîtriser une Tempête de Force assez puissante pour surmonter l’attraction d’un Trou Noir, puis plus longtemps encore pour la faire mener où était ta place.”

“Je ne comprends pas,” chuchote-t-elle.

“Personne ne peut remonter le temps,” explique-t-il. “Mais le temps ne s’écoule pas à la même vitesse dans tout l’univers. D’une certaine façon tu as remonté le temp quand tu as franchi la ceinture violette pour rejoindre un vaisseau qui était encore quelques secondes après un impact qui avait eu lieu trois mois auparavant. Et il y a des endroits aussi où le temps s’écoule plus vite, où d’un certain point de vue revenir à l’espace ‘normal’ est un voyage dans le passé.”

Rey le regarde fixement. “Je ne comprends toujours pas” dit-elle à nouveau.

“Tu ne comprendras jamais. Tu t’es toujours plainte que ça te faisait mal au crâne rien que d’y penser.”

“Retire ce masque, Tam - je veux te voir.” Elle lève les mains pour s’emparer du masque mais il l’arrête doucement.

“Il n’y a rien à voir. Je ne suis pas ton Tam.” Il lève alors la tête, guettant la navette de la Résistance en approche, amorçant sa descente sur le plateau un peu plus loin. “Il sera bientôt là. Nous devons nous dire adieu.”

“Tam-”

“Je ne suis pas Tam.”

“Alors qui es-tu?”

Elle ressent le souffle à son contact. Mangemonde. Faiseur d’Orages. Il y a la mort sur ces mains, comme elle le craignait. Tellement de morts. “Tu le découvriras par toi-même. Un jour.” dit-il. “A moins que ça se passe différemment cette fois?”

Les moteurs de la navette de la Résistance s’arrêtent, et Rey sait que qui que ce soit à l’intérieur, il apparaîtra au sommet de la colline d’un instant à l’autre.

“Je suis heureux d’avoir pu te revoir. Telle que tu es. Ça en valait la peine.” Il relâche sa main et recule.

“Mon chéri,” murmure-t-elle, tendant la main vers lui alors que son coeur se brise.

Soudain un garçon apparait sur la crête au-dessus d’elle, et dévale la colline. “MAMAN!”

“TAM!” Rey se précipite à sa rencontre - il le faut - il va trébucher et se rompre les os sur les rochers, à cette vitesse.

Il se précipitent dans les bras l’un de l’autre et roulent sur la mousse, riant. Elle répète son nom comme une chanson parce que c’est pour de vrai, c’est bien réel, et c’est bien lui.

“Maman - t’es partie trop longtemps!” S’exclame-t-il.

“Combien de temps?” demande-t-elle, dégageant des boucles de cheveux de son front.

“Une semaine entière!”

“Une semaine entière!” Elle crie presque et le serre fort contre elle. “Tam, petit futé! Tu es tellement, tellement malin! Comment as-tu su où me trouver?”

“J’ai eu une vision-”

“Toi et tes visions!” Elle est mi-exasperée, mi-hilare, et elle commence à le chatouiller férocement jusqu’à ce qu’il roule dans la mousse, demandant pitié en gloussant.

“Rey!”

Elle lève la tête et voit Finn descendre la colline avec prudence. Il porte un blaster à son côté. Rey relâche Tam assez longtemps pour attirer Finn contre elle et le serrer fort. “Tu fais quoi, là?” demande-t-il. “T’es pas partie depuis si longtemps.”

“Je crois que si, du moins pendant un temps donné,” dit-elle, se sentant à la fois au bord du rire et des larmes, car non seulement Finn est un de ses meilleurs amis au monde, mais maintenant elle ne veut plus jamais le laisser partir. Pourtant elle le lâche, parce qu’aussi heureuse qu’elle soit, elle sait qu’il y a une urgence à traiter. Se tournant vers le vaisseau, elle n’est qu’à moitié étonnée de voir que l’homme masqué a disparu. C’est comme s’il n’avait jamais été là.

“Où est-il?” S’étonne-t-elle.

“Qui?” Demande Tam, se relevant pour lui prendre la main.

Elle était persuadée que Tam l’avait vu, mais son fils n’a d’yeux que pour elle, fasciné. Peut-être qu’elle était la seule à pouvoir le voir, ou peut-être qu’il n’a jamais été là. Et si elle avait tout imaginé?

Quelqu’un apparaît en haut de la rampe. Finn réagit immédiatement, levant son arme.

“Hé! Pas un geste!”

Twofer se fige, les observant avec prudence.

“Finn - non. Elle est avec moi.”

“C’est un stormtrooper,” dit-il, refusant de baisser son arme.

“Oui, et elle est sous ma protection. Personne ne lui tire dessus.” dit fermement Rey, qui se tourne vers Twofer. “Etant donné les circonstances, je pense que tu devrais venir avec nous. Je m’assurerai qu’il te laissent partir, mais tu vas devoir t’accommoder de la Résistance quelques temps.

“Quelques temps”, dit-elle mal à l’aise. “Je devrais y arriver.”

Tam lui presse la main. “Et Kylo? Tu l’as retrouvé?”

Rey se penche en souriant. “Oui mon cœur. Il est très faible, mais je l’ai retrouvé.”

“Argh,” soupire Finn, abaissant son blaster en levant des yeux désespérés au ciel. “J’esperais que cette partie de la vision etait fausse.”

Rey regarde son ami. “Nous devons ne ramener sur Kalboth. Il lui faut une cuve de bacta-”

“Ne dis pas de bêtises,” dit Finn platement. “Ce n’est pas un hôpital. Tu ne peux pas livrer l’ennemi juré de la République à la Résistance et t’attendre à ce qu’ils soignent ses bobos-”

“Ils ne vont pas le refuser. Ils ne peuvent pas.” Rey prend un air assuré mais au fond d'elle elle n’est sûre de rien. “Finn, il lui faut de l’aide, sinon il va mourir.”

Elle le voit ouvrir la bouche pour former les mots ‘tant mieux!’, mais il remarque au même instant que Tam le regarde. C'est une chose de désapprouver les choix de Rey en terme d’hommes, mais Tam n’a pas choisi son père. Même Finn ne peut pas refuser de l’aide à un père sous les yeux de son fils.

“Parfait, mais c’est ta décision, pas la mienne.” Dit-il.

“Je suis préparée à ça, Finn.”

“Alors allons-y.” Il la prend par l’épaule, comme les deux camarades qu’ils sont. “Mettons le dans la navette.”

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